Dennis Rodman critique un détenu américain en Corée du Nord

WASHINGTON (Reuters) - L'ancien basketteur américain Dennis Rodman, de retour à Pyongyang où il a souhaité mercredi en chanson un "Joyeux anniversaire" au dirigeant Kim Jong-un, a créé une nouvelle polémique en laissant entendre qu'un Américain détenu depuis novembre 2012 en Corée du Nord était responsable de son sort. Dans une interview houleuse accordée mardi à la chaîne CNN en duplex de la capitale nord-coréenne, l'ex-joueur des Chicago Bulls, le regard masqué par des lunettes de soleil, a dit son "affection" pour Kim Jong-un et estimé que sa quatrième visite en Corée du Nord constituait "une grande idée pour le monde" susceptible d'"entrouvrir une porte". Dennis Rodman a emmené avec lui d'anciens joueurs de basket qui ont participé à un match de gala à Pyongyang à l'occasion de l'anniversaire de Kim Jong-un. Ce dernier aurait 31 ans mais sa date de naissance n'a jamais été officiellement confirmée. Cette visite du joueur en Corée du Nord intervient quelques semaines seulement après l'exécution de Jang Song Thaek, l'oncle de Kim, jusqu'alors considéré comme la deuxième personne la plus influente de la dynastie au pouvoir à Pyongyang. La précédente visite de Rodman, mi-décembre, avait suivi de quelques jours à peine la mort de l'ancien mentor de Kim. En évoquant le sort de Kenneth Bae, un missionnaire détenant la double nationalité américaine et coréenne arrêté en novembre 2012 en Corée du Nord et condamné en mai dernier à quinze ans de travaux forcés pour crimes contre l'Etat, Dennis Rodman a suggéré que celui-ci devait s'en prendre à lui-même. "Est-ce que vous comprenez ce qu'il a fait à ce pays ? Pourquoi il est retenu en captivité dans ce pays ?", a-t-il lancé au journaliste de CNN mais refusant de répondre lui-même à ses questions et de clarifier son point de vue. "IL NE S'AGIT PAS D'UN JEU" A Washington, le porte-parole de la Maison blanche, Jay Carney, a refusé de commenter les propos de l'ancien "bad guy" des parquets. "Cette outrance ne mérite pas de réponse", a-t-il dit, réaffirmant que Dennis Rodman effectuait une "visite privée" et n'était nullement soutenu, encore moins mandaté par l'administration américaine. "Je dirai simplement que nous restons gravement préoccupés par l'état de santé de Kenneth Bae et que nous continuons d'appeler les autorités de la République populaire démocratique de Corée à lui accorder une amnistie et une libération immédiate pour des raisons humanitaires", a-t-il poursuivi. La soeur de Kenneth Bae, Terri Chung, s'est dite "écoeurée" par les commentaires de Dennis Rodman. "Il ne s'agit pas d'un jeu mais de la vie d'un homme, un fils, un frère, un mari, un père de trois enfants", a-t-elle réagi sur CNN. Apparemment peu ébranlé par ces réactions, Rodman a entonné mercredi, dans le hall où avait lieu le match, un vibrant "Joyeux anniversaire" en l'honneur du dirigeant nord-coréen. "Au début, c'était un peu surréaliste mais les gens ont chanté avec lui, puis ça s'est un peu calmé, mais Rodman semblait vraiment enthousiaste", a raconté Simon Cockerell, un guide de tourisme présent sur place. "Ce n'était apparemment pas prévu et Kim Jong-un a esquissé un sourire", a-t-il ajouté, précisant que le public avait acclamé debout le président et sa femme pendant six minutes. "Dennis Rodman a prononcé un discours charmant mais un peu décousu, il a remercié Kim Jong-un et sa femme d'être venus." Kenneth Bae, qui est âgé de 45 ans, a été arrêté alors qu'il guidait un groupe de touristes en Corée du Nord, près de la frontière chinoise. Les juges de la Cour suprême nord-coréenne ont estimé que sous couvert de ses activités dans le secteur du tourisme, il formait des groupes à combattre le régime. Doina Chiacu, avec James Pearson à Séoul, Henri-Pierre André et Guy Kerivel pour le service français, édité par Gilles Trequesser