À Paris, une marche des fiertés plus politique que jamais à la veille des législatives anticipées

La marche des fiertés à Paris en 2023 a réuni près de 56 000 participants.
JULIEN DE ROSA / AFP La marche des fiertés à Paris en 2023 a réuni près de 56 000 participants.

DROITS LGBT+ - « Ça va être une marche importante et historique. » Si une marche des fiertés est par essence politique, celle qui aura lieu ce samedi 29 juin dans la capitale s’annonce inédite, reconnaît James Leperlier, président de l’InterLGBT. « À la veille d’une élection aussi historique que les législatives anticipées, avec un risque de voir l’extrême droite arriver au pouvoir, ça nous impose d’être encore plus impliqués », poursuit auprès du HuffPost le président de l’interassociative organisatrice de l’événement annuel.

Législatives 2024 : Face à la montée du RN, ces couples de femmes craignent pour leur enfant, comme en Italie

« On s’attend à une très forte mobilisation des participants et participantes, mais également des organismes qui prendront part au cortège, avec un bon des inscriptions ces dernières semaines », ajoute James Leperlier. Quelque 50 000 à 80 000 personnes sont attendues entre la porte de la Villette et la place de la République ce samedi après-midi.

Face à la menace d’une majorité Rassemblement nationale à l’Assemblée nationale et de l’entrée de Jordan Bardella à Matignon, plusieurs cortèges revendicatifs se sont constitués au sein de la marche. C’est le cas du collectif radical Les Inverti-e-s qui, après avoir coordonné une tribune d’associations LGBT contre l’extrême droite, organise avec La France insoumise un cortège d’une quinzaine de structures pour « une démonstration de force sur l’antifascisme sous le mot d’ordre “L’extrême droite est l’ennemie mortelle des LGBTI, riposte unitaire antifasciste” », nous explique Mimosa, membre du collectif les Inverti-e-s.

Peur de voir des droits menacés

Les associations LGBT en sont persuadées, « les minorités seront les premières cibles » en cas d’une victoire de l’extrême droite aux législatives, souligne James Leperlier. « Les exemples en Europe montrent un recul des droits des personnes LGBT+ lorsque l’extrême droite est au pouvoir », indique-t-il. « On a retiré des droits à des familles en Italie, restreint le droit de représentation de l’homosexualité en Hongrie, créé des “zones anti-LGBT” en Pologne… »

Avec le RN au pouvoir, le risque est réel « de retourner dans un État qui opprime sans honte les personnes LGBT+ », s’inquiète Emily Tante, drag-queen à l’initiative d’un « cortège drag » lors de la manifestation du 15 juin contre l’extrême droite et qui défilera samedi avec plusieurs autres de ses consœurs au sein du cortège des Inverti-e-s. « Avec l’extrême droite, on risque d’institutionnaliser la violence. On a déjà pu remarquer que la victoire du RN aux européennes a décomplexé la parole et les actes LGBTphobes ».

De fait, la récente agression d’un jeune gay à Paris par des militants d’ultradroite qui célébraient la victoire du RN aux élections européennes – l’un d’eux ayant déclaré aux enquêteurs, en référence à une éventuelle victoire du RN : « Vivement dans trois semaines, on pourra casser du PD autant qu’on veut » – a marqué les esprits au sein de la communauté LGBT. Plus largement, l’inquiétude concerne en particulier les personnes trans, explicitement ciblées depuis plusieurs mois par la droite conservatrice. Raison pour laquelle les associaitons membres de l’InterLGBT ont retenu le mot d’ordre « Contre la transphobie : transolidarités ».

Offensive transphobe

« Jamais les personnes trans n’ont pu vivre aussi librement, être épanouies. Pourtant, il y a un risque énorme pour leur avenir », s’inquiète Giovanna Rincón, directrice d’Acceptess-T, qui défilera au sein d’un cortège d’associations trans au sein de la marche des fiertés. « Leur identité est prise en otage par les politiciens et remise en question par certains partis qui, de façon très frontale, disent qu’ils vont s’attaquer à leurs droits », rappelle-t-elle.

« L’offensive transphobe qu’on observe aujourd’hui est très connectée avec l’extrême droite », abonde Mimosa. « Elle infuse même dans les dernières déclarations d’Emmanuel Macron sur le sujet », ajoute la militante en référence aux propos du chef de l’État qui a jugé « ubuesque » la possibilité de changer d’état civil en mairie pour les personnes trans. « On sait pourquoi il le fait : il n’est pas vraiment l’allié des personnes LGBTI mais, en pompier pyromane, il essaie de récupérer les voix de l’extrême droite. »

Mais cette menace fédère la communauté

Si l’extrême droite aux portes du pouvoir préoccupe la communauté LGBT, celle-ci n’a pas dit son dernier mot et se sent plus soudée que jamais. « Il y a un sentiment d’urgence. On a rarement vu une campagne aussi dynamique, avec des personnes qui veulent nous rejoindre », poursuit Mimosa dont le collectif organise des distributions de tracts dans le centre de Paris et dans des soirées LGBT+.

Une détermination que constate également Emily Tante dans le milieu drag. « Il y a un mouvement qui s’est mis en place de manière autonome à Lyon, Strasbourg, Montpellier », énumère-t-elle, soulignant que la politique s’invite davantage dans les shows des artistes drag : « Celles qui n’avaient pas l’habitude de porter des messages politiques se sont mobilisées pour le faire. » Et d’ajouter : « Avec les drags kings et les drags creatures, on a le sentiment de faire front ensemble, et ça donne de l’espoir. »

Mais pour les militantes et militants LGBT, la lutte contre l’extrême droite ne s’arrête pas aux élections législatives. « Quoi qu’il arrive, le 7 juillet, il faudra reconstruire une mobilisation antifasciste sur le terrain pour contrer la montée de l’extrême droite alimentée par les lois antisociales depuis trente ou quarante ans », indique Mimosa. Un constat partagé par Giovanna Ricón : « Pour les associations LGBT, c’est un moment assez crucial, avec la nécessité de remobiliser face à un ralentissement ou une sorte d’endormissement. »

À voir également sur Le HuffPost :

LGBT+ : en parler est « de plus en plus difficile » à travers le monde, s’inquiète cette ONG

Antoine Dupont en une de Têtu, pour que l’homosexualité ne soit « plus un tabou » dans le rugby