À Beyrouth, un skatepark pour dépasser les divisions et sortir du quotidien

De son bras gauche recouvert d’un plâtre, Mohammad, 11 ans, s’empare de sa planche de skate, la place sur le rail du skatepark, jette un regard déterminé vers ses copains et disparaît dans la pente abrupte. Il réapparaît à une vitesse furieuse de l’autre côté, et son petit corps agile s’élève dans les airs. L’espace d’un instant, il flotte en apesanteur au-dessus de ses galères dans le camp [de réfugiés palestiniens] de Chatila.

Le Snoubar Skatepark, au cœur du Bois des pins, à Beyrouth.. COURRIER INTERNATIONAL
Le Snoubar Skatepark, au cœur du Bois des pins, à Beyrouth.. COURRIER INTERNATIONAL

Premier planchodrome [skatepark] public au Liban, cet espace de 1 100 m² a ouvert en juillet 2021 au parc du Bois des pins, côté Tariq el-Jdideh [quartier très populaire à dominante sunnite]. Il est néanmoins séparé du triangle de verdure de 330 000 m² par un grillage, marqueur d’une discrimination spatiale indirecte subie par les habitants de ce quartier populaire et du camp de réfugiés voisin, selon la société civile.

Assis à l’ombre d’un pin parasol, Mike Richard, cheveux longs et lunettes de soleil, une dégaine n’ayant rien à envier aux pionniers californiens des années 1950, philosophe :

“Le skate, c’est une façon de méditer en mouvement. Quand tu te concentres sur ton trick [“figure”] ou que tu cruises [“roules”], tu te libères de ton stress, de tes problèmes : tu ne penses plus à rien d’autre”.

Une seule communauté, celle du skate

Au Snoubar skatepark, les jeunes viennent de tous les quartiers de la capitale libanaise, mais ne s’identifient qu’à une communauté : celle des skateurs. Cette dernière a ses codes : l’entraide, le respect sans aucune discrimination, même vis-à-vis des débutants, le sentiment de liberté ressenti en s’évadant des pesanteurs du quotidien par la vitesse et la prise de risque.

L’obsession aussi : malgré son bras cassé le mois dernier après une mauvaise chute, Mohammad ne résiste pas à l’envie de retrouver Adam, de Chatila, Mohammad, de Deir ez-Zor [ville de l’est de la Syrie], et Rayan, de Chiyah [quartier à dominante chiite limitrophe de Beyrouth].

Mohammad, 11 ans, jeune skateur de Chatila, au Snoubar skatepark, le 23 juin 2023.

. PHOTO EMMANUEL HADDAD
Mohammad, 11 ans, jeune skateur de Chatila, au Snoubar skatepark, le 23 juin 2023. . PHOTO EMMANUEL HADDAD

Et, enfin, le partage d’un même langage, issu des États-Unis où la contre-culture de la glisse urbaine est née. Quels que soient leur âge, leur religion, leur genre, leur classe, les skaters affichent tous le même regard brillant quand ils parlent de ollie, le fait de sauter avec sa planche, ou de kickflip, qui consiste à faire tourner sa planche d’un tour en envoyant le pied sur le côté.

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