Wall Street: Les interrogations sur les valorisations se précisent

par Lewis Krauskopf

NEW YORK (Reuters) - Avec la montée des taux d'intérêt et des taux de rendement obligataires, certains investisseurs, devenus par ailleurs soucieux vis-à-vis d'une inflation qui n'est plus aussi discrète, se demandent s'il n'y aurait pas lieu de revoir les valorisations boursières et ce dans le sens d'une réduction.

"On aura encore de bons résultats de sociétés", observe Jim Paulsen (The Leuthold Group). "Le problème est qu'on va perdre de la valeur attachée à ces résultats".

La publication vendredi de la statistique de l'emploi de février aux Etats-Unis pourrait constituer un test des valorisations. Celle de janvier avait mis en lumière une étonnante poussée salariale qui avait fait craindre une résurgence inflationniste, provoquant une vive montée des rendements obligataires et une dégringolade de la Bourse.

"Les taux d'intérêt fixent la décote de ce qu'on veut retirer en valorisant une société donnée et, globalement, avec des taux d'intérêt plus hauts, on doit avoir des PER (price-to-earnings ratio, rapport du cours de l'action aux résultats anticipés d'une société donnée) plus bas en tant que 'fair value'", observe Rick Meckler (LibertyView Capital Management).

"On est moins disposé à payer des multiples plus élevés sur les actions dont le taux de décote continue de monter".

Le PER de l'indice S&P-500 était de 18,6 fin janvier, le plus élevé depuis une quinzaine d'années, selon Thomson Reuters Datastream. Après le coup de tabac du début février, le PER était passé à 17.

La moitié des retours sur l'indice S&P-500 était le fruit d'une hausse des PER l'an passé - c'est-à-dire que les investisseurs étaient prêts à payer plus pour les futurs résultats des sociétés - grâce à l'optimisme ambiant relatif à la conjoncture économique mondiale, explique Michael Arone (State Street Global Advisors).

Mais l'envie "de payer encore plus pour ces résultats commence sans doute à passer", ajoute Arone.

La bonne nouvelle pour les investisseurs est que les bénéfices des sociétés composant l'indice S&P-500 sont attendus en hausse de 19,2% cette année, la plus forte depuis celle de 40,3% de 2010, lorsque les Etats-Unis commençaient à émerger de la crise financière, selon Thomson Reuters I/B/E/S.

Si on examine les six années durant lesquelles la croissance des bénéfices du S&P-500 a dépassé 15%, tout en ayant une hausse du rendement de l'emprunt du Trésor américain à 10 ans et une remontée des taux d'intérêt opérée par la Réserve fédérale, on s'aperçoit que les PER ont diminué à l'exception d'une seule année mais aussi que l'indice était parvenu à réaliser des gains, constate Keith Lerner (SunTrust Advisory Services).

Ce dernier pense que Wall Street pourra conserver un PER de l'ordre de 16, plus bas que l'actuel mais au-dessus de la moyenne à long terme du S&P-500 qui est de 15, au vu des données de Datastream.

Malgré la récente correction, Wall Street dégagera une hausse de plus de 8% cette année, selon des stratèges de marché interrogés par Reuters cette semaine.

"Si les taux continuent d'augmenter comme ça, on peut sans doute avancer l'hypothèse d'une contraction (des multiples)", dit Mona Mahajan (Allianz Global Investors). "Mais ce sera compensé par une forte croissance (des résultats)".

Paulsen, qui se demande si l'inflation va augmenter de façon plus affirmée, juge lui que les actions sont peut-être survalorisées et précise que le Leuthold a récemment réduit son exposition aux actions dans ses principaux fonds.

"Nous avons donné naissance à une nouvelle génération d'investisseurs qui a rarement vu une inflation qui atteigne ne serait-ce que 3%", dit-il.

"Si un supplément de croissance produit aussi des répercussions négatives, quelle que puisse être par ailleurs la durée de la reprise, cela crée un environnement très différent".

(Wilfrid Exbrayat pour le service français)