Pour Alison Bechdel, le test de Bechdel, sur le sexisme au cinéma, n’était à l’origine qu’une « blague »

 Le test Bechdel est l’outil de référence pour mesurer la sous-représentation des personnages féminins dans les récits de fiction.
Le test Bechdel est l’outil de référence pour mesurer la sous-représentation des personnages féminins dans les récits de fiction.

SEXISME - Peut-on avoir un film dans lequel deux femmes parlent d’autre chose que des hommes ? C’est ce que tente d’évaluer le test Bechdel, inventé dans les années 80 par l’autrice de bande dessinée Alison Bechdel. Devenu au fil des années un véritable label féministe, cet outil de mesure sur le sexisme dans l’industrie du cinéma n’était à l’origine qu’« une blague », indique Alison Bechdel dans une interview publiée par The Guardian dimanche 2 juillet. Retour sur l’histoire de cet indicateur.

Nous sommes à New York, où deux jeunes femmes passent devant un cinéma. L’une dit à l’autre :

« Tu veux voir un film et te faire un pop-corn ?

Hum, je sais pas… J’ai une règle, tu vois : je ne regarde que des films qui répondent à trois exigences. Un : qu’il y ait au moins deux femmes ; deux : qu’elles aient droit à un dialogue ; trois : qu’elles parlent d’autre chose qu’un homme.

Plutôt strict, mais l’idée est bonne.

Tu parles ! Le dernier que j’ai pu voir comme ça, c’était Alien… »

Mesurer la sous représentation des personnages féminins

Cette scène, on la retrouve dans la bande dessinée intitulée La Règle, de la série Gouines à suivre (Dykes to watch out for), publiée en 1985 par Alison Bechdel. Et elle n’était à l’origine qu’une simple blague de BD. « Je n’ai jamais eu l’intention que ça devienne une vraie mesure et c’est difficile d’en parler encore et encore, mais c’est plutôt cool », a déclaré l’autrice au journal britannique.

Mais repris par les féministes sous le nom de « test de Bechdel » (ou « test Bechdel-Wallace », du nom des deux femmes mises en scène dans la BD), cet outil est devenu l’instrument de référence pour mesurer la sous-représentation des personnages féminins dans les récits de fiction. Comme indiqué dans la bande dessinée, pour soumettre un film au test, il suffit de retenir quelques questions : comporte-t-il au moins deux personnages féminins ? Ces deux femmes se parlent-elles et si oui, d’autre chose que d’un homme ?

Toutefois, au fil de son utilisation les critères d’évaluation se sont affinés : les femmes qui dialoguent doivent être de véritables protagonistes de l’histoire (avoir un nom) et leur discussion doit durer plus de 60 secondes.

Des critères qui paraissent simples, et pourtant, bon nombre de films ne parviennent pas à passer le test. Selon la base de données du Bechdel, sur les 9 802 œuvres qu’elle contient, 57,1 % réussissent les trois tests, 10,2 % réussissent deux tests, 21,7 % réussissent un test et 11,1 % ne réussissent aucun test. Mais une étude plus complète dénote toutefois d’une certaine évolution de l’industrie cinématographique, avec de plus en plus de films qui réussissent le test au fil des années.

Détournement du test

À l’occasion de la 76e édition du Festival de Cannes, qui se tenait du 16 au 27 mai 2023, l’association Actrices acteurs de France associés (AAFA) a détourné ce test pour créer un nouvel outil de mesure. Appelé Test du Tunnel des 50, son objectif était cette fois de rendre compte de la représentation des femmes de plus de 50 ans dans le cinéma. Les festivaliers étaient invités à réaliser le test eux-mêmes, en scannant un QR code. Il permettait d’évaluer les 67 films de la cuvée 2023 du Festival de Cannes.

Sur le même principe que le test de Bechdel, ce nouvel outil de mesure repose sur trois critères : y a-t-il une femme de plus de 50 ans ayant un nom ou un prénom dans le film ? Si oui, a-t-elle au moins deux scènes parlées ? Si oui, en dehors de son éventuelle fonction familiale (épouse, mère, grand-mère…), a-t-elle un engagement social ou une activité professionnelle ? Un moyen de prendre conscience de la persistance des stéréotypes sexistes dans l’industrie du cinéma.

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