À Marioupol, Poutine sur les traces de la conquête russe en Ukraine

À Marioupol, Vladimir Poutine a visité un chantier de reconstruction de zone résidentiel, après avoir fait étape par plusieurs lieux lourds de sens, plus d’un an après le début de l’invasion russe en Ukraine.
À Marioupol, Vladimir Poutine a visité un chantier de reconstruction de zone résidentiel, après avoir fait étape par plusieurs lieux lourds de sens, plus d’un an après le début de l’invasion russe en Ukraine.

GUERRE EN UKRAINE - Avant une rencontre au sommet avec le président chinois Xi Jinping, Vladimir Poutine a fait une sortie remarquée durant le week-end des 18 et 19 mars à Marioupol en Ukraine. Une ville dévastée par le conflit déclenché par la Russie en février 2022 que le président russe a visitée de nuit. Mais dans quel but ?

Pour son premier déplacement dans une zone conquise par Moscou, Vladimir Poutine avait-il une idée précise en tête avec cette visite en catimini, qui a déclenché la colère de Kiev, qui a dénoncé le « cynisme » du chef du Kremlin ? Si elle a eu lieu de nuit, c’est « probablement pour ne pas voir à la lumière du jour la ville tuée par sa ’libération’ », a d’ailleurs estimé le Conseil municipal ukrainien de Marioupol, réfugié dans une zone tenue par l’Ukraine.

Après son passage à Marioupol, la BBC s’est donné pour mission de retracer le parcours du chef d’État russe pour mieux comprendre les raisons de cette venue, « spontanée » selon le Kremlin, mais aussi « personnelle », à en croire Vadym Boychenko, le maire ukrainien en exil de la ville désormais contrôlée par les Russes.

« Marioupol est un lieu symbolique pour Poutine, à cause de la fureur qu’il a infligée à la ville. Aucune autre n’a été détruite comme ça. Aucune autre n’a été assiégée pendant si longtemps. Aucune autre n’a été victime d’un tapis de bombes », estime ainsi le maire de Marioupol, pour qui Vladimir Poutine tenait à venir voir de ses propres yeux « ce qu’il a fait ».

Sur les traces de la prise de Marioupol

Le parcours emprunté par le président russe dans la ville dévastée rappelle d’ailleurs de nombreux chapitres importants de la prise de la ville par les troupes russes. À commencer par l’hôpital pour enfants, bombardé par la Russie le 9 mars 2020, et où le destin de Mariana Vishegirskaya avait fait le tour du monde. Cette femme, alors enceinte, avait survécu aux bombes russes avant d’accoucher quelques jours plus tard.

Comme un symbole, le président russe a changé de direction alors qu’il empruntait l’avenue Myru juste avant d’arriver devant le théâtre de Marioupol, un autre lieu indissociable de la prise de Marioupol par les Russes, puisque jusqu’à un millier de civils s’étaient réfugiés lors des bombardements.

Et là encore, les images d’une inscription « enfants » écrite en russe devant le théâtre avaient été largement reprises à travers le monde après qu’elle n’avait pas suffi à empêcher le bombardement de l’édifice, le 16 mars. Le bâtiment aurait depuis été rasé par les Russes pour masquer d’éventuels crimes de guerre, selon le maire ukrainien de la ville.

L’ONU estime d’ailleurs que 90 % des bâtiments résidentiels ont été endommagés ou détruits lors des assauts russes, raison pour laquelle la Russie est soupçonnée de démolir un certain nombre de bâtiments endommagés pour les remplacer par de nouveaux, toujours dans cette volonté d’effacer toute trace de conquête à Marioupol. Un journaliste norvégien cité par la BBC évoque d’ailleurs « une reconstruction et une restauration à grande échelle » au milieu de « la destruction partout où vous regardez ». En marge de la visite de Vladimir Poutine, la télévision russe a d’ailleurs multiplié les reportages de propagande auprès d’habitants des immeubles rénovés ou construits par la Russie.

Mise en scène

Durant la suite de son périple nocturne dans Marioupol, le chef du Kremlin s’est fait présenter les plans de reconstruction du quartier de Nevsky, dans l’ouest de Marioupol. Et coïncidence (ou non) ce nom fait référence à la rivière Neva, qui traverse Saint-Pétersbourg, la ville natale de Vladimir Poutine.

« La nuit lui permet de mettre l’accent sur ce qu’il veut montrer et maintient la ville, que son armée a totalement détruite, et ses quelques habitants qui ont survécu, à l’abri des regards indiscrets », a d’ailleurs fait remarquer le ministère ukrainien de la Défense sur Twitter.

Le chef d’État russe s’est ensuite rendu dans un lieu tout aussi symbolique : la salle de concert philharmonique de Marioupol, où devait initialement avoir lieu le procès des troupes ukrainiennes retranchées dans l’usine d’Azovstal. Ces derniers s’étaient finalement rendus en mai 2022, laissant les Russes seuls maîtres de la ville. Le procès des soldats ukrainiens n’a finalement jamais eu lieu suite à un échange de prisonniers avec la Russie, mais Vladimir Poutine a tout de même visité la salle de ce qui était auparavant un haut lieu culturel de Marioupol, avant d’être lui aussi utilisé pour mettre à l’abri les civils.

Durant son voyage en zone conquise, Vladimir Poutine s’est donc entretenu avec des habitants, selon les médias russes. Toutefois, les rares images de cet échange avec les locaux ont donné lieu à une scène qui n’a pas forcément été du goût du Kremlin, comme en atteste la réaction d’un agent de sécurité présidentiel. En pleine discussion entre Poutine et un attroupement présenté comme d’habitants, un cri de femme a résonné. On peut entendre : « Ce ne sont que des mensonges, c’est juste pour le spectacle ! ».

Signe qu’à Marioupol, le passage de Vladimir Poutine a été particulièrement remarqué mais pas forcément apprécié par tous.

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