Anthony Chen, réalisateur d’“Un hiver à Yanji” : “La censure chinoise m’a forcé à être subtil”

COURRIER INTERNATIONAL Quels thèmes vouliez-vous aborder dans Un hiver à Yanji ?

ANTHONY CHEN Ce film est né durant la période du Covid, alors qu’un sentiment collectif de mélancolie et d’angoisse traversait le monde. J’ai éprouvé l’envie de faire un film sur la jeunesse pour saisir sur le vif cette génération perdue. J’ai tenté de me remémorer un film qui traitait de ce thème, et j’ai naturellement pensé à Jules et Jim. Non pas que j’aie voulu copier le film, je me suis bien gardé de le revoir ! Mais je me suis inspiré du sentiment de liberté qui me restait du long-métrage de François Truffaut [sorti en 1962] pour élaborer la trame narrative d’Un hiver à Yanji.

Pourquoi avoir choisi la Chine comme décor et lieu de tournage ?

La genèse d’Un hiver à Yanji réside aussi dans une crise existentielle que j’ai traversée. En réponse, j’ai voulu réaliser un film à l’étranger, dans un univers auquel je n’étais pas habitué. Le producteur chinois avec qui j’étais en contact m’a alors suggéré de tourner un film d’hiver, dans l’endroit le plus froid de Chine. Après cela, en regardant bêtement une carte, je suis tombé sur le parc de la montagne Changbai, qui est à cheval sur la Chine et la Corée du Nord. Cela m’a permis d’introduire l’idée d’une frontière d’autant plus pertinente que mes personnages sont, en quelque sorte, à une frontière de leur vie.

Une fois sur place, j’ai découvert la ville de Yanji. C’est un lieu à part, je suis tombé amoureux de cet endroit. C’est, m’a-t-on dit, la ville où il y a le plus de cafés par habitant de tout le pays, en raison de l’influence coréenne [et de la présence sur place d’une très importante diaspora coréenne, qui parle encore sa langue d’origine]. Elle est partout, on entend de la K-pop à chaque coin de rue. Finalement, c’est la première ville de Chine où j’ai eu le sentiment de ne pas être en Chine, justement.

Tourner en Chine, avec des producteurs chinois, c’est se soumettre à certaines contraintes sur ce qu’on raconte et ce qu’on filme. Avez-vous dû vous censurer ?

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