Kerry ne lésine pas sur le français pour convaincre sur la Syrie

Le secrétaire d'Etat américain John Kerry n'a pas hésité à montrer sa maîtrise de la langue française samedi pour s'adresser à son homologue français Laurent Fabius, alors que la France est l'un des seuls pays susceptibles de se joindre aux Etats-Unis en cas d'intervention en Syrie. /Photo prise le 7 septembre 2013/REUTERS/Susan Walsh/Pool

par Arshad Mohammed et John Irish PARIS (Reuters) - Le secrétaire d'Etat américain John Kerry n'a pas hésité à montrer sa maîtrise de la langue française samedi pour s'adresser à son homologue français Laurent Fabius, alors que la France est l'un des seuls pays susceptibles de se joindre aux Etats-Unis en cas d'intervention en Syrie. S'exprimant en français pendant huit minutes dans un élégant salon du quai d'Orsay, John Kerry a refait l'histoire des relations franco-américaines à partir de la Révolution française, prenant soin d'atténuer les nombreuses disputes qui ont pu assombrir le ciel du couple transatlantique. "Lors de sa visite au général de Gaulle à Paris il y a 50 ans, le président Kennedy a déclaré, et je le cite, la relation entre la France et les Etats-Unis est d'une importance cruciale pour la préservation de la liberté dans le monde entier", a déclaré le chef de la diplomatie américaine devant les journalistes. "Et aujourd'hui, face aux attaques brutales des armes chimiques en Syrie, cette relation évoquée par le président Kennedy est plus cruciale que jamais", a-t-il ajouté. Pour ne pas être en reste, Laurent Fabius a brisé un tabou et s'est aussi exprimé en anglais alors qu'il n'avait pas hésité par le passé à tancer un journaliste qui ne s'était pas exprimé dans la langue de Molière - "Ici, monsieur, nous parlons français". "ILS DORMENT POUR TOUJOURS" Si le gouvernement français n'a pas besoin d'être convaincu de la nécessité de représailles ciblées contre le régime de Bachar al Assad après l'attaque au gaz neurotoxique du 21 août près de Damas, les Français ont sans doute besoin de l'être. Et dans ce contexte, l'effort d'un homme politique américain pour s'exprimer en français ne peut pas nuire. Selon un sondage Ifop publié samedi, 68% des Français se disent contre une intervention en Syrie. La maîtrise du français a été pour John Kerry un inconvénient lors de sa campagne présidentielle en 2004 parce que cela a pu alimenter une image d'appartenance à une élite aisée, ce qui a été exploité par son adversaire George W. Bush. Mais, en tant que chef de la diplomatie américaine, c'est un atout. Il s'est ainsi directement adressé à ses interlocuteurs français pour leur dire qu'il comprenait leur sensibilité à la question des armes chimiques compte tenu des attaques au gaz contre les poilus lors de la Première Guerre mondiale. "Quelques unes des toutes premières attaques létales aux armes chimiques ont eu lieu ici, sur le sol français, au cours de la Première Guerre mondiale et un grand nombre des premières victimes de ces armes mortelles et aveugles furent des jeunes soldats français, d'à peine dix-neuf ou vingt ans", a-t-il fait valoir. "Pourquoi est-ce que nous nous orientons vers les décisions qui sont évoquées ?", a pour sa part déclaré Laurent Fabius lors de la conférence de presse. "D'abord parce que nous avons la conviction totale que le responsable, c'est Bachar el Assad, il n'y a pas le moindre doute. (...) Il faut regarder ces images : des enfants allongés, avec des linceuls ; pas une blessure, pas une goutte de sang et ils sont là et ils dorment pour toujours." Danielle Rouquié pour le service français