ZFE : les véhicules polluants interdits dans de plus en plus de villes… en théorie

TRANSPORTS - C’est un gros cercle rouge sur fond blanc, avec inscrit au dessus « ZONE ». Ce panneau s’invite en ville et suscite interrogations et grognements. Il annonce les ZFE, les zones à faibles émissions : des secteurs où il est interdit de circuler avec un véhicule polluant… Du moins officiellement.

Leur entrée en vigueur est progressive, et a du mal à se faire accepter. Si bien que le Sénat a mis en place une mission d’information pour mesurer leur acceptabilité. Un questionnaire en ligne ouvert à tous pose une question simple : « Êtes-vous favorable à la mise en place des ZFE ? ».

La consultation se termine lundi 14 mai, et ses conclusions seront rendues publiques un mois plus tard. Des informations qui pourraient bousculer le développement des ZFE, alors que leur généralisation est prévue d’ici 2025 dans 43 agglomérations, dont Brest, Lille, Bordeaux ou encore Metz.

Crit’Air 1 et 2, seules rescapées

Actuellement 11 métropoles sont déjà concernées par les ZFE : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Rouen, Reims et Saint-Étienne. Des villes dans lesquelles la pollution de l’air était trop élevée. Un problème causé notamment par les émissions des voitures et qui a de graves conséquences sur la santé : en France, la mauvaise qualité de l’air tue plus que l’alcool. Face à ce constat, le gouvernement a fait le choix de créer ces fameuses zones.

Mise en place des ZFE sur le territoire français.
Mise en place des ZFE sur le territoire français.

Concrètement, circuler en ZFE requiert un certificat de qualité de l’air, les fameuses vignettes Crit’Air, définie en fonction des rejets émis par votre véhicule. Si vous avez une vignette Crit’Air 5, le plus fort niveau de pollution, ou aucune étiquette, vous ne pouvez pas circuler. Les véhicules Crit’Air 4 seront eux interdits en janvier 2024 (diesel avant 2006), puis les Crit’Air 3 (diesel avant 2011 et essence avant 2006) en janvier 2025.

Selon les arrêtés, frauder les ZFE est passible d’une amende de 68 euros pour les voitures, minorée à 45 € si paiement dans les quinze jours, et de 135 euros pour les poids lourds. Mais la réalité du terrain est bien plus nuancée, voire chaotique.

« Il va falloir une prouesse technique »

Les villes ont chacune leur manière d’aborder le sujet : alors qu’à Marseille 417 amendes ont été distribuées ces quatre derniers mois, la ville de Nice donne à l’inverse l’ordre à ses policiers municipaux de n’effectuer aucun contrôle. D’autres, comme Montpellier ou encore Reims, sont plus modérées et préfèrent faire de pédagogie pour le moment : des contrôles mais pas de verbalisations.

En novembre dernier, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu affirmait que des contrôles automatiques et généralisés seraient mis en place à partir de mai 2024. Concrètement, cela prendrait la forme de caméras de surveillance qui liraient les plaques d’immatriculation.

En réalité, le dispositif n’est pas près d’être installé, encore moins de fonctionner. Au-delà du problème des données personnelles et de l’acceptabilité d’installer des caméras partout en ville, le gouvernement a pris du retard. « L’État nous a annoncé qu’il n’y aura finalement pas de contrôles opérationnels avant 2025 pour l’ensemble des métropoles concernées par les ZFE » explique même au HuffPost Pia Imbs (DVC), présidente de la métropole de Strasbourg.

Installer un tel dispositif en quelques mois paraît en effet peu réaliste. « Pour le moment nous n’utilisons pas les systèmes de vidéosurveillance pour contrôler le respect de la ZFE, elles ne sont pas assez puissantes pour vérifier la présence des vignettes et leur nature. Il va falloir une prouesse technique pour le faire », nous précise une source de la préfecture de police de Paris.

Certains élus ne croient même plus à l’arrivée des contrôles à l’horizon 2025. « Le gouvernement me promet de m’envoyer ces radars depuis 2018, ils repoussent chaque année » souffle Jean Charles Kohlhaas (EELV), vice-président de la métropole de Lyon.

Multiples exceptions aux règles

L’heure est donc à la souplesse et à la prudence, avec plusieurs métropoles qui ont mis en place des exceptions aux règles. Lyon expérimente par exemple un pass ZFE, qui permet aux véhicules polluants de circuler 52 jours par an dans la ville. Il en va de même à Strasbourg et Toulouse. Montpellier a inventé de son côté le pass « Petit rouleur », et autorise ainsi les véhicules qui parcourent moins de 8 000 kilomètres par an à continuer de circuler dans la ZFE.

Si l’État et les métropoles elles-mêmes se montrent frileuses sur les contrôles et l’application stricte des ZFE, c’est par crainte d’un nouveau soulèvement social. Les ZFE rappellent à leur manière les taxes sur le carburant, qui avait déclenché la colère des gilets jaunes. Ici les plus précaires sont à nouveau les premiers concernés : 38 % des ménages les plus pauvres ont un véhicule classé 4 ou 5, contre 20 % des plus riches.

Le gouvernement a de son côté annoncé plusieurs mesures qui accompagnent la mise en place des ZFE : un bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique pour les ménages les plus modestes, une prime à la conversion renforcée et l’expérimentation d’un prêt à taux zéro pour l’acquisition d’un véhicule plus propre. Mais beaucoup critiquent un manque, celui de ne pas avoir intégré à son plan un budget pour développer les transports en commun et les rendre plus accessibles.

Malgré l’ensemble des critiques qui leur sont faites, les ZFE ont pourtant fait leurs preuves en termes de santé publique. Elles ont réussi à réduire les concentrations en dioxyde d’azote de Madrid, Amsterdam, Londres et Berlin. De son côté, l’État français a déjà été condamné 3 fois sur la pollution de l’air en 2017, 2021, et 2022. Pas sûr que les ZFE et leurs faiblesses actuelles changent de sitôt la donne.

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