« Cet été-là » parle d’une « vraie épreuve » que le cinéma aborde peu

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Magali Bragard/Trésor Films

CINÉMA - Huit ans après le succès planétaire de La famille Bélier, Éric Lartigau revient au drame familial. Ce mercredi 4 janvier, le réalisateur français de 58 ans (Prête-moi ta main, L’homme qui voulait vivre sa vie) signe l’émouvant Cet été-là, adaptation au cinéma du roman graphique de l’autrice canadienne Mariko Tamaki.

Son histoire, c’est celle de Dune (Rose Pou Pellicer). Dune a 11 ans et un sacré caractère. Comme chaque été, elle et ses parents se rendent dans leur vieille maison des Landes. Sur place, sa copine d’enfance Mathilde (Juliette Havelange) l’attend de pied ferme, comme la promesse du beau temps, de la nature et des baignades. Voilà deux ans que la famille n’y a pas remis les pieds.

De quoi réjouir Dune ? Pas vraiment. La gamine tire la tronche. Ses parents (Marina Foïs et Gael García Bernal) se disputent à longueur de journée. Sa mère est distante. Anciennement nez, elle a perdu l’odorat. Par ailleurs, elle ne peut plus avoir d’enfant. Ou est-ce qu’elle n’en veut plus ? Dune ne la comprend pas, ou plus. Quelque chose a changé.

Récit bienveillant sur la transmission, évoquant par là même les questions du rapport à la maternité, mais aussi celles de la délicate période qu’est l’adolescence, Cet été-là ne révèle au spectateur la raison de cet éloignement mère-fille qu’à la fin, dans une scène cruciale. Flash-back.

Attention, la suite de cet article dévoile des éléments déterminants du film. On vous conseille d’arrêter votre lecture maintenant si vous souhaitez conserver une surprise totale devant son visionnage.

Nous sommes deux étés en arrière et Sarah, qui n’a encore parlé à personne qu’elle était enceinte, sort de l’eau. Là, sur la plage, elle sent du sang couler entre ses jambes. On voit la peur dans son regard. Sarah est en train de faire une fausse couche. « L’image est crue, assez trash, souffle son interprète, Marina Foïs, que Le HuffPost a rencontrée. Elle est concrète. Elle est précise. »

C’était le but. Dans les notes de production, la scénariste Delphine Gleize explique qu’il était essentiel, pour elle, de « reconnaître ce que vivent les femmes », qu’une fausse couche, « ça ne se passe pas forcément aux toilettes, avec un petit cachet, trois séances de psy et hop ».

Dans le film, le mot « fausse couche » n’est à aucun moment prononcé, mais son souvenir ne quitte jamais Sarah et ronge, comme un secret qu’elle garde pour elle, sa santé mentale et physique, son couple et sa famille. « Elle est en suspens, nous précise à son tour Éric Lartigau. Elle n’y arrive pas. Elle veut faire du vide. »

« Ce n’est pas simplement qu’elle ne peut pas avoir un autre enfant, continue Marina Foïs. C’est aussi ce que ça raconte de son propre corps. Pourquoi la vie a-t-elle décidé qu’il ne marcherait plus ? Est-ce que ça veut dire, aussi, que son couple ne marche plus ? » L’actrice poursuit : « Je n’ai pas connu ça, mais je n’ai pas de doute à imaginer que le désir de maternité contrarié est une vraie épreuve pour une femme parce que ça a des réminiscences. »

La fausse couche, une omerta

Et pourtant, comme l’a récemment souligné la star de cinéma Sharon Stone en partageant son histoire personnelle, les femmes qui traversent cette épreuve font souvent face à un manque de compréhension et de prise en charge. Un point de vue partagé par Marina Foïs. « On ne dit jamais à quelqu’un qui vient de faire une fausse couche de prendre deux mois de vacances pour se réparer, observe cette dernière. Il n’y a pas de jour off quand on fait une fausse couche. Il n’y a pas d’arrêt maladie. On fait une fausse couche et on va travailler le lendemain. »

Elle ajoute : « Ok, on n’est pas en sucre. C’est faisable. Ce n’est pas la question. Le problème, c’est que ce n’est pas envisagé comme ça le devrait. Je pense que pour certaines femmes, c’est une vraie épreuve. » C’est ce qu’a déploré, au mois de mars 2022, un collectif qui, dans une tribune publiée sur le site du Monde, dénonçait l’omerta autour de l’arrêt naturel de grossesse, ainsi que le manque d’information et d’accompagnement à cet égard.

Or, en France, une grossesse sur quatre se termine au cours du premier trimestre. C’est un vrai sujet de société, encore peu abordé au cinéma, du moins de manière aussi frontale que dans Cet été-là. « Il va être mis en avant », nous assure Eric Lartigau.

D’après Marina Foïs, « le regard sur les femmes et sur le corps féminin est en train de changer comme il change dans la vie ». « Un jour, par exemple, on fera des personnages féminins qui n’ont pas envie d’enfant et ce ne sera pas un sujet, estime l’actrice. Cette femme-là arrivera sans être une névrosée, une psychopathe ou une mal baisée. » Si certains films, comme Annie Colère ou Saint Omer, sont allés dans ce sens en 2022, Cet été-là, lui, ouvre le bal pour 2023.

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