Après l'avortement, la sodomie et la contraception dans le viseur de la Cour suprême?

ÉTATS-UNIS - C’est une marque indélébile laissée par Donald Trump aux États-Unis. Au cours de son passage à la Maison Blanche, le milliardaire a eu l’opportunité de nommer trois juges à la Cour suprême, la juridiction la plus importante du système américain. Et il a choisi des personnalités extrêmement conservatrices qui peuvent désormais influencer jusqu’à leur mort la vie politique du pays.

C’est ainsi que le 24 juin dernier, la Cour désormais dominée par six conservateurs contre trois progressistes est revenue sur “Roe v Wade”, un arrêt en date de 1973 et qui faisait jusqu’alors de l’avortement un droit protégé au niveau national. En clair, il est désormais possible pour tous les États qui le souhaitent de revenir sur ce droit, et ils sont déjà nombreux à l’avoir fait.

Un chemin “extrême et dangereux”

Mais au-delà de cette décision, notre vidéo en tête d’article explique que ce revirement de jurisprudence fait craindre une offensive conservatrice encore plus large. En effet, le juge Clarence Thomas a exprimé son souhait de se tourner désormais vers trois autres arrêts: “Griswold v Connecticut”, “Lawrence v Texas” et “Obergefell contre Hodges”. Des décisions qui protègent respectivement le droit à la contraception, les relations sexuelles entre personnes de même sexe et le mariage entre personnes de même sexe.

Au point que Joe Biden fait part de son inquiétude. Le président américain estime que le juge Thomas “propose explicitement de remettre en question le droit au mariage pour tous ou encore celui pour les couples de choisir leur contraception”. Et le président américain de faire part à nouveau de ses doutes ce vendredi 8 juillet. “Nous ne pouvons pas laisser une Cour suprême “hors de contrôle restreindre les libertés”, a-t-il déclaré depuis la Maison Blanche.

En effet, au-delà de garantir l’avortement, “Roe v Wade” est un cas central dans le droit américain. Cet arrêt a effectivement contribué à sacraliser le principe d’intimité, sur lequel la Cour suprême s’appuie pour autoriser les citoyens américains à avoir recours à la contraception, pour permettre le mariage entre les personnes de même sexe ou garantir à chacun d’avoir les pratiques sexuelles qu’il souhaite (plusieurs États criminalisaient la sodomie afin de discriminer la communauté gay).

Des pressions politiques à venir?

Ironie absurde de toute cette situation, des voix républicaines (notamment celle du sénateur de l’Indiana Mike Braun) s’élèvent aussi pour demander au juge Thomas de revenir sur un autre arrêt, “Loving v Virginia”. Une décision qui protège au niveau national les mariages “interraciaux”, et qui pourrait donc être combattue par Clarence Thomas, un homme noir marié à une femme blanche.

Ce qui, dans le contexte, a fait grincer des dents à l’acteur Samuel L. Jackson, qui s’est demandé si le juge conservateur était aussi motivé à l’idée de s’en prendre à cet arrêt qu’à ceux mentionnés plus haut.

“Comment tonton Clarence se sent-il à l’idée d’annuler ’Loving v Virginia?”

Alors oui, pour le moment, Brett Kavanaugh, l’un des juges nommés par Donald Trump assure que la Cour suprême s’en tiendra à l’avortement et qu’il n’est pas question de revenir sur d’autres droits. D’autant qu’à lui seul, Clarence Thomas n’a pas le pouvoir de faire évoluer la situation.

Sauf que comme le rappelle le New York Times, cette décision reste dans les les mains de la majorité des juges et qu’il est impossible d’exclure de nouvelles offensives réactionnaires, surtout si l’opinion publique et des personnalités politiques de premier plan (on pense évidemment à Donald Trump) poussent dans ce sens.

Le climat et le système électoral déjà menacés

En attendant, la Cour suprême s’en est déjà prise à l’EPA, l’Agence gouvernementale en charge de la protection de l’environnement, l’empêchant à partir de maintenant d’édicter des règles limitant les émissions polluantes des centrales à charbon.

Et la juridiction suprême a d’ores et déjà prévu de s’attaquer à un autre cas, “Moore v Harper”. Un arrêt qui organise le pouvoir et les devoirs qu’ont les États fédérés vis-à-vis des élections nationales. Or d’après les spécialistes, une remise en cause de cette jurisprudence pourrait lui permettre de faciliter les stratégies de ce que l’on appelle voter suppression en anglais. C’est-à-dire que les États qui le souhaitent pourraient rayer plus facilement des citoyens des listes électorales (par exemple à la suite d’une condamnation pour consommation de cannabis), tracer des circonscriptions particulièrement favorables à un camp politique ou encore permettre une interférence partisane dans les dépouillements…

Des techniques de manipulation électorale qui étaient déjà vivement dénoncée par le camp démocrate sous Donald Trump, et qui ont notamment eu cours au moment de l’élection présidentielle de 2020. Une preuve parmi d’autres que le Trumpisme aura marqué, en nommant des juges qui rappelons-le restent en poste à vie, pour de très longues années la vie politique américaine.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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