Émeutes : comme à L’Haÿ-les-Roses, les maires nouvelles cibles des violences urbaines

Émeutes : comme à L’Haÿ-les-Roses, les maires nouvelles cibles des violences urbaines
Émeutes : comme à L’Haÿ-les-Roses, les maires nouvelles cibles des violences urbaines

POLITIQUE - Au four, au moulin et maintenant au feu. L’attaque du domicile personnel du maire de L’Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne, perpétrée à la voiture-bélier dans la nuit de samedi à dimanche, suscite émoi et colère dans la classe politique au lendemain d’un cinquième épisode d’émeutes dans de nombreuses villes du pays.

Un acte « insensé », « intolérable », d’une « extrême gravité », selon les différentes réactions, qui rappelle la démission fracassante du maire de Saint-Brévin, en mai dernier, dont le domicile avait été incendié par des militants d’extrême droite. Il donne écho également à une tendance observée et documentée ces derniers jours : les élus locaux peuvent, au même titre que les personnels des forces de l’ordre, être pris pour cible par les émeutiers.

Ce n’est pas habituel dans un contexte de violences urbaines. En 2005 par exemple, le bilan des trois semaines de violence dans les « quartiers difficiles » se comptait avant tout en voitures brûlées, en bâtiments incendiés, en écoles ou bibliothèques attaqués. Près de 20 ans plus tard, il faut ajouter à cet inventaire, la liste des maires pris pour cible.

Cholet, Pontoise, Charleville-Mézières…

Ils sont nombreux. Jeudi, la maire de Pontoise, dans le Val-d’Oise a été visée par des tirs de feux d’artifice alors qu’elle se trouvait dans sa voiture. « Ils m’ont littéralement bombardée. Ensuite, deux émeutiers ont sauté sur la voiture et ont commencé à la cabosser. J’ai entendu : ’C’est la maire, c’est la maire, on va se la faire’, raconte Stéphanie Von Euw, dans les colonnes du Parisien.

Un peu plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, dans les Ardennes, c’est le maire de Charleville-Mézières qui était visé par des projectiles alors qu’il tentait d’éteindre un départ d’incendie avec ses adjoints. Au même moment, à 500 kilomètres de là, la maison (inoccupée) du maire de Cholet Gilles Bourdouleix était saccagée.

On peut également ajouter l’intrusion d’individus dans le jardin du maire de La Riche, en Indre-et-Loire et la tentative d’incendie de sa voiture, dans la nuit de samedi à dimanche ; le domicile du maire de Joeuf pris pour cible en Meurthe-et-Moselle, un jour pour tôt ; le premier magistrat de Sannois, une commune de 26.000 habitants du Val-d’Oise, qui a entendu « tuez le maire ! » alors qu’il tentait de défendre la mairie ; l’édile de Maromme, en Seine-Maritime, qui, « attaqué » a « dû se réfugier dans sa mairie » ;

Chez les principaux concernés, la colère se mêle à la consternation face à cette recrudescence de violence ou cette multiplication de faits visant les édiles. « Je suis un enfant de cette ville, je n’aurais jamais pensé qu’on aille aussi loin », a ainsi soufflé Vincent Jeanbrun, le maire de L’Haÿ-les-Roses en recevant Gérald Darmanin et Élisabeth Borne dans son hôtel de ville ce dimanche.

« Entre 2005 et aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé »

Contacté par Le HuffPost, le président de l’Association des maires de banlieue, Gilles Leproust, estime que « les mots ne sont jamais assez forts » pour condamner un acte « que l’on ne doit pas laisser passer. » Pour lui, ces violences à l’égard des élus, rares lors des émeutes il y a 20 ans, témoignent d’un « mouvement de fond plus lent » de défiance globale à l’égard des institutions.

« Entre 2005 et aujourd’hui, beaucoup de choses ont changé, assure-t-il, la crise de la politique s’est aggravée, la participation aux scrutins, notamment dans les territoires populaires comme les nôtres, est en net recul. » Pour le président de l’AMVBF, également maire d’Allonnes, dans la Sarthe, « tout cela ne montre pas un profond désintérêt, mais pour certains qu’ils ne se reconnaissent plus dans la République. »

« Un peu comme les ’gilets jaunes’, à un moment donné ce qui a motivé la crise semble déborder vers quelque chose de plus vaste, confirme le politologue Bruno Cautrès, et de plus inquiétant qui concerne le fonctionnement de la démocratie, le rapport aux institutions, à la citoyenneté et à l’ordre public »

Un renforcement des sanctions pénales

Ce dont les édiles font aujourd’hui les frais. « Les maires sont encore les responsables politiques vus comme les plus proches, les plus appréciés, mais les chiffres ont beaucoup baissé ces dernières années », nous dit Gilles Leproust, presque fataliste, en appelant au « travail » et à « la mobilisation » dans ces quartiers difficiles pour rompre avec la défiance.

Signe de l’émoi que provoque cet épisode, David Lisnard le maire de Cannes et président de l’Association des maires de France (AMF) a annoncé un rassemblement, lundi, sur le parvis de toutes les mairies en soutien aux élus locaux. « Aucun maire ne sera laissé seul dans ce genre de circonstance », a, de son côté, promis Élisabeth Borne, en évoquant un durcissement des sanctions en cas d’attaque contre les « représentants de la nation ou élus locaux. »

Interrogé par l’AFP, le cabinet de la ministre des Collectivités Dominique Faure a précisé que le renforcement des sanctions pénales en cas d’attaques contre les élus, qui seront considérées comme aussi graves que celles visant des personnes en uniforme, « sera examiné au Parlement dans les plus brefs délais ». D’autres mesures pour protéger les élus seront aussi présentées « dans les prochains jours ».

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