À la Nupes, tout le monde veut un « acte II » mais personne n’est d’accord

Olivier Faure, Marine Tondelier, Fabien Roussel et François Ruffin à Paris le 17 janvier.
Olivier Faure, Marine Tondelier, Fabien Roussel et François Ruffin à Paris le 17 janvier.

POLITIQUE - Union de la gauche cherche chemin commun. Depuis quelques jours, les choses se tendent sérieusement au sein de la Nupes, alors que la mobilisation contre la réforme des retraites offrait à la coalition une parfaite occasion de mettre les désaccords sous le tapis. Il n’en est rien. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase rouge-rose-vert : la victoire de la dissidente socialiste Martine Froger face à l’insoumise Bénédicte Taurine dimanche 2 avril.

Une législative partielle qui a tourné au psychodrame national, mais qui a surtout permis aux sceptiques de la Nupes de gagner en visibilité. Dans une interview à L’Express le lendemain, Fabien Roussel a revêtu son costume préféré : celui de dynamiteur en chef. « La Nupes, elle est dépassée. Il faut rassembler bien au-delà… », a déclaré le député du Nord, évoquant la possibilité de nouer une alliance avec Bernard Cazeneuve.

« La chronique de la division »

Oui, l’ancien Premier ministre de François Hollande, qui décrit la Nupes comme « le mariage de l’inconséquence et de la violence, dans un nihilisme où la colère empêcherait l’avènement de l’espérance ». Ce même Bernard Cazeneuve que Jean-Luc Mélenchon désignait comme responsable de « l’assassinat de Rémi Fraisse », après la mort du militant écologiste sur le barrage de Sivens en 2014.

Sans surprise, cette proposition signée Fabien Roussel a fait hurler les insoumis. « Pour élargir la Nupes jusqu’à la victoire, commençons aussi par cesser de la dénigrer régulièrement. Le combat pour l’unité de notre camp et son renforcement est une exigence de chaque instant. En cette période de mobilisation, n’alimentons pas la chronique de la division », a prévenu Alexis Corbière, député LFI de Seine-Saint-Denis, sur Twitter.

Sur un ton moins diplomate, son collègue du Val-d’Oise Paul Vannier a invité le communiste à « se consacrer à l’organisation de son barbecue avec Cazeneuve et laisser la Nupes tranquille ». Autre signe de cette montée des tensions, cette passe d’armes sur Twitter entre le Parti communiste et le député insoumis Antoine Léaument, au sujet du rassemblement prévu ce mardi 4 avril devant l’Élysée.

Un rassemblement qui a terminé en eau de boudin, puisque seuls les communistes (moins nombreux que les journalistes) ont fait le déplacement, snobés par les socialistes, les écologistes et les insoumis. Ces derniers avaient un temps prévu d’y aller… avant les déclarations fracassantes de Fabien Roussel.

Si la Nupes est éprouvée sur son flanc gauche, son flanc droit n’en est pas plus épargné. Car la défaite de Bénédicte Taurine en Ariège pose un sacré cas de conscience à Olivier Faure : faut-il intégrer la dissidente au sein du groupe socialiste, et donc de l’intergroupe de la Nupes ? Et ainsi trahir l’accord signé au mois de juin ? Officiellement, le parti à la rose a d’abord dit non.

Mais la situation pourrait bouger. « Nous sommes prêts à la recevoir mais des choses ne se négocient pas », a déclaré ce mardi devant la presse le député socialiste Arthur Delaporte, à l’issue d’une longue réunion du groupe PS. L’adhésion pleine et entière à l’intergroupe de la Nupes fait partie des choses « non négociables » attendues par le groupe socialiste.

De quoi faciliter le retour de Martine Froger parmi ses anciens camarades ? Les insoumis voient rouge. « Je ne suis pas d’accord pour qu’une députée qui a fait battre une députée de l’intergroupe de la Nupes siège dans le groupe socialiste. Et je suis sûre que beaucoup de socialistes seront d’accord avec moi sur cette question », a déclaré en conférence de presse la présidente du groupe LFI Mathilde Panot. Une sorte de coup de pression qui passe moyennement chez certains élus socialistes. « Ben en fait ce n’est pas toi qui décides », a répondu, dans un tweet lapidaire, la sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie.

Un acte II déjà fragile

Dans ces conditions, difficile d’imaginer comment la coalition de gauche pourra s’entendre afin d’évoluer vers un « acte II » visant à consolider l’union. Ce mardi, les élus de la Nupes se réunissent au Palais Bourbon pour discuter de la situation politique et évoquer les défis à venir. Boudée par Fabien Roussel (ça alors), cette réunion permettra-t-elle de passer à la vitesse supérieure et de dépasser les divisions ?

Sur le papier, beaucoup l’espèrent. « Ce que je souhaite moi, c’est qu’au-delà des questions d’organisation, nous portions une volonté. Celle de notre unité. En bâtissant d’abord un projet de coalition avant de chercher son incarnation », déclarait récemment dans Libération Olivier Faure, espérant que cette nouvelle phase permette de « se fixer des objectifs clairs, des étapes pour converger sur le fond ».

Dimanche, c’est Jean-Luc Mélenchon qui a exprimé son souhait de voir la coalition évoluer. « Il y a plein de choses qu’il faut faire avancer », a déclaré sur France 3 le fondateur de la France insoumise, tout en voulant laisser la main aux parlementaires, probablement conscient des soupçons qui pèsent au sein de la Nupes sur son ambition personnelle.

Courant février, c’est l’écolo Sandrine Rousseau qui s’était prononcée pour ce fameux « acte II » plaidant pour une « coordination qui prenne des décisions avec quelque chose qui soit beaucoup plus clair et démocratique ». Un souhait renouvelé et élargi début mars à l’occasion d’une tribune dans Le Monde, en dépit des divergences de stratégie déplorées lors de l’examen de la réforme des retraites.

Une nouvelle étape ? Mais pour quoi faire ? Car si les insoumis poussent pour une plus grande inclusion au sein de la coalition, en vue notamment d’une liste unique pour les élections européennes, cette option est pour le moment rejetée par le PS et EELV, soucieux de se prémunir de toute tentation hégémonique au sein du collectif. Le tout, dans un contexte où Fabien Roussel joue sa musique en solo de plus en plus fort et où le Parti socialiste se divise en interne sur sa participation à cette coalition. De quoi donner des maux de tête aux partisans du rassemblement.

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