Paris espère une "grande coalition" en Allemagne

par Yves Clarisse PARIS (Reuters) - Le gouvernement français attend le résultat des élections allemandes avec la certitude qu'il ne bouleversera pas le cours de la relation entre les deux pays mais marque sa préférence pour une "grande coalition" avec les sociaux-démocrates. François Hollande, qui avait mené sa campagne présidentielle de 2012 en opposition au gouvernement conservateur d'Angela Merkel, s'est résigné de longue date à voir la chancelière obtenir un troisième mandat et y voit même des avantages, la relation étant désormais apaisée. Les derniers sondages avant le scrutin de dimanche, qui font peser un doute sur la reconduction de la coalition entre les chrétiens-démocrates et les libéraux, laissent augurer une grande coalition comme celle qui a gouverné l'Allemagne de 2005 à 2009. Pour Paris, les deux gouvernements sont condamnés à s'entendre, quel que soit le résultat des élections. "Nous avons une obligation de résultat. Ça ne changera pas fondamentalement la relation de travail", déclare Thierry Repentin, ministre français des Affaires européennes. "Angela Merkel restera sur ses fondamentaux", souligne-t-on dans l'entourage de François Hollande, où l'on se félicite d'avoir pu construire une relation de confiance avec la chancelière après des débuts pour le moins chaotiques. A Berlin, on insiste sur le fait que la politique européenne de l'Allemagne ne connaîtra pas de révolution en cas de changement d'attelage sous la houlette de la chancelière. "On sous-estime la prévisibilité de l'Allemagne sur les dossiers européens", explique un responsable allemand. QUATRE ANS POUR TRAVAILLER C'est d'autant plus vrai que ni François Hollande, toujours gêné aux entournures par une majorité divisée sur l'approfondissement de l'intégration européenne, ni Angela Merkel, qui est sous la surveillance de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, n'ont d'appétit pour un grand bond en avant dans ce domaine, estiment des diplomates. Les deux dirigeants ont désormais quatre ans devant eux, jusqu'en 2017, sans aucune élection nationale dans leurs pays, pour travailler concrètement sur des dossiers. Le plus urgent sera la mise en oeuvre de l'union bancaire qui a tant divisé les deux capitales et les diplomates allemands insistent sur leur engagement à achever le projet le plus ambitieux depuis la création de l'euro. Selon des responsables européens, l'Allemagne travaille sur un projet qui permettrait sa mise en oeuvre sans avoir à modifier les traités européens, alors que Berlin insistait jusqu'à présent sur une révision jugée indispensable avant d'envisager le transfert au niveau européen du pouvoir de liquidation, ou de résolution, des banques en difficultés. La crise qui continue à sévir dans certains pays de la zone euro, comme la Grèce, obligera également François Hollande et Angela Merkel à se serrer les coudes pour rassembler la zone euro autour d'éventuels nouveaux plans de sauvetage. Les deux pays doivent aussi se mettre d'accord sur la personnalité qui succédera à l'automne 2014 à José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne. "La réflexion a commencé", dit-on de concert à Paris et à Berlin, mais les deux gouvernements avancent prudemment, dans la mesure où ils devront tenir compte des résultats des élections européennes de juin et de leurs partenaires. UN SMIC EN ALLEMAGNE ? Des tensions pourraient éclater à la fin de l'année lorsque les gouvernements de la zone euro devront donner leur avis sur la réforme des retraites en France, jugée très peu ambitieuse par les institutions internationales. C'est en effet à la condition de pratiquer des réformes structurelles que la France a obtenu un répit jusqu'en 2015 pour ramener son déficit sous la barre des 3% du PIB. Et la France, dont l'endettement devrait dépasser 93% du PIB fin 2013, n'est pas en position de force pour faire accepter par l'Allemagne sa proposition de lancer des euro-obligations, une revendication qui n'a aucune chance de se concrétiser dans un avenir prévisible, explique-t-on à Berlin. Même s'il se dit prêt à travailler avec n'importe quelle coalition, le gouvernement français verrait toutefois d'un bon oeil l'arrivée des sociaux-démocrates au pouvoir. "Avec le SPD, nous avons la garantie que certains sujets sur lesquels la CDU et le SPD ne viennent pas seront portés", explique un haut responsable français. Un ministre proche de François Hollande va plus loin. "Je n'espère qu'une chose, c'est que les sociaux-démocrates fassent le score le plus élevé possible pour pouvoir s'imposer dans une coalition, voire être en capacité de gouverner, parce que avec eux j'ai le salaire minimum", dit-il. Angela Merkel a en effet pillé le volet social du programme du SPD et promis d'augmenter allocations familiales et retraites, de créer un salaire minimum et d'investir des dizaines de milliards d'euros en infrastructures. Le salaire minimum européen, obsession des responsables français qui estiment que l'Allemagne fait du "dumping" dans le domaine agroalimentaire, est même évoqué dans la contribution franco-allemande adoptée fin mai. Mais alors que le SPD prône un smic général à 8,50 euros de l'heure, Angela Merkel parle d'un salaire minimum par branche, qui serait plus adapté à la situation économique allemande. "Un smic général, ce serait une rupture en Allemagne", souligne-t-on côté allemand. "Mais s'il y a une grande coalition, il y aura débat." Edité par Gilles Trequesser