Anorexie, boulimie… Votre enfant a des TCA ? Voici les conseils de femmes qui en ont souffert

« Quand on est parent, on est en première ligne. Et on peut se sentir très vite impuissant face à un enfant qui trie son assiette », estime Ludivine Grétéré.
Halfpoint Images / Getty Images « Quand on est parent, on est en première ligne. Et on peut se sentir très vite impuissant face à un enfant qui trie son assiette », estime Ludivine Grétéré.

SANTÉ - « Qu’on me force à manger a été terrible pour moi. » Pendant une partie de son adolescence et de sa jeunesse, Ludivine Grétéré, aujourd’hui âgée de 44 ans, a souffert d’anorexie et de boulimie. Et ses parents se sont retrouvés « démunis » face à cette situation.

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Jusqu’à essayer de la forcer à manger, une méthode que la quadragénaire décrit aujourd’hui comme « complètement contre-productive ». « Si on m’avait demandé ce que j’avais, peut-être que j’aurais pu exprimer mes émotions. Au contraire, ça m’a encore plus renfermée sur moi-même », se souvient-elle.

Aujourd’hui guérie, Ludivine Grétéré se livre dans son ouvrage Imparfaite (éd. Fayard), paru le 31 janvier. Elle y aborde, entre autres, sa relation avec ses parents à ce moment de sa vie. « Quand on est parent, on est en première ligne, estime-t-elle auprès du HuffPost. Et on peut se sentir très vite impuissant face à un enfant qui trie son assiette. »

Le HuffPost a recueilli le témoignage de Ludivine Grétéré et de deux autres femmes, Ariane et Camille, qui ont souffert de TCA (troubles des conduites alimentaires). Fortes de leur expérience, elles livrent des conseils aux parents qui seraient confrontés à ces troubles.

Ne pas aborder le sujet frontalement

Selon l’Assurance maladie, les trois principaux TCA sont l’anorexie mentale (une restriction des apports alimentaires entraînant une perte importante de poids), la boulimie (« des prises compulsives de quantités importantes de nourriture suivies de comportements compensatoires », comme les vomissements, selon le site Amélie.fr) et l’hyperphagie boulimique (qui est similaire à la boulimie, mais sans les comportements compensatoires).

Ces maladies touchent principalement des jeunes femmes. Selon nos trois témoignages, les principaux signaux d’alerte pour les parents sont le changement de conduite alimentaire et la perte de poids. Pour Ariane, 25 ans, qui a souffert de TCA pendant ses études, le fait qu’un enfant fasse « du sport à outrance peut aussi mettre la puce à l’oreille ». Cela peut, entre autres, être une méthode de compensation dans la boulimie.

Pour en parler avec lui, les trois femmes insistent sur le fait de ne pas aborder le sujet frontalement, au risque que l’enfant se braque. La psychologue clinicienne Loreline Plobner, spécialisée dans les TCA, abonde dans ce sens : « Je dirais qu’il faut prendre un temps à part avec la personne, et parler de ce qui ne va pas en général, sans pointer du doigt le symptôme. C’est très délicat de montrer à la personne qu’il y a un problème car il y a beaucoup de déni dans cette pathologie, au début.  »

La gestion de la nourriture

Ludivine Grétéré considère que « partager sa vulnérabilité » peut aussi aider : « Un enfant a tendance à idéaliser ses parents. Je pense que partager ses échecs et ses failles peut aider à créer du lien, même si on n’a pas eu de problème avec la nourriture, car les TCA sont aussi un problème d’estime de soi. » Ariane ajoute qu’il est important selon elle que les parents se renseignent sur les TCA avant d’en parler.

Les TCA sont des troubles complexes, et certaines conduites sont à éviter pour les parents. Face à un enfant qui refuse de s’alimenter, Loreline Plobner confirme ce que Ludivine Grétéré nous dit plus haut : « Forcer à manger un enfant ne peut que provoquer des conflits et une réaction inverse et défensive. »

Par ailleurs, dans le cas de boulimie ou d’hyperphagie, empêcher une crise en cachant les aliments quand on est parent est inutile, selon Camille, 26 ans. Ces crises sont des moments où « la personne absorbe de manière compulsive de grandes quantités de nourriture, dans un temps court, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit », selon l’Assurance maladie. Et si « la crise doit se faire, il faut qu’elle se fasse », estime Camille.

Ce que confirme la psychologue : « Les TCA rentrent dans le registre des addictions. La personne n’est pas bien et a besoin de faire ça à ce moment-là. Mieux vaut accepter la crise que de rajouter une contrainte parentale par-dessus. C’est terrible d’être privé quand ça vient de l’extérieur. »

Le facteur sociétal

Les TCA sont des troubles multifactoriels, qui peuvent être influencés par des facteurs socioculturels, comme la grossophobie présente dans la société et les injonctions sur le corps des femmes. Pour minimiser ces effets, les parents doivent éviter les commentaires sur le physique de leurs enfants, mais aussi sur ceux d’autres personnes, que ce soit à la télé ou dans la rue.

Ariane conseille également de « ne pas féliciter quelqu’un pour une perte de poids », car cela « participe énormément à la glorification de la minceur et à la peur de grossir ». Selon la psychologue Loreline Plobner, le risque est que l’enfant intègre la prise de poids comme quelque chose de négatif.

Certaines remarques se voulant bienveillantes peuvent aussi avoir des effets néfastes, comme féliciter une personne atteinte de TCA qui a repris du poids, selon Camille. La vingtenaire estime que cela peut avoir l’effet inverse, et « la personne peut se dire qu’elle doit maigrir à nouveau ».

Alors que peut-on dire pour réconforter, ou soutenir, un proche qui souffre de TCA ? Plus que des compliments, qui ne sont parfois « pas acceptés », Loreline Plobner estime qu’une personne qui souffre de TCA « a surtout besoin de beaucoup d’attention, d’amour, de compassion et de présence, sans en abuser ».

Se déculpabiliser

Ne sachant pas comment réagir face au mal-être de leur enfant, les parents peuvent rapidement tomber dans la culpabilité. « Le problème de la culture de la minceur est systémique. Dans toutes les représentations, les corps sont minces et se ressemblent tous. On peut vite se blâmer en tant que parent, mais il faut faire un pas de côté et se rendre compte que le problème est global », considère Ariane.

Pour Ludivine Grétéré, les parents doivent accepter le fait qu’ils sont imparfaits. « Il faut arrêter avec l’idée d’être un parent infaillible. On fait avec ce qu’on sait faire et avec nos propres failles », martèle-t-elle, avant de rappeler que les TCA sont causés par « un enchaînement de circonstances » qui n’ont pas forcément de rapport avec l’éducation.

Si votre enfant est confronté aux TCA, il est fortement recommandé de se faire aider, et de faire appel à des professionnels, comme des médecins ou des psychologues. « J’étais dans une logique de déni et je ne voulais pas coopérer, se souvient Ludivine Grétéré. Un enfant a parfois envie de parler à quelqu’un d’extérieur, dont la parole va rester secrète. »

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