Élisabeth Borne, la semaine où elle a montré sa "couche d'humanité"

Élisabeth Borne aux rencontres économiques d'Aix-en-Provence, le samedi 9 juillet 2022. (Photo: CHRISTOPHE SIMON via AFP)
Élisabeth Borne aux rencontres économiques d'Aix-en-Provence, le samedi 9 juillet 2022. (Photo: CHRISTOPHE SIMON via AFP)

Élisabeth Borne aux rencontres économiques d'Aix-en-Provence, le samedi 9 juillet 2022. (Photo: CHRISTOPHE SIMON via AFP)

POLITIQUE - “C’est même une très bonne semaine, vous pouvez l’écrire”. Comme beaucoup des parlementaires de la majorité, Erwan Balanant (MoDem) est enthousiasmé par sa nouvelle Première ministre, Élisabeth Borne. Dans le Journal du Dimanche ce dimanche 10 juillet, Aurore Bergé, présidente du groupe LREM salue “sa déclaration de politique générale, son autorité et sa malice”.

Un temps donné sur le départ après les mauvais résultats des législatives, elle qui ne l’a pas emporté haut la main dans le Calvados face à un jeune insoumis (52,47% contre 47,53% pour Noé Gauchard), et qu’on disait techno et peu faite pour la fonction a donné à voir un autre visage cette semaine.

“On passe notre temps à répondre à des questions cons”

Première image, mercredi 7 juillet après-midi, juste avant son discours très attendu de politique générale. Elle se rend à pied de Matignon à l’Assemblée nationale entourée de ministres savamment choisis, à commencer par Gérald Darmanin. Un proche d’Élisabeth Borne avait confié au Parisien, deux jours plus tôt qu’elle ne “supportait pas” le ministre de l’Intérieur. Une mise en scène pour contrer toutes les rumeurs de mauvaise entente au cours de laquelle Élisabeth Borne lâche: “C’est vachement marrant parce qu’on passe notre temps à répondre à des questions cons!”.

Une petite phrase, captée par les caméras de BFMTV et LCI présentes sur place, qui l’aurait aidé à “donner une bonne image d’elle”, selon plusieurs députés qui y voient une opération de communication consistant à atténuer les clichés sur son sérieux et son côté “techno”, critiqué par certains de ses opposants, et que les Français ont pu observer jusqu’à présent.

Depuis sa nomination à Matignon le 16 mai, les enquêtes d’opinion ne jouent pas en sa faveur. Le 10 juin, pour son premier test dans le baromètre YouGov du HuffPost, la Première ministre n’atteint pas plus de 20% d’opinions favorables, dix points de moins que ses prédécesseurs Jean Castex et Édouard Philippe à la même époque. Le 25 juin, dans un baromètre Ifop pour le JDD, seuls 37% des Français se disent satisfaits de son action.

Opposée au maintien de Damien Abad au gouvernement, elle essuie plusieurs refus d’Emmanuel Macron qui accède finalement à sa demande lors du remaniement du 4 juillet dernier. Dans un entretien accordé au magazine ELLE le 6 juillet, elle affirme son choix en disant: “On attend des hommes politiques qu’ils soient exemplaires”. À propos des critiques sur son profil, elle évacue ainsi les choses: “Le débat pour me qualifier de ‘techno’ -‘pas techno’ est assez surréaliste”.

“Borne is born”

Le 7 juillet, jour du très attendu discours de politique générale dans un hémicycle bondé d’oppositions virulentes, Élisabeth Borne se devait de “fendre l’armure”. C’est ce qu’elle a fait, au milieu d’un discours sur la méthode - “le compromis” - et sur les grandes lignes de sa politique - “travailler un peu plus longtemps”, “lutter contre toutes les discriminations” et l’écologie, la santé, l’éducation et le pouvoir d’achat en priorités - elle livre ces mots et laisse transparaître une vive émotion: “Si je suis ici devant vous, Première ministre de la France, je le dois à la République qui m’a tendu la main, en me faisant pupille de la Nation alors que j’étais cette enfant dont le père n’était jamais vraiment revenu des camps”.

Les commentaires sont bons. Elle ne se laisse pas impressionner par les huées venues des bancs insoumis. “Borne is born”, tweete l’éditorialiste Jean-Michel Apathie. “C’est une femme pleine de ressources, pas du tout la caricature qui est faite d’elle”, appuie un ministre qui l’apprécie. “Elle est drôle, caustique, efficace et bosseuse”, énumère le même, admiratif. “C’est quelqu’un qui a des valeurs profondément humanistes, le service de l’État, c’est l’engagement d’une vie”, loue Erwan Balanant.

Après les législatives, elle prend soin d’écrire à tous les députés un message de félicitations sur Telegram avec son numéro de téléphone. ”Un geste très sympa de sa part qui permet de nouer le contact et d’intégrer les nouveaux élus”, salue Sandrine Le Feur, députée LREM du Finistère pour qui ”ça montre qu’elle est à l’écoute” et qui n’avait “pas ce lien avec les anciens Premiers ministres”.

Elle a montré sa couche d’humanité qu’on pensait absente, mais il faut qu’elle fasse gaffe car son poids politique est plus faible que certains ministres.Un conseiller de l'exécutif de premier plan

Lors du pot organisé dans les jardins de l’Élysée le 7 juillet, elle se montre “hyper abordable” auprès de parlementaires souvent négligés lors du précédent mandat, selon Erwan Balanant. “Elle m’a demandé de lui renvoyer sur Telegram la note que j’avais faite pour l’évaluation climatique des lois”, apprécie le député du MoDem qui la sent ouverte au dialogue. Dans ELLE, Borne mettait en avant ses “capacités d’écoute et de sang-froid”.

Les compliments pleuvent, même si les poids lourds de son gouvernement comme Gérald Darmanin et Bruno Le Maire commencent déjà à penser à la suite et disent tous deux vouloir intervenir “sur tous les sujets”. “Elle a montré sa couche d’humanité qu’on pensait absente, le discours de politique générale est réussi mais il faut qu’elle fasse gaffe car son poids politique est plus faible que certains ministres”, met en garde un conseiller de l’exécutif de premier plan. Certains conseillers ministériels l’appellent en effet “Madame Borne” avec une pointe de condescendance, comme si ce n’était pas vraiment elle qui décidait.

Loin des critiques et des mauvaises langues, Élisabeth Borne poursuit sur sa lancée, affiche des sourires et fait des blagues lors des rencontres économiques d’Aix-en-Provence auxquelles elle participe samedi 9 juillet. “Il y a encore des gens qui utilisent des bouteilles en plastique, vraiment?”, dit-elle devant les caméras de BFMTV et confie à la chaîne info qu’elle s’est “bien amusée en voyant certaines réactions”.  Une façon de gommer l’image d’austérité affichée au début de ses prises de fonction.

Le ministre qui veut rester anonyme ne s’inquiète pas pour la suite: “C’est comme Édouard Philippe, au début on se demandait qui était ce grand échalas et ensuite les Français ont appris à le connaître et l’ont apprécié. Vous verrez, vous n’avez encore rien vu!”

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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