À Marseille, un château de la famille de Marcel Pagnol se retrouve au cœur d’un affrontement politique

Photo prise le 17 juin 2011 de la Maison des cinématographies de Marseille qui a pris officiellement ses quartiers dans le château de la Buzine, acheté en 1941 par l'écrivain-cinéaste Marcel Pagnol et immortalisé dans le deuxième volet de ses souvenirs d'enfance, "Le château de ma mère". AFP PHOTO BERTRAND LANGLOIS (Photo by BERTRAND LANGLOIS / AFP)

POLITIQUE - Le château de la discorde. À Marseille, l’héritage de Marcel Pagnol provoque des tensions entre la municipalité divers gauche emmenée par Benoît Payan et l’opposition de droite, qui soutient Nicolas Pagnol, petit-fils du romancier, qui s’estime spolier. En cause : la possible attribution de la gestion du château de la Buzine, acheté en 1941 par l’écrivain et géré depuis une dizaine d’années par sa descendance, à un centre culturel municipal.

Invité de franceinfo samedi 24 juin, le maire de Marseille Benoît Payan est resté ferme. « Dans ce pays, il y a des règles et des lois, et je souhaite qu’elles soient respectées. (...) À Marseille, je sais que pendant longtemps ou trop longtemps ça n’a pas été le cas, mais maintenant c’est terminé, n’en déplaise à celles et ceux qui ont l’habitude de faire ce qu’ils veulent », a lancé l’élu, interrogé sur la polémique.

Derrière cette mise au point, une dispute marseillaise née le 15 juin, lorsque Nicolas Pagnol a accusé dans Le Figaro « la mairie de Marseille de nous virer pour nous remplacer par une association ouvrière dont le cœur de métier est la gestion de centres sociaux ». La veille, il avait été informé par l’adjoint à la Culture Jean-Marc Coppola que la gestion du château de la Buzine, évoqué dans Le Château de ma mère et dont il avait la charge en tant que président d’association, allait, à la suite d’un appel d’offres, être géré par le Centre de Culture ouvrière (CCO) pour devenir un centre d’éducation populaire par le cinéma.

Dans une pétition lancée dès le 15 juin, Nicolas Pagnol s’est encore offusqué d’une décision « incompréhensible tant la gestion du lieu a été irréprochable ». Ce qu’il affirme en évoquant entre autres une fréquentation « multipliée par 8 en 5 ans » et un « résultat d’exploitation bénéficiaire ». « La renommée du Château de la Buzine en tant qu’équipement culturel est passée en l’espace de cinq ans d’un plan municipal à un plan national grâce à une équipe dévouée, une saine gestion, un réseau international, un fort ancrage régional mais plus que tout autre chose, grâce à la renommée de Marcel Pagnol », écrit-il.

Une affaire de droit contre les amitiés ?

L’affaire a immédiatement pris un tour politique et le petit-fils de Marcel Pagnol a reçu le soutien de nombreux élus d’opposition de droite, à l’échelle locale et au-delà. « En voulant confier la délégation de service public du Château de la Buzine aux communistes, Benoît Payan relance les purges communistes », s’est indignée la sénatrice LR des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer. Renaud Muselier, président macroniste de la région PACA, s’est quant à lui dit « scandalisé par le traitement réservé à Nicolas Pagnol par la Ville ».

De son côté, la mairie de Marseille fait donc valoir le respect du droit. « ’Le Château de ma mère’ n’est pas un lieu comme un autre. Et Pagnol y conservera évidemment toute sa place », assure Jean-Marc Coppola sur Twitter le 15 juin. « Mais pour le délégataire qui gérera le lieu, la loi sur la commande publique est la même pour tous, y compris pour vos amis Renaud Muselier », a taclé l’élu PCF. Dans La Marseillaise le 17 juin, l’élu a encore défendu une « une procédure très claire, très encadrée » et « un projet meilleur que l’autre. » « Le projet présenté (par le CCO, ndlr) était plus en cohérence avec les objectifs de la Ville  », assurait-il, évoquant en outre une économie de 700 000 euros par rapport au projet de Nicolas Pagnol.

Un argument financier que ce dernier récuse. « Notre plan de financement ne comprend qu’environ 45 % d’argent public, les 700 000 € d’écart du budget de fonctionnement étant financé par l’exploitation du château. Notre plan de financement est robuste et a fait ses preuves ces 5 dernières années. Notre éviction n’a donc rien à voir avec des considérations économiques », réplique-t-il sur Twitter, où il mène son combat en relayant marques de soutien et vidéos choisies pour sa bonne gestion.

Macron sollicité ?

Le 19 juin, l’adjoint à la Culture a alors tenté d’apaiser la situation en proposant à Nicolas Pagnol, sur France Bleu Provence, de devenir « par exemple président du château » sans renoncer pour autant au changement de gestionnaire. Une offre que l’intéressé a balayée. Surtout, il se dit désormais victime de « menaces » et de « diffamation » et a indiqué le 23 juin avoir porté plainte. « Une enquête est en cours » affirme-t-il sur Twitter.

Le vote du Conseil municipal pour entériner le changement de gestionnaire, prévu le 30 juin prochain, a pour l’heure été reporté au 7 juillet rapporte Le Figaro ce dimanche. Mais d’ici là, Nicolas Pagnol entend bien profiter de la venue d’Emmanuel Macron, qui sera dans la cité phocéenne entre lundi et mercredi, pour plaider sa cause en haut lieu. Selon le quotidien, une rencontre entre les deux hommes est prévue mardi soir au Mucem (Musée des civilisations d’Europe et de Méditerranée) où le président de la République doit prononcer un discours. Décidément une affaire de palais.

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