Abyei vote massivement pour son rattachement au Soudan du Sud

ABYEI (Reuters) - Les habitants permanents d'Abyei se sont prononcés massivement jeudi pour le rattachement de cette région frontalière contestée au Soudan du Sud à l'occasion d'un référendum symbolique qui risque d'aliéner un peu plus les nomades arabes venus du Nord qui y font paître leurs troupeaux. Selon les résultats définitifs de cette consultation non contraignante, 99,9% des votants -il y avait environ 65.000 inscrits- ont déclaré vouloir être rattachés au Soudan du Sud, dernier-né des Etats indépendants d'Afrique qui a vu le jour en juillet 2011. Le référendum, dont les résultats avaient été récusés à l'avance à la fois par Khartoum et Juba, a été organisé par les anciens de cette région las d'attendre une consultation en bonne et due forme promise depuis longtemps par les gouvernants. Abyei est peuplé majoritairement de cultivateurs de l'ethnie Dinka Ngok dont la loyauté va au gouvernement de Juba. Elle est actuellement dotée d'un statut spécial et gérée par la Abyei Area Administration. "La population d'Abyei souffre depuis trop longtemps. Les gens sont marginalisés, maltraités et leurs droits sont bafoués. Ce jour est le leur", a commenté Deng Alor, président du haut-comité d'organisation du référendum. Le sort de cette région, dotée de riches pâturages et de maigres réserves pétrolières, n'avait pas été tranché lors de la déclaration d'indépendance du Soudan du Sud, qui a couronné une longue et meurtrière guerre civile. Abyei, qui fût le théâtre de durs affrontements pendant cette guerre, revêt toutefois une importance stratégique et symbolique pour les deux pays. Les Misseriya, qui font traditionnellement paître leurs troupeaux une partie de l'année à Abyei, n'ont pas participé au référendum et estiment que ce dernier n'a aucune valeur légale aux yeux des deux Soudans et de la communauté internationale. "Le référendum des Dinka Ngok et ses résultats ne nous concernent pas. C'est un processus illégal", a déclaré à Reuters par téléphone Mokhtar Babo Nimr, un chef tribal Misseriya. "Les Misseriya restent attachés à la position officielle du gouvernement soudanais. Abyei est une région du Nord qui appartient au Soudan. Nous l'habitons et nous continuerons à y vivre parce que c'est notre terre". A Khartoum, le gouvernement soudanais n'a toujours pas réagi mais à Juba, le porte-parole du ministère sud-soudanais des Affaires étrangères a fait savoir que son gouvernement ne reconnaîtrait pas les résultats du référendum. "La position du gouvernement demeure, même si les résultats donnent une préférence à un rattachement au Soudan du Sud, que nous n'avons rien à voir avec tout cela", a-t-il dit. Ilya Gridneff, avec Andrew Green à Juba et Khaled Abdelazize à Khartoum; Jean-Loup Fiévet pour le service français