5 messages explicites en 5 minutes: plongée dans Coco, repère de prédateurs sexuels

En quelques secondes, BFMTV s'est inscrit. Il suffit de quelques clics pour entrer sur le site qui se revendique comme le "premier chat de France", Coco.gg. En moins d'une minute, cinq messages privés nous parviennent, et le contenu est très explicite et ne tourne quasiment qu'autour d'un seul sujet: le sexe.

En guise de premier message, un homme de 45 ans propose de "regarder son pénis en visio". Lorsque nous indiquons être mineure, certains stoppent la conversation mais pas tous, les propositions s'enchaînent pour des appels vidéos ou des relations tarifées. Rapidement, certaines prennent l'initiative d'envoyer des photos ou vidéos très explicites.

Ils affirment avoir entre 26 et 50 ans, ils sont agents des routes, électriciens ou professeurs... Et certains veulent aller plus loin en échangeant nos numéros de téléphone pour une rencontre.

Onze hommes jugés pour des relations avec une mineure

Ce jeudi 25 avril, onze hommes sont jugés à Valenciennes pour avoir eu des relations sexuelles, tarifées ou non, avec une adolescente de 13 ans, qu'ils rencontraient sur le site Coco.

Cinq sont poursuivis pour "recours à la prostitution d'un mineur", et six pour "atteinte sexuelle sur mineur". Ils sont, en outre, tous soupçonnés de "sollicitation" et "détention de l'image d'un mineur à caractère pornographique". Un douzième prévenu n'est poursuivi que pour ces derniers faits.

Les prévenus ont des "profils variés (employés, ouvrier, militaire, boulanger, intérimaire, apprenti...)", soulignait en janvier auprès de l'AFP la procureure de Valenciennes.

Ce site de chat, sur lequel 850.000 utilisateurs se sont connectés en mars, est devenu un repère de prédateurs sexuels.

"Un terrain de chasse pour les prédateurs"

Sur Coco, au-delà des messages privés, il est possible d'échanger sur des salons virtuels, dont une grande partie des sujets tournent également autour du sexe. Les échanges de photos, notamment des clichés volés postés sans consentement de la personne, y sont nombreux et les propositions sexuelles toujours présentes, même lorsque des filles ont précisé qu'elles étaient mineures.

Ce site est "un terrain de chasse pour les prédateurs", a relevé Sophie Antoine, responsable juridique d'ACPE (Agir contre la prostitution des enfants), interrogée par l'AFP.

Les noms de ces salons ne laissent pas de place au doute: "lycéennes", "exhibez vos femmes", "sperme" ou encore "à son insu". C'est d'ailleurs dans ce dernier qu'un homme proposait sa femme à des inconnus. Pendant dix ans, Philippe P. faisait venir à son domicile d'autres hommes rencontrés sur ce site pour qu'ils violent sa femme, droguée.

En septembre dernier, le chanteur Richard Dewitte, interprète de J'ai encore rêvé d'elle, a été condamné à trois ans de prison pour corruption de mineure. Il avait fait des propositions à caractère sexuel à une adolescente de 13 ans sur Coco.

De la même manière, en 2019, un père de famille était interpellé à Brest pour avoir, pendant des années, échanger sur le chat des images et vidéos pédocriminelles avec d’autres membres du site. Plus de 3.000 images et 160 vidéos ont été retrouvées sur ses disques durs.

Un site hébergé à Guernesey

"La particularité de ce site, c'est qu'il n'y aucune modération", déplore Me Mathias Darmon, avocat de l'association "Innocence en danger", qui demande la fermeture de ce chat en ligne.

"Nous signalons ce site aux autorités depuis 2013 et en 2016 nous avons lancée une pétition mais rien ne s'est passé depuis", ajoute-t-il. En cause notamment: une fermeture ne peut pas être exigée par la France puisque depuis 2022, le site est immatriculé sur l'île anglo-normande de Guernesey et est possédé par une entreprise bulgare.

"Un levier serait de demander une vérification formelle à l'entrée du site", poursuit Me Mathias Darmon.

En effet, pour se connecter, il suffit de donner un genre, un âge, un code postal et un pseudo, sans aucun contrôle. Aucun d'email ou numéro de téléphone n'est demandé.

Coco est aussi connu pour permettre l'organisation de guet-apens homophobes -en 2018, un homme homosexuel de 55 ans avait été assassiné après un faux rendez-vous pris sur le site- mais également à l'encontre de personnes soupçonnées d'être des pédocriminels.

Le site a également été évoqué dans le cadre de la mort à Grande-Synthe de Philippe Coopman. Les trois mineurs mis en examen pour "assassinat" disent avoir convenu d'un rendez-vous avec la victime en se faisant passer pour une mineure.

En outre, les services de police et de gendarmerie utilisent Coco pour remonter la piste de criminels et les arrêter en les piégeant. En effet, même sans inscription, il est toujours possible de trouver la véritable identité d'un utilisateur de du site. Chaque action sur le web laisse une empreinte numérique via l'adresse IP qu'il est possible de remonter.

Article original publié sur BFMTV.com