XV de France: Massy, la pépinière bleue de Cameron Woki et Sekou Macalou

XV de France: Massy, la pépinière bleue de Cameron Woki et Sekou Macalou

"Rêver fort": c’est une formule appréciée du sélectionneur Fabien Galthié, c’est aussi la devise du Rugby Club Massy Essonne (RCME) affichée en grand au Stade Jules-Ladoumègue. Nous sommes à une quinzaine de kilomètres au Sud de Paris, et tout autant de Marcoussis. Le trajet entre le Centre national du rugby et le club massicois, les deux Mondialistes Sekou Macalou (28 ans) et Cameron Woki (24 ans) le connaissent bien. Aujourd’hui, leurs portraits avec le maillot du XV de France trônent dans un couloir du bâtiment administratif du RCME.

"C’est une très grande fierté, nous sommes très contents pour eux parce qu’ils ont fait ce qu'il fallait pour se retrouver en équipe de France et s'y maintenir, se réjouit Nicolas Gestas, le directeur général du club essonnien. C'est aussi une reconnaissance pour le club. J'espère qu’il y en a d'autres qui suivront. D'ailleurs, j'en suis persuadé.” Mathieu Bastareaud, Yacouba Camara, Grégory Lamboley ou encore Romain Millo-Chluski sont autant d’autres internationaux formés à Massy, dont les photos en Bleu sont affichées au club.

Pour Sekou Macalou, le rugby a commencé à l’opposé de la région parisienne, à Sarcelles (Val-d’Oise). "L'Île-de-France est un vivier parce qu’on travaille bien en collaboration entre clubs, donc le club de Sarcelles nous a sollicités parce qu’il ne pouvait plus apporter ce dont Sekou avait besoin, se remémore Jean-Baptiste Dimartino, l’actuel manager du RCME en Nationale (3e division) et ancien directeur de la formation. Quand il est arrivé chez nous, Sekou était encore un potentiel brut, c'était un athlète mais pas un rugbyman. Il a trouvé ici le cadre et le niveau de compétition qui lui ont permis de franchir les différentes étapes. En Île-de-France, beaucoup de nos joueurs sont issus de la banlieue et quand tu viens de cet univers-là, avec tes potes, ta famille, beaucoup sont attachés à cela et se sentent dans le confort à Massy en restant dans cet environnement-là. C'était je crois le cas pour Sekou.”

"Sekou, tout lui glissait dessus"

Le jeune Sekou Macalou traverse donc, à 16 ans, l’Île-de-France du Nord au Sud, pour entrer en internat et intégrer pleinement la structure de formation de Massy. “Il a été pris en charge au quotidien, et en tant que responsable de la formation je participais au suivi scolaire avec les professeurs et les CPE, raconte Jean-Baptiste Dimartino. Cela n'a pas été de de tout repos avec Sekou, qui avait besoin qu'on soit derrière lui pour se motiver sur le plan scolaire."

Au cours de ses quatre années passées à Massy, Sekou Macalou a monté les échelons, jusqu’à jouer en équipe première, en Fédérale 1 puis en Pro D2. Baky Meïté a été témoin de ses débuts avec les pros: "Quand il est arrivé avec nous, on a tout de suite vu qu'il avait quelque chose de différent, se souvient celui qui était également troisième ligne à Massy à l’époque. En voyant ce qu'il faisait sur le terrain, mais aussi son calme en dehors, on avait l'impression que tout lui glissait dessus."

"Il avait ce côté nonchalant, parfois cela prêtait à sourire. Il pouvait arriver deux minutes et demi avant le début de l'entraînement et derrière sortir un entraînement de feu. C'est Sekou!"

Des souvenirs qui rejoignent ceux de son ancien formateur Jean-Baptiste Dimartino: "Quand il est arrivé chez les seniors, iI n'a pas fait sa place par rapport à son exigence, il n'arrivait pas avant les autres mais il a gagné sa place avec ses qualités rugbystiques. C'était quelqu'un de plutôt très discret, et il avait besoin de se sentir bien avec les joueurs à ses côtés, de jouer avec ses potes, c’était très marquant chez Sekou. Il avait le sens de la connerie, mais discrète, bien placée."

Après une vingtaine de matches avec l’équipe première de Massy, Sekou Macalou rejoint à 20 ans le Stade Français. C’était en 2015 et le troisième ligne y évolue toujours. Baky Meïté a retrouvé cette personnalité attachante en jouant également pour le club parisien, ce qui lui a permis de jauger son évolution, et de louer une polyvalence précieuse avec cette capacité à dépanner comme ailier.

"Cela arrive quand on est jeune ou amateur, mais cette polyvalence amenée au plus haut niveau, c’est exceptionnel, s’enthousiasme Baky Meïté. Pas mal de monde a voulu l’enfermer dans un rôle d'athlète sauf qu’aujourd'hui Sekou est un excellent défenseur, il gratte des ballons. Je ne lui vois clairement pas beaucoup de défauts. L’année qu'on a partagée au Stade Français, toutes les touches étaient pour Sekou et il n’en perdait vraiment pas beaucoup parce qu’il a ces qualités d'explosivité, de lecture. Au début, ça il ne l'avait pas, mais il a clairement progressé là-dessus."

