Ximénès Doudan le magnifique

Ximénès Doudan (1800-1872), considéré comme un Saint-Simon de son temps. - Credit:
Ximénès Doudan (1800-1872), considéré comme un Saint-Simon de son temps. - Credit:

«Le plus aimable des esprits », résumait Thiers. « Fantasio, gracioso, rêveur qui a des vivacités, misanthrope riant, désabusé qui plaisante », complétait Barbey d'Aurevilly. Gageons que le nom de Ximénès Doudan (1800-1872) soulèvera quelques sourcils. Nom admirable, comme son propriétaire, révélé momentanément en 1876 par quatre volumes de Mélanges et lettres – qui firent l'admiration de Nietzsche, de Pasteur, de Proust –, parfois comparés à du Saint-Simon ou à du Mme de Sévigné. Jusque-là, l'épistolier avait prodigué son esprit dans le cercle très fermé des De Broglie ; il y vécut plus de quarante ans, précepteur du fils de Mme de Staël, puis des rejetons de l'illustre famille.

On doit à Laurent Theis, biographe de Guizot, d'exhumer et de faire briller cette perle délicate de la monarchie de Juillet, « directeur des consciences littéraires », qui œuvra dans les cabinets du prince Victor de Broglie, chef du gouvernement. « Vous êtes bien bon de vous apercevoir de mon silence. Il est déterminé, à mon grand regret, par une atonie notable de l'intelligence. Vous comprendrez que me sentant stupide, je deviens encore beaucoup plus timide à vous fatiguer de moi ; mais puisque vous voulez bien me supporter tel quel, je me propose d'abuser à l'avenir de votre permission. » On comprend que Proust raffolait de tant de précautions. Mais l'aimable avait aussi la plume aiguisée : « Voyez M. de Lamartine : il a deux ailes, l'une de cygne, qui est l'imagination, l'autre [...] Lire la suite