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Akhenaton dans La Face Katché : "On cherchait un appart, on nous a dit : "Pas de chiens, pas de Noirs, pas d'Arabes""

Rappeur emblématique, membre du collectif IAM, Akhenaton est indéniablement l'un des rappeurs les plus écoutés en France. Actif dans le monde de la musique depuis le milieu des années 90, il a accepté de revenir sur sa carrière et sur les tempêtes qu'il a pu traverser face à Manu Katché dans son émission "La Face Katché".

Sa musique a rythmé l'enfance, l'adolescence et même la vie de plusieurs générations. Philippe Fragione, plus connu sous le nom d'Akhenaton, est l'un des rappeurs les plus prolifiques de sa génération, et l'un des visages du hip-hop en France grâce à IAM. Originaire de Marseille et fils d'une famille italienne, il n'a pas subi le racisme durant son enfance et son adolescence. En revanche, c'est quelques années plus tard qu'il a découvert les discriminations. Il s'en est ouvert à Manu Katché lors de son passage dans l'émission "La Face Katché".

Retrouvez l'intégralité de la Face Katché d'Akhenaton en podcast

"Ma femme est noire, arabe et musulmane"

Akhenaton avait 25 ans lorsqu'il s'est converti à l'Islam par amour. Il s'apprêtait à épouser Aïcha, et voulait partager la religion de celle qui faisait battre son coeur. "Ma femme est noire, arabe et musulmane, c'est une sorte de all star game", rit-il. L'Islam, le rappeur l'a découvert petit à petit au fil des années, et cette religion s'est imposée comme une évidence pour lui : "C'est un combiné des livres que je lisais, mais aussi lié à mon entourage. Au milieu des années 80, quand tous tes potes font le ramadan, par solidarité, tu ne te vois pas te ramener avec ton sandwich et le manger. Donc tu jeunais par respect, par solidarité. Et le soir, on se racontait que des belles histoires. Pas de politique, mais les histoires du prophète. Ça sentait les voyages... Je suis venu à la religion par le bon côté des choses : celui du partage."

Ce à quoi il ne s'attendait pas, c'étaient les discriminations qu'il allait subir à cause de ça : "Dans ma génération, on a pas subi le racisme que subissent les Noirs et les Arabes en France. Je ne peux pas m'estimer victime, car la discrimination, je l'ai plus vécue adulte en épousant ma femme, en cherchant un appartement, en me convertissant à l'Islam. Quand tu es jeune marié et que tu vas dans un appartement, et que la notice du propriétaire précise "Pas de chien, pas de noir, pas d'arabe"... C'est chaud. Et là, tu vois ta femme, tes enfants, et tu te dis : c'est pas possible, on en est encore là."

"Papa, je me fais contrôler trois fois par jour"

Droit dans ses bottes, Akhenaton n'a aucun regret, il a découvert un vrai apaisement dans la religion, et son entourage a accepté cette différence petit à petit. "Dans mon entourage, il y a eu de l'incompréhension. Dans ma famille, on me chariait parce que je ne buvais plus de vin ou que je ne mangeais plus de jambon." Le plus difficile venait du reste du monde : "J'ai plus souffert en allumant ma télévision ou en lisant des articles de presse. Quand je lis et que je regarde encore aujourd'hui, et que je vois des gens tellement éduqués dire de telles conneries... Il y a une telle ignorance des choses."

Ces discriminations, en tant que blanc, il les subit finalement assez peu. Mais ce n'est pas le cas pour ses enfants, métisses et musulmans eux aussi : "J'ai vu la peine dans les yeux de mon fils, qui me dit : "Papa, je me fais contrôler trois fois par jour". Il ne le vit pas bien, notamment dans ses rapports avec la police et les forces de l'ordre. Il s'est retrouvé plusieurs fois en garde à vue sans raison. Moi je n'ai pas subi ce qu'il a subi. Mais tu as envie d'intervenir, parce que c'est ton enfant." Alors, le rappeur en parle. " Avec ma femme et mes enfants, on en a toujours parlé. Parce que si tu ne désamorces pas, tu risques d'avoir une réponse qui est à la mesure de ce qu'ils ont subi, et ça fait des petits très en colère, qui peuvent devenir violents."

"Quand je suis allé rapper aux États-Unis... J'étais le seul blanc"

Souvent accusé d'être un milieu fermé où règnent bon nombre de discrimination, le milieu du rap et du hip hop a au contraire été une terre d'accueil pour le Marseillais. Cela lui a permis de voyager, dès sa jeunesse : "Le rap, c'était les États-Unis, à cette époque-là. Quand j'étais en seconde, j'ai fait une bonne année, et pour me féliciter, ma tante m'a proposé de m'emmener dans notre famille aux États-Unis. J'ai commencé à aller à New York et 1984 et je n'ai pas arrêté. Je me suis dit : cette musique, c'est moi."

Si Eminem a raconté avoir eu du mal à se faire une place en tant que blanc dans une musique urbaine, cela n'a pas été le cas pour Akhenaton : "Je n'ai pas eu le souci d'être accepté, en France. On était plein d'origines différentes à faire du rap. Mais quand je suis allé rapper aux États-Unis... J'étais le seul blanc dans la boîte. Les mecs m'appelaient Beastie Boy ! Et une fois qu'ils savaient qu'on était Français, on était plus blanc. Du moment que c'est exotique et qu'on a pas participé directement au génocide, hop, ils font un pas en arrière. Ça aurait été plus compliqué pour moi à l'époque si j'avais été un blanc américain ou anglo-saxon."

Aujourd'hui, le rappeur continue à voyager à travers le monde grâce à sa musique, accompagné par sa famille. Et ses enfants ont eu l'occasion de découvrir que le racisme dont ils étaient souvent victimes en France n'existait pas forcément ailleurs : " Mes enfants se considèrent comme des enfants du monde. Ils ne calculent pas tout ça, sauf quand on vient leur rappeler avec des contrôles. Je suis triste pour mon pays, mais c'est ici qu'ils ont eu les pires expériences. Aujourd'hui, mes trois fils la ressentent, cette stigmatisation. Ils veulent partir vivre à l'étranger." Une triste conséquence des discriminations.

Retrouvez l'intégralité de l'interview ici :

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Article : Laetitia Reboulleau

Interview : Manu Katché

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