Un an après l'invasion du Capitole, Donald Trump prépare son retour

Un an après l'invasion du Capitole, comment Trump prépare son retour? (photo d'illustration prise en juin 2021 en Caroline du Nord) (Photo: Jonathan Drake via Reuters)
Un an après l'invasion du Capitole, comment Trump prépare son retour? (photo d'illustration prise en juin 2021 en Caroline du Nord) (Photo: Jonathan Drake via Reuters)

ÉTATS-UNIS - Cette date du 6 janvier, les Américains ne sont pas près de l’oublier. Un an jour pour jour après l’attaque du capitole, la blessure est toujours fraîche pour les démocrates. “Le 6 janvier 2021 restera à jamais cette tache indélébile dans l’histoire de notre démocratie américaine, a déclaré sombrement Chuck Schumer, le chef des démocrates dans cette institution. Ils ont tenté de faire vaciller notre démocratie. Dieu merci, ils ont échoué”. Pour marquer cet événement traumatisant, un moment de commémoration a été préparé au Congres, au cours duquel Joe Biden doit prendre la parole ce jeudi.

Il était également prévu que Donald Trump, accusé d’avoir incité ses partisans à “marcher sur le Capitole”, s’exprime lors d’une conférence de presse pour (re)donner sa version de l’histoire et en remettre une couche sur le prétendu “vol” de l’élection présidentielle par les démocrates. Il a finalement renoncé à prendre la parole pour la date anniversaire, sans en donner les raisons, mais assure qu’il s’exprimera le 15 janvier lors d’un meeting en Arizona.

Depuis près d’un an, Donald Trump se fait discret sur la scène médiatique. Vu de la France, son nom n’apparaît dans les médias que dans le cadre d’enquêtes le visant. Notamment celle sur l’assaut du Capitole avec la bataille de l’ex-président pour ne pas transmettre à la commission parlementaire les documents sur cette fameuse journée. Plus récemment, le 3 janvier, la procureure de l’État de New York qui enquête sur une possible fraude fiscale de la Trump Organization, a annoncé vouloir entendre l’ancien président ainsi que ses enfants Ivanka et Donald Junior.

Un Donald Trump acculé et sans voix? Cette perception n’est ni toute française ni liée à la distance. Il s’est bien effacé ces derniers mois, mais seulement en surface et pour mieux revenir, estiment Marie-Christine Bonzom et Nicole Bacharan, deux politologues spécialistes des États-Unis, interrogées par Le HuffPost. Et 2022 devrait être l’année de son grand retour.

Les “midterms”, l’échéance cruciale pour Trump

Il faut dire que cette année va être cruciale pour la suite de l’avenir politique des États-Unis. En novembre sont prévues les élections de mi-mandat (les ‘midterms’). Cette première élection d’envergure depuis la prise de fonction de Joe Biden aura l’allure d’un référendum sur la première moitié de son mandat. Un excellent moyen pour Donald Trump de prendre la température.

“Le projet de Trump c’est de revenir pour les ‘midterms’, il va pouvoir évaluer l’état d’esprit politique de son pays et selon ce qui va en découler, il se relancera dans la course pour 2024”, analyse Nicole Bacharan, autrice du roman Les grands jours qui ont changé l’Amérique (Éditions Perrin).

Et le milliardaire ne cache pas sa volonté de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Début novembre il a expliqué qu’il annoncerait “probablement” sa décision de se présenter à la Maison Blanche après les élections de mi-mandat et a laissé entendre que son choix ferait “beaucoup de gens heureux”.

Le projet de Trump c'est de revenir pour les ‘midterms’, il va pouvoir évaluer l’état d’esprit politique de son pays et selon ce qui va en découler, il se relancera dans la course pour 2024."Nicole Bacharan, politologue spécialiste des Etats-Unis.

Quoi qu’il en soit, pour le moment, la situation lui semble plutôt favorable. Le président Biden et sa vice-présidente sont au plus bas dans les sondages et peinent à convaincre les Américains de leur efficacité. Le 18 novembre, le Washington Postannonçait que Kamala Harris était la vice-présidente la moins populaire, à ce stade du mandat, des cinquante dernières années. Selon un sondage de l’Université de Suffolk pour USA Today publié le 3 janvier, Joe Biden a terminé 2021 avec un “taux d’approbation désastreux” de 40%. “Biden et Harris sont dans les limbes. L’économie, l’inflation, la lutte contre le Covid, la crise migratoire avec le Mexique et surtout le fiasco de l’Afghanistan… Tout ça a fragilisé leur réputation”, nous explique Marie-Christine Bonzom.

Un désamour qui s’est déjà traduit dans les urnes le 3 novembre avec le premier revers majeur du président Biden lors de l’élection du candidat républicain au poste de gouverneur de Virginie. “Ce fut un échec, et même si les démocrates ont ensuite remporté le New Jersey, ils ne l’ont fait que d’un cheveu, et ceci est un nouvel échec symbolique, car cet état est historiquement démocrate”, note encore Marie-Christine Bonzom. De quoi encourager Trump dans sa volonté de reconquête du trône.

