Aux États-Unis, pourquoi le plafond de la dette fait craindre une crise économique mondiale

Une nouvelle réunion entre le président de la Chambre des Représentants Kevin McCarthy et le président américain Joe Biden qui a eu lieu lundi 22 mai laisse le dossier du plafon de la dette dans l’impasse.
Une nouvelle réunion entre le président de la Chambre des Représentants Kevin McCarthy et le président américain Joe Biden qui a eu lieu lundi 22 mai laisse le dossier du plafon de la dette dans l’impasse.

ÉTATS-UNIS - Se dirige-t-on vers une crise économique mondiale ? Alors qu’il reste seulement dix jours pour trouver un accord sur le plafond de la dette américaine, une réunion entre chef des républicains à la Chambre des représentants Kevin McCarthy et le président Joe Biden a de nouveau terminé dans l’impasse ce lundi 22 mai.

« Nous n’avons pas encore d’accord », a déclaré Kevin McCarthy en sortant de la Maison-Blanche, « mais j’ai trouvé que notre discussion avait été productive, plus que les précédentes que nous avons eues », a-t-il ajouté. Même son de cloche du côté de Joe Biden, qui a aussi qualifié la réunion de « productive ». Il a toutefois reconnu que des « différends » persistaient.

Officiellement, le plafond a été atteint le 19 janvier dernier. Le gouvernement a obtenu un sursis grâce à des mesures exceptionnelles, mais le risque d’un défaut de paiement se rapproche inexorablement si le plafond de la dette n’est pas relevé. À partir du 1er juin, l’État pourrait être incapable de s’endetter davantage pour payer ses dépenses si une solution n’est pas trouvée.

Qu’est-ce que le plafond de la dette ? Pourquoi y a-t-il des blocages et quelles seraient les conséquences d’un défaut de paiement ? Le HuffPost fait le point.

• Qu’est-ce que le plafond de la dette américaine ?

Le mécanisme a été créé en 1917, lorsque les États-Unis sont entrés dans la Première guerre mondiale. À l’époque, le Trésor américain (équivalent du ministère de l’Économie) devait à chaque fois passer par le Congrès pour émettre de la dette, c’est-à-dire emprunter de l’argent pour financer les dépenses du pays. Avec la guerre et ses coûts astronomiques, cette situation est devenue intenable.

Le plafond de la dette a été créé afin que le gouvernement puisse contracter des dettes d’abord pour financer la guerre, et puis payer les salaires des fonctionnaires, verser des prestations sociales, ou rembourser ses créanciers, mais seulement jusqu’à un certain montant.

• Pourquoi ça coince ?

Il est possible de relever ce plafond avec l’accord du Congrès. Depuis 1960, il a même a été relevé 78 fois, le plus récemment en 2021 à 31 400 milliards de dollars. Mais relever le plafond maximal de la dette, souvent une procédure de routine, peut parfois faire l’objet d’une bataille politique.

C’est le cas cette année, avec la chambre des Représentants à majorité républicaine. Si la Maison-Blanche martèle que le relèvement du plafond de la dette doit être voté sans conditions ni négociations, l’opposition refuse de le voter tant que Joe Biden n’accepte pas d’importantes coupes budgétaires.

• Que va-t-il se passer si le blocage persiste ?

Dès janvier, la Secrétaire d’État au Trésor Janet Yellen alertait : « Un défaut de paiement causerait des dommages irréparables pour l’économie américaine, la vie quotidienne de tous les Américains, et la situation financière globale. » Plus récemment, elle insistait : « Nous entrerons en récession et ce sera catastrophique. » Il est toutefois difficile de dire précisément ce qu’il pourrait se passer car une telle situation serait inédite.

Les experts interrogés dans les médias américains craignent un impact sur la note de la dette publique américaine donnée par les sociétés de notation financière ou encore la baisse de confiance des ménages, comme ce fut le cas en 2011. Sous la présidence Obama, un bras de fer similaire à celui d’aujourd’hui avait en effet failli aboutir au défaut de paiement. Un accord avait été trouvé deux jours avant la date limite, mais l’incertitude avait déjà eu des conséquences.

Selon le centre de réflexion Council on Foreign Relations (CFR), des économistes de Golmans Sachs ont calculé qu’un dixième de l’économie serait mis à l’arrêt en cas de défaut de paiement. Le think tank Third Way craint pour sa part une hausse des taux d’intérêt et estime que trois millions d’emplois seraient en danger.

• Et au niveau international ?

« Il y aurait de très graves répercussions non seulement pour les États-Unis mais aussi pour l’économie mondiale en cas de défaut de paiement de la dette américaine », a prévenu la directrice de la communication du FMI Julie Kozack mi-mai, quelques jours après un avertissement similaire de Janet Yellen.

Pourquoi ? Le CFR explique que la capacité de solvabilité des États-Unis a boosté les demandes du dollar, contribué à sa valeur sur le marché et sa place de première monnaie de réserve mondiale. Dès lors, chaque coup porté à l’économie américaine peut pousser les investisseurs à vendre leurs bons ou obligations du Trésor, affaiblissant non seulement le dollar mais toute l’économie mondiale qui repose sur cette monnaie.

• Existe-t-il des solutions alternatives ?

Si un accord n’est pas trouvé rapidement, le Congrès peut suspendre le plafond de la dette. Cette solution est seulement temporaire et signifie que les nouvelles négociations devront de nouveau avoir lieu plus tard, mais elle a été utilisée à sept reprises depuis 2013.

Plus radical, des économistes proposent de supprimer le plafond de la dette. « Je pense qu’il est très destructeur de mettre le président et moi-même, en tant que secrétaire au Trésor, dans une position où nous serions incapables de payer les factures qui sont les conséquences de décisions passées », avait notamment estimé Janet Yellen en 2021, plébiscitant cette option.

De son côté, Joe Biden a récemment évoqué l’idée d’avoir recours au 14e amendement de la Constitution qui stipule que « la validité de la dette publique des États-Unis, autorisée par la loi, ne doit pas être remise en question ». Traduction : faire abstraction du Congrès et continuer à émettre des obligations. Cet outil politique controversé pourrait en revanche plonger les États-Unis dans une autre crise, constitutionnelle cette fois.

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