« America, America », un tournant dans l’histoire du cinéma hollywoodien

De par sa façon de raconter les origines, America, America a drastiquement changé le cinéma. Ce qui est aujourd'hui devenu commun était particulièrement novateur en 1963.  - Credit:WARNER BROS - MGM / Collection ChristopheL via AFP
De par sa façon de raconter les origines, America, America a drastiquement changé le cinéma. Ce qui est aujourd'hui devenu commun était particulièrement novateur en 1963. - Credit:WARNER BROS - MGM / Collection ChristopheL via AFP

Quelques plans d'ouverture en noir et blanc, des images de paysages désertiques et sauvages – montagnes imprenables, plaines à perte de vue parsemées de troupeaux, pas une construction à l'horizon. Et puis la voix off du cinéaste qui résonne : « Je m'appelle Elia Kazan. Je suis grec de sang, turc de naissance et américain parce que mon oncle fit un voyage… »

America, America est un film à la première personne, comme une confidence glissée au creux de l'oreille du spectateur. Kazan y raconte Stavros Topouzoglou (Stathis Giallelis), un personnage qu'il a soigneusement modelé sur son oncle Avraam Elia Kazanjoglou, celui-là même dont le voyage heurté, douloureux, permit ensuite à son propre père, George, d'émigrer de Constantinople (où le futur cinéaste naît en 1909) jusqu'à New York, où les Kazanjoglou devinrent les Kazan.

Banal aujourd'hui, radical en 1963

Il faut mesurer combien ce parti pris de raconter un roman des origines marque une innovation dans le contexte du Hollywood des années soixante. Ce qui paraît banal aujourd'hui – rien de plus courant que de raconter qui l'on est en expliquant d'où l'on vient – est en 1963 un geste radical. Entièrement bâtie par des immigrés, l'usine à rêves hollywoodienne prospère depuis des décennies sur l'idée qu'il n'existe ni appartenance ethnique ni identité religieuse.

Parce qu'ils ont été persécutés dans leurs pays d'origine, les Juifs d'Europe centrale et de Russie qui ont conçu le système des studios ont voulu effacer [...] Lire la suite