Trump va prendre sa revanche sur les réseaux sociaux

Pour ce faire, l’ancien président va devoir recouvrer sa voix. Si pendant un an le monde a pu échapper à ses salves quotidiennes de tweets incendiaires, c’est surtout suite à son bannissement des réseaux sociaux. Interdit à vie de compte Twitter, et pour deux ans minimum sur Facebook, Donald Trump doit toutefois faire son grand retour sur la scène médiatique grâce à son propre réseau social.

Intitulée “Truth Social”, la future plateforme a été présentée par l’ex-président comme une alternative aux réseaux sociaux qui l’ont banni pour avoir incité ses partisans à la violence avant l’assaut du Capitole. Actuellement disponible en pré-commande sur l’App Store, elle doit théoriquement être lancée au premier trimestre 2022.

Et quid de son bannissement si le milliardaire se présente officiellement? Même si, selon Nicole Bacharan, il sera très inconfortable pour Twitter de maintenir l’interdiction face à un candidat à la présidentielle, la plateforme a assuré lors de sa prise de décisions en février 2021 qu’il n’y aurait pas de retour en arrière. Pour Facebook, l’interdiction est censée durer 2 ans au minimum et pourrait donc être levée à partir de janvier 2023.

Trump, en culte de la personnalité et jeu d’échecs

En attendant le lancement de sa plateforme et l’échéance de novembre prochain, Donald Trump ne va pas rester en retrait. D’ailleurs, il ne l’a en réalité jamais été, selon Marie-Christine Bonzom. “Il s’est peut-être effacé de la vie médiatique, mais c’était pour mieux s’occuper de la politique. Dans ce domaine-là est très actif. Il se positionne en grand détracteur de son successeur, il prend la posture du candidat et c’est assez inédit”, note-t-elle.

Aussi, même s’il ne donne pas d’interview aux médias démocrates, Trump est resté très présent dans les États, lors des élections locales. “Il tente de placer des gens à lui un peu partout, comme des pions sur un échiquier. Il s’assure ainsi de leur soutien, garde une présence au sein du parti républicain et maintient le contact avec sa base: il se prépare pour 2024”, analyse la politologue.

Trump s’est peut-être effacé de la vie médiatique, mais c’était pour mieux s’occuper de la politique. Dans ce domaine-là est très actif."Marie-Christine Bonzom, politologue spécialiste des Etats-Unis.

Une stratégie qui pourrait marcher, même après le fiasco du 6 janvier au Capitole. Car nombreux sont ceux qui persistent à croire que l’élection présidentielle a été “volée” par les démocrates et que le président légitime est Donald Trump. C’est le message que martèle inlassablement ce dernier depuis sa défaite. En outre, le milliardaire est l’objet d’un culte de la personnalité de la part de ses partisans. “Au-delà d’avoir voté pour le parti républicain, beaucoup ont d’abord voté pour Donald Trump et ne voudront aucun autre candidat. Leur loyauté va d’abord à lui, puis ensuite au parti”, nous explique Nicole Bacharan. Selon une étude du Pew Research Center publiée le 6 octobre, deux tiers des sympathisants souhaitent que l’ancien président joue un rôle politique actif dans les années à venir (+ 10 % depuis janvier 2021) et parmi eux, 44 % espèrent une nouvelle candidature.

Ainsi, même si certains républicains ont pu lui tourner le dos après le 6 janvier, beaucoup ont et vont retourner leur veste pour le soutenir et espérer ses faveurs. “Nombre d’élus détestent Trump, mais ils sont dans un mariage politique, alors ils vont le soutenir”, résume la politologue.

Et si le “trumpisme” s’enflammait, mais sans Trump?

Si le chemin semble tout tracé pour un grand retour du magnat des affaires, le vent pourrait toutefois tourner. La défaite des démocrates en Virginie leur a certes porté un gros coup, mais elle a également créé une situation inédite et peu rassurante pour l’ancien président. Elle a démontré qu’un “trumpisme” sans Trump est désormais possible.

Lorsque le millionnaire républicain Glenn Youngkin a remporté ce scrutin, Donald Trump s’est immédiatement fendu d’un communiqué: “Je voudrais remercier mes partisans de s’être déplacés en nombre pour voter pour Glenn Youngkin”, a-t-il applaudi. “Sans vous, il n’était pas près de gagner”. Pourtant ce n’est pas si certain. Car, durant sa campagne, le candidat de Virginie s’est efforcé de garder l’ancien président à bonne distance. Et a décroché la victoire en dépassant de loin les scores obtenus par Trump en 2020 dans les banlieues résidentielles, notamment chez les électeurs indépendants et les femmes.

La victoire de Glenn Youngkin en Virginie sert donc de mode d’emploi pour les républicains: il faut reprendre les codes, les thèmes de prédilection du milliardaire républicain, tout en s’écartant de ses prises de position les plus outrancières qui effrayaient les modérés. Nicole Bacharan n’exclut pas qu’avec le temps “l’effet Trump s’émousse” et ce même avant 2024.

Enfin, si ce n’est pas le cas, d’autres facteurs sont à prendre en compte avant de voir Donald Trump de nouveau à la Maison Blanche: son état de santé (qui en tant de pandémie de Covid n’est pas à l’abri d’une secousse), son âge (il aura 78 ans en 2024) et l’issue des procès dans lesquels il est visé.

À voir également sur Le HuffPost: Joe Biden candidat en 2024? Il est encore plus motivé par Donald Trump

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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