À Bagdad, dans la cuisine des califes

Il s’appelait Abou Samin (“Père dodu” !) et, comme par prédestination, il était cuisinier. Nous ne savons pas grand-chose sur lui, seulement qu’il officiait à Bagdad au IXe siècle, qu’il n’était pas le seul ni le premier de sa famille à exercer ce métier et qu’il a inventé ou réalisé à la perfection les recettes préférées du calife abbasside Al-Wathiq [810-847].

Par chance, certaines de ces recettes ont été consignées, un siècle après sa mort, dans le plus ancien livre de cuisine en langue arabe qui nous soit parvenu dans son intégralité, le Kitab Al-Tabikh, d’Ibn Sayyar Al-Warraq.

La gourmandise, péché mignon de la dynastie

Bagdad était en ce temps le “nombril du monde”, une métropole populeuse multiethnique et multiconfessionnelle, un foyer d’échanges économiques et de métissage culturel. Al-Warraq, comme son nom l’indique, y gagnait sa vie comme libraire et copiste. Il avait eu sous la main, de toute évidence, une bonne vingtaine de carnets de cuisine rédigés à l’intention des califes, princes, vizirs, gouverneurs et autres personnages de haut rang, ou dictés par eux.

À commencer par le livre culte d’Ibrahim ibn Al-Mahdi [779-839], le demi-frère cadet du calife Haroun Al-Rachid [766-809], homme de goût, poète et musicien, considéré à juste raison par la postérité, jusqu’en Espagne musulmane, comme le père fondateur de la cuisine gastronomique arabe.

Or la gourmandise semble avoir été le péché mignon de tous les membres de cette glorieuse dynastie : des recettes sont en effet nommément attribuées par Al-Warraq à Al-Mamoun [786-833], dont on dit qu’il connaissait les caractéristiques humorales de plus de trois cents mets, ainsi qu’à son frère et successeur Al-Mutassim [796-842], plus connu pourtant pour ses campagnes militaires contre les Byzantins, et surtout à Al-Wathiq, le patron d’Abou Samin.

Les historiens décrivent Al-Wathiq comme un bel homme aux traits fins et aux mœurs douces, qualités qu’il aurait héritées, selon eux, de sa mère, Karatis, d’origine grecque. Ce qui ne l’a pas empêché d’avoir un appétit d’ogre, avec une prédilection pour les aubergines. On a même prétendu qu’il lui arrivait dans sa jeunesse d’en manger une quarantaine en une seule journée.

[...] Lire la suite sur Courrier international

Sur le même sujet :