Publicité

Zep sort une version revue et corrigée du "Guide du Zizi Sexuel": "J’ai appris à dessiner un clitoris"

Le dessinateur revient dans les librairies avec une version revue et corrigée de son célèbre Guide Zizi Sexuel, son manuel des Castors Juniors de l’amour et du sexe.

Pour la génération née dans les années 1990, ce livre a été l’équivalent de la Bible. Ce livre, c'est Le Guide du Zizi Sexuel de Zep et Hélène Bruller, grand succès de librairie vendu à plus de 1,5 million d’exemplaires. Dix-neuf ans après sa sortie, ce livre qui a permis aux lecteurs de Titeuf de découvrir la sexualité et l'amour, ressort dans une édition revue et corrigée, plus inclusive.

"On s’est rendu compte que le livre continuait à exister. Beaucoup de gens qui ont la trentaine maintenant l’achètent aussi pour leurs enfants. Il méritait vraiment une mise à jour", commente Zep, qui a ajouté des pages sur le cyberharcèlement, le consentement, la pornographie, l'homosexualité et la communauté LGBT+. La couverture, elle aussi, a été révisée. Zep a ajouté Nadia, là où la première édition montrait Titeuf seul.

Le trou de la discorde

Le Guide du Zizi Sexuel doit une partie de son succès à une page, celle où Hugo montre à Titeuf comment faire l’amour. Pour raconter cela, Zep a eu une idée toute simple: deux pages, l'une représentant un homme et l'une autre une femme. Au centre des personnages, un trou, et une invitation: "mets ton doigt ici".

Une phrase qui a fait fantasmer ceux qui ont eu 10 ans en l’an 2000. "Ça a rendu fou aussi Bolsonaro", s’amuse Zep en référence au président brésilien qui a accusé en 2018 Le Guide du Zizi Sexuel de "pervertir" la jeunesse de son pays. Il ajoute, plus sérieusement:

"J’adorais ce genre de bricolage. L’idée est venue assez vite. C’est un truc qui est vieux comme le monde. Je pense que tous les enfants ont dû faire ce genre de bricolage une fois. Ça marche toujours, comme les cadavres exquis. Ça fait partie du plaisir du dessin. Il fallait que ce livre soit d’abord ludique."

"Je ne me sens pas du tout sexologue"

Le Guide du Zizi Sexuel n’a jamais été imaginé comme un manuel pédagogique, mais comme un ouvrage fait pour s’amuser tout en apportant de "vraies réponses à de vraies questions". Selon Zep, le livre "n’aurait jamais rencontré le succès" s’il avait été juste un manuel pédagogique.

Le Grand Prix d’Angoulême n’avait pas prévu de devenir pédagogue: "Titeuf était un personnage qui parlait de l’enfance, mais qui n’était pas destiné aux enfants", précise-t-il. "Il s’est retrouvé malgré moi un héros des enfants et parce qu’il est le héros des enfants, on m’a souvent demandé de l’utiliser comme médiateur pour parler de sujets importants."

"Je ne me sens pas du tout sexologue", précise encore le dessinateur, qui a fait appel aux connaissances des Hôpitaux Universitaires de Genève pour la réédition du Guide. "J’ai besoin d’être entouré par les spécialistes. Je suis juste le gars qui fait les dessins rigolos pour vulgariser le sujet."

"Épater nos copains et impressionner les adultes"

Zep a imaginé son Guide du Zizi Sexuel avec la même liberté de ton que ses BD: "Je n’allais pas faire quelque chose de mièvre sous prétexte que c’était pour l’enfance", glisse-t-il. Il voulait retrouver l’esprit du Manuel des Castors Junior, un livre "bourré d’infos pour épater nos copains et impressionner un peu les adultes autour de nous."

L’amour et la sexualité se sont tout de suite imposés comme sujet. "Je trouvais que l’éducation sexuelle était toujours sous l’angle de la prévention: les pédophiles, les prédateurs, les problèmes de santé, les risques d’hygiène. Ce sujet devenait très anxiogène et je trouvais ça dommage. C’est important d'en parler, mais c’est aussi un sujet vachement rigolo qui promet plus du plaisir que des problèmes."

Désacraliser le sexe est le fil rouge de l’œuvre de Zep, de Titeuf à Happy Sex. Avec Titeuf, son ambition a toujours été de s’adresser aux adultes. Si Le Guide du Zizi Sexuel s’adresse principalement aux enfants, "il a été pas mal utilisé par les adultes comme un outil de dialogue avec leur enfant", assure-t-il.

