Émile Daraï, le gynécologue mis en examen pour violences volontaires, continue d’exercer

L'hôpital Tenon à Paris, le 20 avril 2020.
BSIP via Getty Images L'hôpital Tenon à Paris, le 20 avril 2020.

HÔPITAL - Malgré 32 plaintes et une mise en examen pour violences volontaires, le professeur Émile Daraï va continuer d’exercer. C’est ce que confirme un communiqué de l’AP-HP publié lundi 28 novembre, qui indique ne faire qu’appliquer « strictement les conditions du contrôle judiciaire décidé par le juge d’instruction ».

Le gynécologue parisien a en effet été mis en examen le 24 novembre pour violences volontaires par personne chargée d’une mission de service public à l’égard de 32 plaignantes, qui l’accusent d’avoir pratiqué des examens vaginaux et rectaux de manière brutale et sans demander leur consentement.

Ce spécialiste de l’endométriose, sexagénaire, ancien chef du service de gynécologique-obstétrique et de médecine de la reproduction à l’hôpital Tenon, a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de contact avec les victimes et de tenir des consultations privées de gynécologie.

Poursuite des consultations publiques

Ce qui signifie qu’il va continuer à exercer lors de consultations publiques, c’est-à-dire sans dépassement d’honoraires. « Les conditions d’organisation des consultations ont été revues, précise l’AP-HP dans son communiqué. Comme préconisé dans le rapport d’enquête, un personnel soignant est présent lors des consultations et le consentement des patientes est recueilli et tracé avant la réalisation des actes réalisés au cours des consultations. »

Cette distinction a fait bondir les associations de défense de victimes de violences gynécologiques. « La sécurité des patientes n’est selon nous pas garantie, malgré la présence d’étudiants dans les consultations publiques », souligne le collectif Stop aux Violences Obstétricales&Gynécologiques (StopVOG) - à l’origine de la révélation en septembre 2021 des plaintes pour viols visant le praticien.

« Des victimes présumées ont en effet porté plainte pour des faits s’étant déroulés lors de consultations publiques », ajoute le collectif, qui réclame une suspension totale de l’activité du gynécologue.

« Avancée »

Malgré tout, cette mise en examen est vue comme un signe positif. « Mes clientes voient une avancée dans l’enquête, elles attendaient ça depuis un an pour certaines. Sur la qualification, certaines sont déçues, mais de toute façon on n’en est qu’au stade de l’information judiciaire », a réagi, sollicitée par l’AFP, My-Kim Yang-Paya, avocate d’une quinzaine de plaignantes ayant dénoncé des violences aggravées ou des viols.

« Mes clientes ont déposé plainte pour qu’il n’y ait pas d’autres victimes, en pensant à leur fille ou petite-fille », a-t-elle précisé, voyant également dans l’interdiction de tenir des consultations privées « une avancée ». Cette « qualification a minima peut évoluer au cours de l’instruction. Le contrôle judiciaire est quand a lui nécessaire et était attendu par les nombreuses victimes », a réagi Me Mourad Battikh, qui défend une plaignante majeure.

En décembre, un rapport de l’enquête interne, déclenchée par l’AP-HP et Sorbonne Université, avait conclu que « l’obligation d’information de ces patientes, le soulagement de leur douleur, le respect de leurs volontés n’(avaient) pas été respectés ». Ce document ajoutait toutefois que « la commission (d’enquête) ne retient aucune connotation sexuelle alors que certains manquements ont été relevés dans le recueil du consentement à certains gestes ».

« Charte de la consultation »

Emile Daraï est depuis définitivement mis en retrait de ses responsabilités de chef de service et de responsable pédagogique. Le cas du Pr Daraï fait écho à celui de la secrétaire d’État Chrysoula Zacharopoulou, gynécologue également spécialiste reconnue de l’endométriose, qui fait l’objet depuis le printemps d’une enquête à Paris après deux plaintes pour viol et une troisième pour violences.

Dans la foulée de l’affaire Emile Daraï, les sociétés savantes de gynécologies ont édicté une « charte de la consultation », qui rappelle notamment que « l’accord oral de la femme est recueilli avant tout examen clinique » et que l’acte « doit pouvoir être interrompu dès que la patiente en manifeste la volonté ».

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