À Messine, le long calvaire des victimes du pont qui n’existe pas

Sur les plans du pont du détroit de Messine, près de 250 maisons du quartier de Torre Faro, à l’extrême pointe nord-est de la Sicile, sont marquées au feutre rouge. Chacune a deux balcons, une petite cour arrière et est entourée d’un jardin. C’est ici que devrait être construite la pile de 399 mètres de haut qui soutiendra le pont. Une infrastructure qui, d’après les annonces et les promesses, aurait dû être achevée depuis bien longtemps.

Il y a douze ans, les travaux semblaient sur le point de débuter et, depuis, Mariolina De Domenico vit dans la terreur de devoir quitter sa maison. Comme elle, nombre d’habitants de Torre Faro se sentent découragés, frustrés, et dans une certaine mesure menacés par l’ombre de ce pont qui plane depuis des années, et les expropriations qu’il entraînera.

“Ma maison ne vaut plus rien”

Mariolina De Domenico habite ici depuis vingt et un ans, à quelques dizaines de mètres de la mer. En 2011, avec une centaine d’autres propriétaires, elle a intenté une action en justice pour le préjudice matériel et moral dû aux contraintes liées à la construction du pont, qui ont tout bloqué, y compris les ventes immobilières et les rénovations. “Qui voudrait acheter cette maison ? Avec tout ce bazar, elle ne vaut plus rien. Nous sommes victimes d’un pont qui n’existe pas, et les gens ne nous croient pas”, s’insurge-t-elle.

SOURCE : CONTRIBUTEURS OPENSTREETMAP
SOURCE : CONTRIBUTEURS OPENSTREETMAP

Torre Faro compte près de 2 500 habitants. C’est le point de la Sicile le plus proche de la Calabre, qui n’est qu’à 3,3 kilomètres. En été, des hordes de touristes viennent chercher la chaleur, semant un certain chaos dans leur sillage. En hiver, les rafales de vent qui balaient le détroit font plier les palmiers bordant la route côtière. Les éleveurs de moules, eux, ont presque disparu de ces lieux.

À mesure que l’on s’éloigne du centre de Torre Farro, les routes deviennent plus étroites, plus cahoteuses aussi, et les broussailles envahissent les jardins des quelques maisons déjà abandonnées.

Un dossier de 1 089 pages

Le plan d’expropriation qui a déjà changé ces lieux a été approuvé le 8 septembre 2011. Mais le terme “plan” ne rend pas l’idée de l’envergure d’un projet qui remplissait un dossier de 1 089 pages. Tout paraissait alors irréversible et définitif : les habitants disposaient de soixante jours pour faire appel. Puis rien ne s’est passé comme prévu.

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