"Je pense que Titeuf est hétéro"

Désormais ce sont les enfants des années 1990 qui le lisent avec leur progéniture. La réédition a pris en compte l’évolution des mœurs et de la société. Zep a ajouté une trentaine d’images. On y découvrir des dessins de Titeuf adolescent, mais aussi de nouvelles pages sur les personnes LGBTQI+ et trans.

"Le guide a dix-neuf ans et il y avait juste deux questions sur l’homosexualité. Ça restait assez peu abordé dans Le Guide. Aujourd’hui, les enfants de neuf ou dix ans entendent parler de tous ces termes. C’est important de les retranscrire dans le guide", indique Zep, conscient de l’importance que peut avoir son livre dans la quête identitaire des enfants. Le dessinateur prend l’exemple de ses personnages:

"Je pense que Titeuf est hétéro. Ça fait bientôt trente ans qu’il est amoureux d’une fille! J’ai assez peu de doute sur son identité sexuelle. Mais ses copains autour de lui sont à l’âge où les choses se déterminent. Je reçois souvent des courriers de gens qui me disent ‘je pense que tel personnage est homo, que tel personnage est bi’ Je ne sais pas si Vomito est asexuel ou si Manu est gay, mais je trouve ça marrant que les gens puissent projeter ça dans les personnages."

"J’ai appris à dessiner un clitoris"

Le Guide du Zizi Sexuel ressort en pleine ère numérique et post-#MeToo. Cyberharcèlement et pornographie occupent une plus grande place qu’en 2000. "La pornographie restait à l’époque dans les magazines. Elle existait sur Internet, mais les enfants y avaient peu accès", analyse Zep. "Aujourd’hui, avec leurs téléphones, ils sont tous allés voir des vidéos pornos. Ce qui a changé, c’est qu’il y a vingt ans, lorsqu’un enfant était confronté à de la pornographie, on était vachement inquiet. Il fallait presque l’amener chez le pédopsychiatre pour le débriefer." Il poursuit:

"Aujourd’hui, on n’a pas le temps. Je l’ai vu avec mes enfants: la plupart du temps, ça les fait marrer. Ils trouvent que les adultes sont dans des postures ridicules. C’est important de redire que c’est de la mise en scène - parce qu'autrement c’est leur principal éducateur sexuel. A l’adolescence, où on a très envie de ressembler à la norme, ils vont faire la même chose que ça sans forcément y prendre du plaisir - je ne dis pas que c’est forcément mal, mais il ne faut pas faire des choses où on se dénigre soi-même juste pour ressembler à une image qu’on croit être la réalité, et qui n’est pas la réalité."

Devenu un livre d'utilité publique, Le Guide permet aux enfants de s’y retrouver, raconte Zep: "c’est rassurant quand on a dix ans de voir que ce n’est pas honteux de poser ces questions, qu’elles existent et qu’il y a quelqu’un qui les comprend moins bien qu'eux: Titeuf." Zep, 52 ans, a lui aussi appris plus d’une chose grâce à cette réédition:

"J’ai appris à dessiner un clitoris, avec des gens qui sont des grands spécialistes du sujet. J’ai aussi appris que le clitoris était la zone du corps humain qui a le plus de terminaisons nerveuses. C’est important de le redire. Je fais partie d’une génération de gens qui ne savaient pas ce qu'était un clitoris. C’est très graphique. On dirait un super-héros, un oiseau de SF. Il pourrait être dans un album de Moebius."

Une histoire longue pour Titeuf

En dix-neuf ans, Zep a beaucoup changé. Son trait s’est arrondi. Et Titeuf n’est désormais plus son unique terrain d’activité. En parallèle du nouvel album de son héros à la houppette blonde, Zep dessine une nouvelle BD d’anticipation pour Rue de Sèvres. Prévue pour l’automne, elle portera sur le cerveau numérique.

"Je fais les deux en même temps", confie le dessinateur. "Un jour je dessine une page de Titeuf, et le lendemain une page de SF. C’est bien pour la main." Une manière de ménager sa main et d’alterner ses manières de dessiner. "J’entretiens mon matériel", sourit-il.

Titeuf revient en juin avec une histoire longue, mais Zep n’y parlera pas du confinement. "J’espère qu’on ne va pas vivre une nouvelle société où ça va devenir une réalité. Si c’est le cas, l’album suivra en parlera. Mais je ne pense pas que je vais m’amuser à dessiner tous les personnages masqués. Ce n’est pas très rigolo..."

Article original publié sur BFMTV.com