Allemagne: ce que l'on sait du projet de coup d'État d'extrême droite déjoué mercredi

Allemagne: ce que l'on sait du projet de coup d'État d'extrême droite déjoué mercredi

Un prince, un commandant militaire, une magistrate d'extrême droite passionnée d'armes à feu... Mercredi, dans ce qu'elle a décrit comme sa plus vaste opération jamais menée, la police allemande a procédé à 25 interpellations, dans le cadre d'un vaste coup de filet concernant un projet de coup d'État porté par un mouvement d'extrême droite.

"Ces militants sont unis par leur haine de la démocratie, de notre État, et des personnes qui soutiennent notre communauté", a déclaré face à la presse la ministre allemande de l'Intérieur, Nancy Faeser. Au total, l'enquête vise 52 personnes, qui auraient participé à des sessions d'entraînement ou encore des achats d'armes.

• 3000 policiers mobilisés

Ce mercredi au petit matin, plus de 3000 policiers allemands ont été mobilisés pour procéder à diverses interpellations et de nombreuses perquisitions. Dans leur viseur: un projet de coup d'État porté par un groupuscule d'extrême droite.

25 personnes ont été arrêtées, mais les investigations portent sur un total de 52 individus. L'ampleur de l'opération témoigne du danger que présentaient les individus interpellés. Les arrestations se sont déroulées dans 11 des 16 Länder que compte le pays.

Parallèlement, 130 logements, bureaux et entrepôts ont été perquisitionnés, dont une caserne des forces spéciales de la Bundeswehr - l'armée allemande - située à Calw, dans le sud-ouest du pays. La justice a indiqué avoir déjoué tous les projets d'attentats. Des arrestations ont également eu lieu en Autriche et en Italie.

• Une invasion armée du Bundestag

La justice allemande a indiqué que les personnes interpellées avaient notamment pour projet d'organiser un assaut armé contre le Bundestag, mais également d'enlever plusieurs responsables politiques. Pour ce faire, ils auraient cherché des appuis dans la police et dans l'armée. Cet été, des déplacements dans le nord de l'Allemagne auraient même eu lieu, afin de recruter des policiers, et quatre réunions ont été organisées.

Les membres du groupuscule avaient même indiqué que des personnes allaient potentiellement mourir durant leurs opérations, une étape jugée nécessaire.

Dans un communiqué, le procureur fédéral Peter Frank a indiqué que des "préparatifs concrets" pour "pénétrer violemment dans le Bundestag allemand avec une petite armée" avaient été découverts par les enquêteurs. Des casernes militaires avaient déjà été repérées, aptes à accueillir des troupes après le possible coup d'État.

Dans cette même perspective, des postes-clés avaient déjà été attribués. C'est un membre de l'aristocratie allemande qui aurait dû prendre la tête de l'État.

"Certaines personnes étaient déjà prévues pour rentrer dans le nouveau gouvernement. Le ministère de la Justice devait être confié à une ancienne députée. Le groupe militaire avait également mis en place une branche militaire qui devait mettre sur pied une nouvelle armée allemande", a expliqué face aux caméras Peter Frank.

• Les "Reichsbürger"

Selon le journal allemand Der Spiegel, cité par Le Monde, les personnes dans le viseur de la justice sont liées à la mouvance appelée Reichsbürger (les citoyens du Reich, ndlr), apparue dans les années 1980 qui ne reconnaît pas la légitimité de l'État allemand. Dans cette perspective, ils refusent de payer des impôts ou d'obéir à la police.

Les quelque 15.000 membres que compte cette mouvance n'ont jamais caché leur volonté de mettre sur pied un nouvel ordre politique, juridique et militaire dans le pays.

Une petite frange de ces Reichsbürger se serait radicalisée au plus tard à la fin de 2021, et auraient décidé de donner un coup d'accélérateurà leurs préparatifs. La justice a assuré qu'ils étaient très organisés, avec un organe central, un bras militaire, et diverses commissions.

• Un casting sulfureux

Quelques uns des profils des personnes interpellées ont été révélés dans la presse. Celui qui aurait dû prendre la tête de l'Allemagne, un membre de l'aristocratie de Thuringe, a été arrêté à Francfort. Il s'agit d'un certain "Henri XIII", 71 ans, également connu sous le nom de Prince Reuss, figure connue dans les milieux antisémites, dont les origines familiales lui confèrent une certaine influence.

Ce dernier aurait même cherché à s'assurer du soutien de la Russie via sa compagne de 39 ans, une citoyenne russe. On ignore encore si des contacts ont pu être établis, mais l'ambassade de Russie à Berlin a nié tout lien avec des organisations terroristes ou illégales en Allemagne.

La presse allemande évoque également un ancien commandant parachutiste de la Bundeswehr, Rüdiger von P., âgé de 69 ans. Il avait dû quitter l'armée à la fin des années 1990, accusé d'avoir enfreint la loi sur les armes.

Enfin, celle qui aurait du prendre le portefeuille du ministère de la Justice en cas de coup d'État a été identifiée comme Birgit Malsack-Winkemann, 58 ans, une ancienne députée du parti d'extrême droite Afd entre 2017 et 2021. Magistrate de formation, elle est réputée pour son goût des armes à feu. Son domicile a été perquisitionné avec grande précaution.

Frauke Petry, la dirigeante de l'Afd, a indiqué que son parti condamnait "les tentatives de coup d'État et nous y opposons fermement".

• Influence des mouvances QAnon et antivax

Avant ce coup de filet, les Reichsbürger étaient connus en Allemagne pour avoir intimidé certains médecins pratiquant la vaccination contre le Covid-19.

De même, les procureurs ont indiqué que les membres sont persuadés qu'un "État profond" dirige en réalité l'Allemagne, dans la droite lignée de la mouvance QAnon, qui a émergé aux États-Unis et dont se réclamaient de nombreux Américains ayant tenté de prendre d'assaut le Capitole en janvier 2021.

Le parquet allemand a indiqué que les personnes interpellées sont "unies par un profond rejet des institutions de l'État et de l'ordre fondamental libéral et démocratique de la République fédérale d'Allemagne, qui a fait grandir chez eux au fil du temps la décision de participer à leur élimination par la violence".

En ajoutant qu'ils sont "fermement convaincus que l'Allemagne est dirigée par des membres d'un soi-disant 'État profond'", mais espèrent prochainement "l'intervention imminente de l'Alliance, une société secrète techniquement supérieure regroupant des gouvernements, des services de renseignements et des militaires de différents pays".

Article original publié sur BFMTV.com