Afghanistan : Mortaza Behboudi livre un témoignage bouleversant après ses neuf mois de détention

Mortaza Behboudi, ici interviewé dans un sujet diffusé dans le JT de 20-Heures de France 2, le 22 octobre 2023.
Mortaza Behboudi, ici interviewé dans un sujet diffusé dans le JT de 20-Heures de France 2, le 22 octobre 2023.

MÉDIAS - Un récit dur et touchant. Après neuf mois de détention en Afghanistan, le journaliste franco-afghan Mortaza Behboudi avait été libéré en milieu de semaine dernière après avoir été acquitté des soupçons d’espionnage qui le visaient. Dans une interview diffusée dans le 20 Heures de France 2 ce dimanche 22 octobre, ce journaliste-fixeur-interprète pour la chaîne publique française s’est confié sur les conditions de sa détention (à écouter dans la vidéo plus bas).

Quelques heures après son arrestation alors qu’il s’apprêtait à récupérer son accréditation de presse à l’ambassade de France à Kaboul, en janvier 2023, « ils [ont] commen[cé] à me fouetter, sans me demander qui je suis », raconte-t-il. « Mes yeux étaient bandés. Le lendemain, ils m’ont dit : “Dites que vous êtes espion du service français”. Ils voulaient que j’emmène de l’argent pour la résistance ».

Mortaza Behboudi est alors transféré dans la prison centrale des services secrets, dans le centre de la capitale afghane. « En dix mois, je n’ai pas vu le ciel. J’ai perdu le sens de jour et de la nuit, les dates », se remémore-t-il, en larmes. « On était forcés à prier, surveillés 24 heures sur 24 avec une caméra. On était mélangés parfois avec des membres de Daech. »

« Je me suis senti kidnappé, je n’ai pas eu de jugement, rien. On était dans des cellules de 2 à 3 m² avec 11 ou 12 personnes », témoigne Mortaza Behboudi.

Après neuf mois de détention et quatre audiences devant la justice talibane, le journaliste est acquitté de toutes les charges qui pesant contre lui.

Le juge blague le jour de son acquittement

« Le juge voulait faire une blague avec moi, il m’a dit : “On vous donne cinq ans”. Et le moufti, le mollah religieux, il a dit : “Il a eu assez, faites pas de blague, vous êtes libre” », raconte-t-il encore.

« J’ai un sentiment de renaître et de retrouver ma famille », conclut celui qui a pu retrouver son épouse, Aleksandra Mostovaja. Durant la détention, « je voulais tout le temps dormir pour la voir dans mes rêves », confie-t-il à France 2.

Originaire d’Afghanistan mais réfugié en France, Mortaza Behboudi, 29 ans, s’était rendu dans son pays natal le 5 janvier pour un reportage. Son arrestation, rendue publique par Reporters sans frontières un mois plus tard, avait provoqué une forte mobilisation des médias français en faveur de sa libération.

Le journaliste a collaboré par le passé avec nombre d’entre eux, dont France Télévisions, TV5 Monde, Arte, Radio France, Mediapart, Libération ou La Croix.

Né en Afghanistan, Mortaza Behboudi a vécu en Iran, où ses parents étaient réfugiés, avant de repartir dans son pays natal et d’y commencer sa carrière comme photoreporter. Réfugié en France à partir de 2015, il a créé le site d’information Guiti News avec des confrères exilés.

Il est coauteur de la série de reportages À travers l’Afghanistan, sous les talibans, publiée sur Mediapart, récompensée l’an dernier par le prix Bayeux des correspondants de guerre et le prix Varenne de la presse quotidienne française.

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