Réforme du baccalauréat : les ajustements sont-ils un aveu d’échec ?

Des ajustements à la réforme du baccalauréat ont été annoncés par Jean-Michel Blanquer.
Des ajustements à la réforme du baccalauréat ont été annoncés par Jean-Michel Blanquer.

Le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a présenté quelques ajustements de sa réforme du baccalauréat. Aveu d’échec, signe d’une mise en place trop rapide ou geste de compréhension envers le corps enseignant ?

Jean-Michel Blanquer a annoncé lundi 6 janvier, dans une lettre adressée au comité de suivi de la réforme du baccalauréat, que cette dernière connaîtrait quelques ajustements - dont certains mis en place dès à présent.

Un “aveu d’échec” pour Claire Guéville, professeure d’histoire-géographie et secrétaire nationale responsable du lycée de la SNES-FSU, syndicat majoritaire dans le secondaire. De son côté, Alexis Torchet, secrétaire national de la fédération Sgen-CFDT, estime que si cette réforme était nécessaire, elle a été mise en place beaucoup trop rapidement. “Si on avait été écouté dès le début, on n’en serait pas là”, entame-t-il.

Programme de français allégé

Plusieurs pistes ont été avancées, parmi lesquelles l’allègement de la préparation au bac de français. Un changement dont la mise en place est effective dès à présent. Au lieu de 24 textes, les élèves de la filière générale devront en étudier “20 à 24”. Ceux des filières technologiques auront à en travailler “13 à 16” au lieu de 16. Une “mesure d’urgence nécessaire”, estime Alexis Torchet, qui rapporte que, sur le terrain, l’ampleur du programme empêche les professeurs d’enseigner les “apprentissages et les compétences fondamentales”, notamment le travail de l’oral. Une réduction loin d’être suffisante pour Claire Guéville, pour qui le nombre de textes à étudier est encore trop important.

Les deux représentants sont en tout cas d’accord sur un point : il faut revoir l’intégralité des programmes du lycée, et pas seulement ceux de français. “Ce n’est pas faute de l’avoir dit avant”, commente la secrétaire nationale responsable du lycée de la SNES-FSU, “il y a de la qualité dans les programmes, mais ils posent un vrai problème de mise en oeuvre”.

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Des changements en anglais et en math

L’anglais et les mathématiques vont d’ailleurs eux aussi subir un changement, selon la lettre adressée par le ministre de l’Éducation nationale. La première matière sera, dès la rentrée prochaine, divisée en deux spécialités au lieu d’une seule. Les élèves devront choisir s’ils se tournent vers un anglais plus littéraire ou plus usuel.

Quant aux mathématiques, le ministre prône une répartition par “groupes de compétences”. “Il apparaît que c’est moins le programme qui est en question que l’hétérogénéité du niveau des élèves, et par conséquent des classes”, précise-t-il dans sa missive.“ Jean-Michel Blanquer considère que le problème n’est pas le programme, mais la pédagogie”, s’insurge Claire Guéville, “alors que pour nous, le soucis vient du programme et de l’organisation des enseignements”.

L’organisation, c’est justement la principale difficulté liée à la réforme du baccalauréat. Dans beaucoup d’établissements, la création des emplois du temps a été un véritable casse-tête. Certains élèves n’ont même pas pu faire leur rentrée à temps. En cause, un nombre excessivement élevé de choix d’options et spécialités. La division des enseignements d’anglais et de mathématiques risque donc d’être d’autant plus difficile à mettre en oeuvre.

Des textes qui ne sont plus adaptés

Jean-Michel Blanquer propose également des adaptations pour les conseils de classe et les professeurs principaux. Deux problèmes soulevés avant la rentrée 2019 et intrinsèquement liés à la réforme du baccalauréat. Puisque chaque élève peut choisir son parcours, le système de classe en tant qu’entité a disparu. Les professeurs principaux se retrouvent donc responsables d’élèves qu’ils n’ont pas forcément en cours, selon leurs choix d’options ou spécialités. Quant aux conseils de classe, ils impliquent forcément un nombre de professeurs très élevé pour une seule et même classe - parfois une cinquantaine !

Or, le cadre juridique “ne convient plus”, il est “inadapté” à la réforme, constate Alexis Torchet. “On a eu des retours de conseils de classe rocambolesques”, dévoile de son côté Claire Guéville. “Dans certains établissements, les professeurs principaux voient les autres enseignants les uns à la suite des autres à la manière d’un speed dating. Ailleurs, les conseils de classe n’ont lieu qu’avec les professeurs de tronc commun et les autres sont consultés via des comptes-rendus envoyés par mail…”, poursuit-elle.

Pour le secrétaire national de la fédération Sgen-CDFT, une “réécriture réglementaire” doit de se faire. “L’idée, ce n’est pas de dire que tous les établissements doivent abandonner les conseils de classe, mais il faut construire un dispositif d’accompagnement adapté”, détaille-t-il.

Avec ces nouvelles modifications, “on peut considérer que les enseignants ont été écoutés, mais c’est regrettable car on aurait pu se laisser plus de temps et éviter d’avoir à faire ces ajustements”, conclut Alexis Torchet.

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