Après une petite vingtaine de matches ensemble, les deux coéquipiers de la troisième ligne sont restés amis. Baky Meïté était par exemple invité par l’international tricolore lors du test-match à Nantes face aux Fidji. "D'avoir pu partager des moments avec lui sur le terrain et de voir son évolution, c'est vraiment quelque chose d'incroyable. On a une relation, où on se parle quasi tous les jours par message mais c'est très rare qu'on parle rugby, on parle de plein de sujets, de nos passions communes comme le basket. C’est un gars simple, casanier, et il a toujours gardé ce côté où tout lui glisse dessus en fait. Mes garçons, quand ils voient “tonton” à la télé, ils sont super contents. Si Sekou Macalou peut être champion du monde, bah ouais, on sera fiers!"

Woki, "un destin rugbystique plus tracé"

Comment Massy arrive-t-il à se faire une place parmi des clubs de Top 14 ou de Pro D2 comme un modèle de formation? "On a su faire faire perdurer quelque chose initié depuis longtemps et parmi les premiers en Île-de-France: se structurer en termes de moyens humains sur la préformation, c'est-à-dire en amont du centre de formation, être capable de proposer une vraie structure avec des moyens humains dédiés pour prendre en charge quotidiennement avec de l'hébergement et du suivi scolaire dès l'âge de 14 ans, répond Jean-Baptiste Dimartino. Maintenant, tout le monde s'y est mis, on n’est plus tout seul mais c'est ce qui nous a permis d'avoir une vraie attractivité."

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Baky Meïté est lui intervenu dans l’école de rugby massicoise pendant son passage au club: "On connaît l'histoire avec Alain Gazon (ancien formateur du club pendant 33 ans, jusqu’en 2008) qui avec sa camionnette allait dans les cités pour récupérer les gamins et les amener au rugby. C'était il y a 20 ans mais aujourd’hui, ça continue autrement. Il faut rendre la part belle franchement aux éducateurs. J'ai joué 5 ans à Massy et je peux dire que c'est un club comme il n’y en a pas ailleurs en France."

Cameron Woki a lui trois ans de moins que Sekou Macalou, ils n’ont donc pas joué ensemble à Massy mais se retrouvent aujourd’hui en Bleus. Le deuxième ligne avait commencé le rugby lui aussi dans le Nord francilien, à Bobigny (Seine-Saint-Denis), grâce à son grand frère. "Cameron est venu me voir à un entraînement quand j'étais petit, se rappelle Marvin Woki. Il a vu que j'ai kiffé, alors il a dit: 'moi aussi je veux faire du rugby'. Et le voilà aujourd’hui en équipe de France."

Marvin rejoint les structures de formation de Massy, et Cameron le suit dans l’Essonne. "Cameron, on l’a eu dès les minimes, mais il est rentré très vite au Pôle Espoirs Lakanal de Sceaux donc on ne l’avait pas au quotidien, précise son ancien formateur à Massy Jean-Baptiste Dimartino. Il avait un destin rugbystique un peu plus tracé que Sekou puisque très tôt, il a été repéré et intégré aux structures fédérales. Je pense qu'il avait verbalisé plus tôt des aspirations professionnelles que Sekou, qui lui vivait davantage les choses au jour le jour." Marvin Woki se souvient de cette époque commune passée à Massy, avec son frère cadet: "J'ai essayé d'ouvrir quelques portes. J'ai essayé d'atteindre le niveau qu'il a eu, c’est-à-dire que j’avais essayé d’entrer aussi au pôle Lakanal mais je n’ai pas réussi, lui derrière l’a fait et ainsi de suite, en équipe de France U16 et après il n’a pas lâché. Je suis content de lui et s’il continue à bosser comme ça, il va faire de très grandes choses."

Sans avoir pu jouer une saison pleine avec l’équipe première de Massy, Cameron Woki est parti à l'Union Bordeaux-Bègles pour signer son premier contrat professionnel, à 18 ans. Les deux frères ont été dispersés dans l’Hexagone au gré de leurs carrières respectives, mais aujourd’hui, ils sont réunis en Île-de-France avec Cameron au Racing 92 et Marvin qui s’est engagé à Suresnes, en Nationale, cet été.

"On a deux ans d’écart et on a toujours été très proches, il regarde souvent mes matches et il vient quand il peut", dit Marvin.

"On est tout le temps ensemble comme deux faux jumeaux, et on est complémentaires. Cameron est assez réservé, mais quand il est avec ses potes ou sa famille, il se lâche et il profite au maximum." Cameron Woki est dans les 33 Bleus pour cette Coupe du Monde, titulaire pour le match d’ouverture face à la Nouvelle-Zélande, et pour son frère aîné également rugbyman, c’est forcément une fierté supplémentaire. "Je rêve à ses côtés de le voir porter ce maillot bleu, surtout qu'il le porte bien, ajoute Marvin Woki. Il a fait partie des joueurs qui ont participé à la longue invincibilité du XV de France. Commencer une Coupe du monde en prime en France, toute la famille est fière et maintenant on veut que cela perdure pour, si possible, qu’on garde cette Coupe à la maison!" Selon le calendrier de ses matches avec Suresnes, Marvin Woki fera au mieux pour se rendre aux matches des Bleus. Du côté de Massy, le club a installé un écran géant dans son Stade Jules Ladoumègue pour suivre les rencontres dans une fan zone ouverte à tous.

Article original publié sur RMC Sport