Affaire Griveaux : six mois de prison ferme requis contre Piotr Pavlenski

Piotr Pavlenski et sa compagne Alexandra De Taddeo arrivent à leur procès à Paris, mercredi 28 juin.
Piotr Pavlenski et sa compagne Alexandra De Taddeo arrivent à leur procès à Paris, mercredi 28 juin.

JUSTICE - Alors que s’ouvrait ce mercredi 28 juin le procès de l’artiste russe Piotr Pavlenski, accusé d’avoir diffusé des vidéos intimes de Benjamin Griveaux lors des élections municipales de 2020 à Paris, six mois d’emprisonnement ferme ont été requis à son encontre par le parquet.

La procureure a également demandé six mois de prison avec sursis pour sa compagne et coprévenue Alexandra de Taddeo, à qui ces vidéos avaient été adressées lors d’une brève relation avec l’ex-ministre mi-2018. « N’importe quelle action ne peut être commise au nom de la liberté d’expression », a estimé Le Parquet.

Dix heures plus tôt, le procès a commencé par une absence, celle des prévenus. Retenus dans les embouteillages selon leurs avocats, ils sont arrivés une heure après l’heure prévue. « L’art contemporain détruit les zones de confort », a déclaré notamment à la presse Piotr Pavlenski, ajoutant que la « liberté artistique » devait être « la plus grande valeur », avant de rentrer dans la salle d’audience pleine.

« J’annonce la règle du silence »

La présidente, qui avait débuté l’audience sans eux, a appelé à la barre l’artiste, tout de noir vêtu, et Alexandra de Taddeo, en longue robe bleue à sequins, tenant à la main le livre qu’elle vient de publier. « Aujourd’hui aura lieu le jugement de mon huitième événement d’art sujet-objet, l’événement pornopolitique… », a commencé le Russe d’une voix caverneuse.

Répétant qu’il s’agit pour l’instant de décliner leur identité, la présidente a tenté de l’interrompre à plusieurs reprises, sans succès, avant de suspendre l’audience, des applaudissements saluant le discours. À la reprise, Piotr Pavlenski a refusé de se relever : « J’annonce la règle du silence, vous ne voulez pas m’écouter quand je voulais venir parler ».

Le tribunal a alors résumé le dossier avant de visionner, à huis clos, des extraits des vidéos de masturbation au cœur du procès. Ces images avaient été envoyées à Alexandra de Taddeo lors d’une brève relation avec Benjamin Griveaux entre mai et août 2018. Elles avaient été diffusées sur un site baptisé « Pornopolitique », avec un texte signé Piotr Pavlenski dénonçant « l’hypocrisie dégoûtante » du candidat LREM à la mairie de Paris faisant « la propagande des valeurs familiales traditionnelles ».

L’artiste a réalisé plusieurs « évènements d’art politique » en Russie comme en France, où il est réfugié depuis 2017 : il s’est cousu les lèvres en soutien aux Pussy Riot, cloué les testicules sur la place Rouge, il a mis le feu à l’une des portes de la banque de France à Paris.

De Taddeo se défend d’avoir voulu « piéger » Grievaux

À la barre, Alexandra de Taddeo, aujourd’hui étudiante en histoire de l’art, a affirmé que depuis « 40 mois », sa parole avait été « manipulée, ridiculisée » par « cette machine à broyer qu’on appelle institution judiciaire et son pendant médiatique ». Déclarant notamment avoir « tout exprimé » dans son « roman autobiographique » intitulé « L’amour », elle a ajouté n’avoir « à aucun moment voulu piéger » Benjamin Griveaux.

Les juges d’instruction ont conclu à son « implication directe » dans la publication des vidéos, mais elle a maintenu que Piotr Pavlenski l’avait fait à son insu, tout en « soutenant » cet « évènement » de la part d’un « très grand artiste contemporain ». La prévenue a ensuite refusé de répondre aux avocats de Benjamin Griveaux, 45 ans, absent de l’audience. Comme à Piotr Pavlenski plus tard, les conseils de l’ancien ministre ont tout de même posé leurs questions, pendant de longues minutes tendues. Sans réponse.

Ont ensuite été appelés les témoins cités par la défense. Trois d’entre eux, comédiens, ont déclamé des extraits de la pièce « Tartuffe » de Molière, face à l’agacement croissant de la présidente. « Certains confondent ce procès avec un spectacle, d’autres avec le festival de Cannes », a plaidé l’avocat de Benjamin Griveaux, Me Richard Malka.

Retraçant l’histoire juridique du droit à la vie privée, il a appelé à « protéger ce pilier de notre civilisation » contre les « Bonnie and Clyde de la chambre à coucher ». « En réalité, le modèle qu’ils réclament, c’est la terreur 2.0 aux mains des plus violents », a-t-il lancé. « L’art n’a jamais été un instrument de délation pour détruire des vies, un instrument totalitaire, de puritanisme ». La défense doit plaider dans la soirée.

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