Non, les épreuves de natation des JO de Paris 2024 n'ont pas été "déplacées" du centre aquatique de Saint-Denis à La Défense Arena de Nanterre

Tout commence dans les colonnes de L’Express avec un dossier complet consacré aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Dans ce récit froid, nos confrères évoquent le projet du Centre aquatique olympique (CAO) situé en face du Stade de France. Les journalistes reviennent particulièrement sur le cadre budgétaire autour de cette installation. "La piscine olympique était censée coûter 67,8 millions d’euros dans le dossier de candidature. Estimation montée à 90 millions d’euros dans le projet définitif, en septembre 2017. Mais aucun géant du bâtiment ne pense pouvoir construire l’édifice à ce prix-là. En avril 2018, un rapport de l’inspection générale des finances évalue le dossier à 260 millions d’euros. Un consortium emmené par Bouygues emporte finalement le marché pour 174 millions d’euros en 2020", estime L’Express.

Très rapidement, ce texte est repris par plusieurs comptes sur X (anciennement Twitter) avec une forte visibilité. Ces comptes laissent penser qu’un changement précipité est intervenu ces dernières heures dans ce dossier avec un transfert des épreuves reines de la natation du CAO à La Défense Arena de Nanterre. Ce n’est pas le cas mais il n'en faut pas plus pour faire polémique.

"Initialement évaluée à 67,8 millions d'euros, la construction de la piscine en Seine-Saint-Denis pour les JO 2024 a finalement atteint 174 millions d'euros. Malgré cela, la capacité d'accueil reste insuffisante pour la fédération, entraînant le déplacement des épreuves de natation vers un stade de rugby", fait savoir le compte Cerfia France, qui se revendique comme "l’actualité à portée de main", avec une publication vue plus de trois millions de fois. Ce n’est pas le seul. Ce mardi, une chronique de la matinale de TF1 est même consacrée à ce sujet avec, encore une fois, quelques approximations sur le sujet.

"À aucun moment il n'a été prévu d'accueillir dans ce CAO les épreuves de natation course, explique Laurent Ciubini, directeur général de la Fédération française de natation. Elles étaient prévues juste à côté de ce nouvel équipement, dans une structure provisoire qui devait faire 15.000 places. Et quand effectivement Paris 2024 a rechallengé l'ensemble des coûts, on s'est aperçu qu'il était bien plus efficace de mettre à la Paris La Défense Arena les épreuves de natation devant entre 18.000 et 19.000 personnes (17.000, ndlr). Donc nous, on a gagné en termes de public dans une arène qui n'était plus provisoire mais définitive. Mais en tout cas, depuis le début, il n'est pas prévu de mettre des épreuves de natation dans le CAO. On avait réfléchi à cette question-là avec la Métropole Grand Paris, mais pour des questions de coût on ne pouvait pas avoir un site fixe à 15.000 places, ça n'avait pas de sens. D'ailleurs il y en a de moins en moins qui sont construits dans le monde."

Une fausse polémique

Comme prévu donc, le Centre Aquatique Olympique sorti de terre pour les Jeux olympiques accueillera les épreuves de natation artistique, de plongeon, et les phases préliminaires du water-polo. Dans le futur, cet équipement ne pourra pas accueillir un championnat du monde qui demande dans le cahier des charges une jauge de 15.000 places et cinq bassins olympiques dans un rayon proche. "C'est pour ça que tous ces événements internationaux maintenant sont plutôt faits dans des stades ou dans des grandes arènes qui sont retransformés pour l'occasion, précise Laurent Ciubini. Des championnats du monde en France, on aurait eu une chance sur les 20 prochaines années de les organiser. C'est pour ça qu'on est tout de suite parti sur quelque chose qui allait pouvoir être réutilisé avec 5000 places en version haute et une jauge fixe à 3000 places. Depuis l'origine, le CAO est conçu pour pouvoir accueillir des championnats d'Europe, des coupes du monde de natation, des coupes du monde de natation artistique et des grands événements." Ces dernières années, à l'exception de Budapest en 2019 et 2022, les championnats du monde de natation se sont tous déroulés dans des bassins temporaires (Rod Laver Arena de Melbourne 2007, Palao San Jordi de Barcelone en 2013 et dans le stade de football de Kazan en 2015) comme l'installation provisoire installée à la Défense pour les JO.

Une fausse polémique, donc. "On aime bien s'autoflageller en France, reprend Laurent Ciubini. En tout cas sur la natation, bien sûr qu'on aurait pu avoir un équipement bien plus grand. Mais on doit tous être conscients qu'il faut être responsable en matière écologique, on ne doit pas faire n'importe quoi. Et on ne doit plus créer d'éléphants blancs. Donc c'est toujours trouver la juste mesure entre faire un éléphant blanc qui va servir une fois tous les 20 ans si on a de la chance, et quelque chose qui va servir et qui va être opportun par rapport à la fois au financement public et aux envies internationales de venir en France. Je pense à titre personnel qu'on a trouvé un juste équilibre avec cet équipement-là."

À la base, dans le projet de Paris 2024, il n'y avait pas d'installations pérennes pour le plongeon. C'est la FFN qui s'est battue pour que ce soit un héritage des Jeux. Sachant qu'il n'y a actuellement plus de site d'entraînement en Île-de-France pour le plongeon à 10m. Les nageurs de l'INSEP s'entraînent dans la piscine de Montreuil qui dispose d'une plateforme à 10m. Une piscine actuellement fermée pour travaux... dans l’optique des JO. "Une opportunité incroyable grâce à ce CAO. Ça va nous permettre d'avoir notre pôle de plongeon national avec un plongeon à 10m pour s'entraîner régulièrement dans des conditions dignes de ce nom."

Un épisode qui illustre aussi peut être le manque de pédagogie autour des Jeux olympiques à Paris. De nombreuses personnes confondent encore le Centre aquatique olympique avec la piscine olympique temporaire qui sera installée dans les prochains mois à Nanterre dans La Défense Arena et qui accueillera Léon Marchand et ses camarades de l'équipe de France.

La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, interrogée par RMC lundi lors d’un déplacement en Ile-de-France, est sur la même longueur d’ondes que la FFN. "C'est public depuis 2020, tout cela est parfaitement connu depuis quatre ans. Il sera livré en temps et en heure début avril", laisse entendre la ministre.

Cette polémique intervient dans un contexte où la moindre petite phrase sur les Jeux olympiques prend une ampleur importante. Il y a quelques semaines, le Préfet de la région Île-de-France avait dû mettre les choses au clair après une reprise dans plusieurs articles de l’expression "confinement olympique", attribuée par certains médias au représentant de l’État. Ce dernier n’avait pourtant jamais prononcé cette phrase. Du côté sportif, un test event aura lieu pour les compétitions de natation artistique, plongeon et water-polo dans le centre aquatique olympique du 29 avril au 8 mai. Un bon moyen de visiter cet édifice flambant neuf, qui sera livré avec un mois d’avance sur la date prévue.

Article original publié sur RMC Sport