L'ex-président yéménite Saleh a été tué près de Sanaa

par Noah Browning et Sami Aboudi

SANAA/DUBAI (Reuters) - L'ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh a été tué lundi au sud de la capitale Sanaa, où ses partisans affrontent depuis cinq jours les miliciens chiites houthis, leurs anciens alliés.

Ali Abdallah Saleh, qui a dirigé le Yémen pendant 33 ans, s'était dit prêt samedi à "tourner la page" de ses relations conflictuelles avec l'Arabie saoudite, ce que les Houthis ont considéré comme une trahison.

Le secrétaire général adjoint de son parti, le Congrès général du peuple (CGP), Yasser al Aouadi, a également été tué lors de l'attaque du convoi routier où se trouvait Saleh, ont précisé à Reuters plusieurs sources au sein du CGP.

Selon des sources houthies, la voiture blindée de l'ancien président a été stoppée par un tir de roquette puis l'ex-président a été abattu.

Sa mort a été confirmée sur Facebook par son neveu et ancien chef des forces de sécurité, Yahya Mohammed Abdallah Saleh, qui le présente comme un "martyr".

Des images circulant sur les réseaux sociaux montrent un corps ressemblant à celui de Saleh, qui était âgé de 75 ans. On y voit des miliciens déroulant une couverture enveloppant le cadavre en criant "Dieu soit loué" et "Hé Ali Affach", l'autre nom de l'ancien président.

La chaîne de télévision à capitaux saoudiens Al Arabia a également diffusé des images d'un corps présenté comme étant celui de Saleh, avec une profonde blessure d'un côté de la tête.

Des habitants avaient auparavant rapporté que les Houthis avaient fait sauter la maison de l'ex-président dans le centre de la capitale. La mort de Saleh avait d'abord été annoncée par une radio houthie mais aussitôt démentie par le CGP.

JOURNÉE "HISTORIQUE"

Le chef des Houthis, Abdoul Malik al Houthi, a salué dans la mort de son rival une grande victoire contre la coalition conduite par les Saoudiens.

Il a félicité les Yéménites "en ce grand jour, exceptionnel et historique, qui a vu la défaite du complot et de la trahison, en ce jour de deuil pour les forces de l'agression".

Le soulèvement des partisans de Saleh, a ajouté le chef houthi, a représenté une terrible menace pour le pays mais a été écrasé en trois jours.

Il a précisé que son mouvement entendait maintenir le système républicain et n'avait pas l'intention de lancer une chasse à l'homme contre les membres du CGP.

Abdoul Malik al Houthi a par ailleurs réaffirmé que son mouvement avait récemment tiré un missile en direction des Emirats arabes unis, ce que ce pays a démenti.

Les Houthis avaient crié victoire avant même l'annonce de la mort de Saleh.

"Avec l'aide et l'approbation de Dieu, les forces de sécurité qui ont bénéficié d'un large soutien populaire ont pu hier soir nettoyer les zones où étaient déployées les milices de la trahison", a déclaré Mohammed Abdoul Salam, porte-parole des Houthis.

Les miliciens houthis, soutenus par l'Iran, et le CGP s'étaient alliés en 2015 pour faire face à l'intervention militaire d'une coalition conduite par l'Arabie saoudite visant à rétablir au pouvoir le président yéménite Abd-Rabbou Mansour Hadi, reconnu par la communauté internationale.

S'exprimant sur une chaîne de télévision saoudienne, Abd-Rabbou Mansour a appelé lundi les Yéménites à se soulever contre les Houthis

BOMBARDEMENTS SAOUDIENS

Lundi, des avions saoudiens ont bombardé pour la deuxième journée consécutive des positions des Houthis à Sanaa, pour venir en aide aux hommes de Saleh.

La chaîne de télévision des Houthis, Al Masirah, et des témoins ont rapporté que les miliciens chiites avaient occupé à Sanaa la résidence d'un neveu de Saleh, Tarek, un général qui est l'un des principaux soutiens de l'ancien président.

Selon la presse houthie et des sources politiques, les miliciens chiites progressent aussi vers le village natal de l'ex-président, près de Sanaa, où celui-ci possédait un palais fortifié.

Les Nations unies ont demandé un cessez-le-feu entre dix heures du matin et quatre heures de l'après-midi à Sanaa pour permettre à la population civile de quitter les zones de combat et assurer l'envoi d'une aide humanitaire.

Jamie McGoldrick, coordinateur de l'Onu au Yémen, a déclaré que les rues de Sanaa étaient devenues des "champs de bataille" inaccessibles aux travailleurs humanitaires.

Aux Nations unies, le secrétaire général Antonio Guterres a appelé les belligérants à mettre fin aux combats, qui se sont calmés dans l'après-midi de lundi.

Les combats et les frappes aériennes se sont intensifiées à Sanaa où les voies de circulation sont bloquées et où des chars ont été déployés, piégeant les civils et entravant l'acheminement de l'aide humanitaire.

Selon les Nations unies, certains des combats les plus violents se sont déroulées à proximité du quartier diplomatique et de leurs bâtiments. L'Onu déplore en outre la suspension des vols humanitaire à destination et à partir de Sanaa.

Selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), les affrontements ont fait au moins 125 morts et 238 blessés depuis mercredi. Le CICR précise que la nuit de dimanche à lundi a connu les pires combats depuis cinq jours, ce qui l'a forcé à retirer du pays treize de ses employés.

Les affrontements entre Houthis et partisans de Saleh illustrent l'extrême complexité de la situation dans le pays où l'Arabie saoudite et l'Iran se livrent à une guerre indirecte dans leur rivalité d'influence au Moyen-Orient.

(Avec Stephanie Nebehay à Genève; Jean-Stéphane Brosse et Guy Kerivel pour le service français)