Son accusatrice avoue avoir menti: un homme réclame l'annulation de sa condamnation pour viol

La cour de révision examinait la demande de Farid E. condamné en 2003 pour agression sexuelle et viol. - BFMTV
La cour de révision examinait la demande de Farid E. condamné en 2003 pour agression sexuelle et viol. - BFMTV

"Toutes ces années, j'étais innocent", lance, des sanglots dans la voix, Farid E. ce jeudi matin devant la Cour de révision. Cet homme, aujourd'hui âgé de 41 ans, est venu demander à la justice de réparer une erreur judiciaire prononcée il y a 19 ans. En 2003, il avait été condamné pour une agression sexuelle et un viol, des faits qu'il a toujours niés.

En 1998, Julie D., une jeune fille de 15 ans, dénonce des faits d'agression sexuelle commis quelques mois plus tôt dans la rue un soir alors qu'elle sortait d'un cinéma à Hazebrouck, dans le Nord, et de viol commis quelques semaines plus tard. Aux gendarmes, elle donnera le nom de l'un de ses agresseurs, Farid, qu'elle identifiera sur les planches de photos présentées par les militaires.

Farid E. est alors âgé de 17 ans, il est socialement défavorisé, ne fait pas grand chose de sa vie. En garde à vue puis lors de son procès, Farid E. va nier avec force ces accusations. Aux enquêteurs, il racontera même n'avoir jamais eu de relation sexuelle. Tout au long de l'instruction puis devant la cour d'assises pour mineurs de Douai, Julie D. maintient ses accusations. Le jeune homme est alors condamné en 2003 à cinq ans d'emprisonnement.

Son accusatrice admet avoir menti

Le jeune homme ne retourne pas en prison, la période de détention provisoire couvrant sa peine. Une raison pour ne pas faire appel de sa condamnation, même s'il continue de plaider son innocence. Farid E. poursuit sa vie. Il se marie, a deux enfants, il travaille dans le commerce. Il s'est installé dans le Nord, pas très loin de chez ses parents. Chaque année, il va pointer au commissariat suite à son inscription au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles et violentes.

En 2017, il reçoit un courrier l'informant qu'il n'a plus besoin de se soumettre à cette obligation. Julie D. vient d'adresser un courrier au procureur pour l'informer qu'elle avait menti. Farid E. ne l'a pas agressée, il ne l'a pas non plus violée en 1998.

"L’enquête a eu lieu quand j’avais 15 ans, suite à une plainte de mes parents en mon nom, explique-t-elle dans son courrier retranscrit par Le Monde. Ils avaient eu connaissance de ces accusations par mon grand frère Antoine. Je me suis retrouvée ensuite dans un processus d’interrogatoires et d’enquête que je n’ai pas réussi à stopper."

Après avoir effectué une psychothérapie, Julie D. arrive enfin à révéler ce qui lui est réellement arrivé: elle a été victime d'inceste de la part de son grand frère. Des révélations qui font exploser la cellule familiale de la jeune femme. Cette dernière porte alors plainte pour viol contre son aîné.

"Que la justice fasse son devoir"

Ce jeudi, la Cour de révision examinait la demande de Farid E. de faire annuler sa condamnation prononcée en 2013. 13 magistrats ont siégé. "De l'examen du dossier, il ressort que la condamnation de Farid E. a principalement reposé sur le témoignage, circonstancié et constant, de la jeune fille", a estimé l'avocate générale demandant l'annulation totale de la peine prononcée à l'encontre de Farid E.

"Merci de me recevoir. Aujourd'hui, c'est difficile pour moi, ce que je vous demande, c'est que la justice fasse son devoir, me reconnaisse (innocent, NDLR) rapidement et surtout rapidement. Car mes parents sont dans un état de santé grave, en soins palliatifs, et je voudrais juste qu'ils puissent entendre que je suis innocent. Même s'ils n'ont jamais douté de moi. Je vais m'arrêter là car je ne me sens pas bien", a soufflé Farid E., sa voix se brisant dans des sanglots.

Julie D. n'était pas présente à cette audience. Son avocate a porté sa voix. "Je demande pardon à la cour, à Farid et à ses proches", a énoncé Me Anne-Sophie Wagnon, qui elle-aussi a plaidé pour une reconnaissance d'une erreur judiciaire.

"Au moment où ses parents vont perdre la vie, je vous demande de lui redonner la sienne, et son honneur", a insisté Me Frank Berton, l'avocat de Farid E.. Avant de conclure: "Ça fait du bien de voir un innocent devant la justice."

La décision a été mise en délibéré au 15 décembre. Farid E. pourrait être la 15e personne à être reconnue victime d'une erreur judiciaire.

Article original publié sur BFMTV.com