Après l’attaque à Arras, le camp Macron vante sa loi immigration comme une bonne réponse au terrorisme

Le camp Macron vante sa loi immigration comme une réponse à l’attaque à Arras. (photo d’illustration de Borne et Darmanin prise en juin 2023 à Evry-Courcouronnes)
STEFANO RELLANDINI / AFP Le camp Macron vante sa loi immigration comme une réponse à l’attaque à Arras. (photo d’illustration de Borne et Darmanin prise en juin 2023 à Evry-Courcouronnes)

POLITIQUE - Après la sidération, la réponse politique. L’attaque mortelle perpétrée à Arras dans un lycée public du Pas-de-Calais par un homme fiché S d’origine tchétchène, vendredi 13 octobre, soulève plusieurs questions sur la gestion des personnes radicalisées. L’assaillant, connu des services de renseignements, n’était pas expulsable car arrivé à l’âge de 6 ans sur le sol français.

Alors que la communauté éducative rend hommage ce lundi, à Samuel Paty, trois ans après sa mort, et à Dominique Bertrand, le professeur tué à Arras, le camp présidentiel organise sa riposte. Dans le sillage d’Emmanuel Macron, lequel a exigé des préfets qu’ils passent au peigne fin le fichier des individus radicalisés, le camp présidentiel essaie de donner des gages de fermeté.

Avec un argument phare : la loi immigration, longtemps restée dans les cartons faute de majorité absolue à l’Assemblée nationale, mise à l’agenda du Sénat le 6 novembre. Elle serait, à en croire plusieurs responsables - dont Élisabeth Borne et Gérald Darmanin - un remède à ce genre de situation et d’événements. Ce dont la droite n’est pas convaincue.

Darmanin : « Il faut désormais adopter cette loi très vite »

« Le texte immigration tel que nous l’avons proposé, et adopté par la commission des Lois du Sénat, nous aurait permis d’obtenir la levée des protections du terroriste d’Arras qui à l’époque n’était pas considéré comme auteur terroriste », a ainsi affirmé le ministre de l’Intérieur, ce lundi à la mi-journée. Et donc, de pouvoir l’expulser.

Le numéro 3 du gouvernement s’est livré à une explication au sortir d’une réunion de sécurité à l’Élysée autour d’Emmanuel Macron. Aujourd’hui, a-t-il indiqué, la loi permet de faire tomber les protections accordées aux étrangers en fonction de certains critères, s’ils sont arrivés sur le territoire national avant l’âge de 13 ans par exemple, uniquement si la personne « touche aux intérêts fondamentaux de la nation, donc le terrorisme. »

Ce qui n’était pas le cas de l’auteur de l’attaque à Arras, « qui n’avait pas de casier judiciaire, qui était suivi par les services de renseignements depuis moins de trois mois », avant son passage à l’acte, a indiqué Gérald Darmanin. Il ne pouvait donc pas être expulsé, malgré la demande en ce sens de la préfecture du Pas-de-Calais l'année dernière.

Dans son texte, le gouvernement souhaite étendre les motifs qui justifient la levée de ces protections à « la délinquance », ou les « violences intrafamiliales. » Or, « ce monsieur qui est l’auteur de l’attentat terroriste a été, voilà un an, mis en garde à vue parce qu’il avait manifestement frappé sa mère », a expliqué le ministre de l’Intérieur, arguant que son texte aurait donc permis « d’expulser cette personne. » « C’est pour ça qu’il faut désormais adopter cette loi très vite », a encore intimé Gérald Darmanin.

Déplacer la pression sur LR

Un message envoyé notamment aux élus Les Républicains, qui détiennent pour partie les clefs de ce texte au Palais Bourbon. Un peu plus tôt dans la journée, c’est la présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale qui est montée au créneau pour réclamer une accélération de l’examen du projet de loi au Parlement pour « faire sauter » la « protection absolue » dont bénéficient certains étrangers. Le tout, en mettant la pression sur les oppositions.

Yaël Braun-Pivet, qui souhaite une adoption définitive « avant la fin de l’année », a appelé sur France 2 plusieurs dirigeants de droite ou d’extrême droite à « passer des paroles aux actes » : « Je vois des commentaires à droite et à gauche… Bruno Retailleau est parlementaire au Sénat, qu’il dépose des amendements. Marine Le Pen, Éric Ciotti sont parlementaires, ils peuvent déposer des amendements. » Dans le même esprit, Élisabeth Borne avait dès dimanche, mis au défi « ceux qui nous critiquent aujourd’hui, pour qu’ils votent notre texte demain » dans La Tribune.

Jusqu’à présent, les élus du parti Les Républicains s’opposent farouchement au volet « régularisation » prévu initialement dans le texte gouvernemental pour les travailleurs sans papier des métiers en tension - et défendu bec et ongles par l’aile gauche du camp présidentiel. LR fait même planer la menace d’une motion de censure à l’Assemblée si l’exécutif s’aventure à faire usage de l’article 49.3 de la Constitution autorisant l’adoption d’un texte sans vote avec cet aspect-là du projet de loi.

Retailleau contredit Darmanin

Pas sûr que les récents événements dans le Pas-de-Calais soient de nature à modifier la ligne du parti. Depuis vendredi, Éric Ciotti et ses troupes renvoient le gouvernement à ses « failles » dans la prévention du terrorisme, alors que l’attentat d’Arras a eu lieu presque trois ans jour pour jour après celui de Samuel Paty, également professeur, par un islamiste d’origine russe.

Surtout, certaines voix s’élèvent pour critiquer la communication du gouvernement sur son fameux texte immigration. Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, par exemple, a publié un message sur le réseau social X en fin d’après-midi pour réfuter les affirmations du ministre de l’Intérieur quelques heures plus tôt.

« Contrairement à ce qu’il prétend, le projet de loi sur l’immigration de Gérald Darmanin n’aurait pas permis d’expulser le meurtrier d’Arras, puisqu’il faudrait une condamnation pour des faits passibles de 10 ans d’emprisonnement pour pouvoir expulser un individu arrivé avant ses 13 ans sur le sol français », écrit ainsi le parlementaire LR. Dans ces conditions, la droite plaide avant tout pour ses propres réponses, comme la fameuse révision constitutionnelle qu’ils appellent de leurs vœux.

Face à ces différences de vues, Gérald Darmanin - qui affirmait à la mi-journée que sa mesure concernait bien les personnes condamnées, et accusées - ne cesse de tendre la main aux parlementaires de droite. Le ministre de l’Intérieur a indiqué ce lundi qu’Emmanuel Macron lui a demandé de réfléchir à des mesures supplémentaires, déposées le cas échéant via des amendements. Il a également précisé être « extrêmement ouvert à des propositions », notamment de la « majorité sénatoriale » qui « rendraient le texte encore plus ferme ». Pour une réponse politique à deux mains.

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