Wall St rattrapée par les doutes sur le commerce et l'économie

par Marc Angrand

PARIS (Reuters) - La Bourse de New York a fini dans le rouge jeudi, les craintes que les Etats-Unis et la Chine ne parviennent pas à conclure un accord commercial avant la date-butoir qu'ils se sont fixée étant venues s'ajouter aux inquiétudes liées au ralentissement de la croissance mondiale.

L'indice Dow Jones a perdu 220,77 points, soit 0,87%, à 25.169,53 après être tombé au plus bas en séance à 25.000,52.

Le S&P-500, plus large, a cédé 25,56 points, soit 0,94%, à 2.706,05 et le Nasdaq Composite a reculé de 86,93 points, soit 1,18%, à 7.288,35.

Le S&P-500 a perdu jusqu'à 1,62% en milieu de journée mais l'enfoncement du seuil technique des 2.700 points a sans doute favorisé des rachats, a expliqué Michael Antonelli, directeur du trading institutionnel chez Robert W. Baird.

Donald Trump a dit à des journalistes qu'il ne prévoyait pas de rencontrer son homologue chinois, Xi Jinping, d'ici au 1er mars, la date limite fixée par les Etats-Unis et la Chine pour conclure un accord commercial, confirmant ainsi des déclarations de plusieurs sources dans son entourage.

Avant même ces informations, la tendance à Wall Street était mal orientée après la révision à la baisse des prévisions économiques de la Commission européenne et de celles de la Banque d'Angleterre (BoE).

Cette dernière estime que l'économie britannique pourrait connaître cette année sa croissance la plus faible depuis dix ans à cause du Brexit et du ralentissement mondial.

"On a vendu toute la journée. La peur a commencé ce matin avec les nouvelles en provenance d'Europe montrant que la croissance de l'UE ralentit", a expliqué Dennis Dick, responsable du trading pour compte propre chez Bright Trading.

"On a monté pendant un mois avec très peu de replis. L'Europe a donné le coup d'envoi de la baisse ce matin, puis il y a eu les répercussions des nouvelles sur Trump et on s'est subitement retrouvé avec sur les bras un mouvement vendeur qui couvait depuis un moment."

Les volumes d'échanges ont atteint 7,82 milliards de titres, contre 7,49 milliards en moyenne sur les 20 séances précédentes.

VALEURS

Tous les grands indices sectoriels S&P ont fini dans le rouge à l'exception des compartiments défensifs que sont l'immobilier (+0,80%) et les services aux collectivités ("utilities") (+1,27%).

A l'opposé, les replis les plus marqués ont touché des secteurs sensibles à l'évolution de la croissance mondiale, comme les matières premières (-1,39%), l'énergie (-2,13%) ou les hautes technologies (-1,44%).

L'indice Philadelphia SE Semiconductor a cédé 2,24%. Le secteur des semi-conducteurs est considéré comme l'un des plus exposés à la Chine.

Dans l'actualité des résultats, Twitter a chuté de 9,84% après avoir présenté une prévision de chiffre d'affaires pour le trimestre en cours inférieure aux attentes du marché et fait état d'une baisse du nombre des utilisateurs de son réseau sur octobre-décembre.

Autre titre lourdement sanctionné: celui de Fiat Chrysler Automobiles, qui a cédé 12,22% après des prévisions 2019 jugées décevantes.

Aux fusions-acquisitions, la banque régionale BB&T a gagné 3,98% après l'annonce du rachat de sa concurrente SunTrust Banks (+10,18%) pour environ 28 milliards de dollars (24,7 milliards d'euros) en actions, la plus importante opération de concentration dans le secteur depuis 2009.

LES INDICATEURS DU JOUR

Aux USA, les inscriptions au chômage ont diminué moins qu'attendu sur la semaine au 2 février, à 234.000 contre 253.000 la semaine précédente.

LA SÉANCE EN EUROPE

La révision à la baisse des prévisions économiques de la Commission européenne et de la Banque d'Angleterre ont fait reculer les Bourses européennes tandis que plusieurs grandes valeurs étaient lourdement sanctionnées après des résultats inférieurs aux attentes du marché.

À Paris, le CAC 40 a perdu 1,84%, sa plus forte baisse en pourcentage sur une séance depuis le 6 décembre, pour clôturer à 4.985,56 points, le Dax allemand a cédé 2,67% et le Footsie britannique 1,11%. L'indice EuroStoxx 50 a abandonné 1,93%, le FTSEurofirst 300 1,28% et le Stoxx 600 1,49%.

Le secteur automobile a reculé de 4,88%, plombé par Fiat Chrysler (-12,20% à Milan).

Publicis a chuté de 14,84% après la baisse inattendue de son chiffre d'affaires au quatrième trimestre. Mais la pire performance du Stoxx 600 est pour TUI, le premier voyagiste européen, dont la capitalisation a fondu de 19,34% à Londres après l'abaissement de ses prévisions annuelles.

TAUX

La perspective d'un ralentissement de la croissance dans la zone euro et au Royaume-Uni et le regain d'inquiétude sur le différend commercial sino-américain ont incité les investisseurs à se replier sur le marché obligataire, faisant reculer les rendements des bons du Trésor américain pour la troisième séance consécutive.

En fin de journée, celui des titres à dix ans cédait près de cinq points de base à 2,657% et celui du 30 ans reculait de quatre points pour repasser sous 3%.

En Europe, le rendement du Bund allemand à dix ans a touché, à 0,105%, son plus bas niveau depuis novembre 2016 avant de remonter à 0,113%. Dans son sillage, le dix ans français a touché un plus bas de plus deux ans à 0,543%.

CHANGES

Le dollar a profité de la perspective d'un ralentissement plus marqué encore qu'attendu de la croissance en Europe, illustrée en tout début de journée par l'annonce d'une baisse inattendue de la production industrielle allemande en décembre.

En fin de séance à New York, la monnaie unique se traitait autour de 1,1337 dollar, en baisse de 0,2%, après être tombé à 1,1321, son plus bas niveau depuis le 25 janvier. Elle accuse désormais quatre séances consécutives de repli.

Le billet vert prenait alors 0,2% face à un panier de devises de référence, enregistrant ainsi sa sixième séance consécutive de hausse.

La livre sterling a quant à elle cédé jusqu'à plus de 0,5% face au dollar avant d'effacer ses pertes et de remonter vers 1,2970 dollar (contre 1,2855 au plus bas) grâce aux propos du gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, assurant que la croissance et l'inflation se redresseraient en cas d'accord entre Londres et Bruxelles sur les modalités du Brexit.

Sa remontée a été moins marquée face à l'euro, contre lequel elle a cédé plus de 0,3%.

PÉTROLE

Les cours du pétrole ont terminé en net repli, le retour au premier plan des inquiétudes sur le commerce international et la croissance mondiale étant venues s'ajouter à la hausse des stocks aux Etats-Unis.

Le contrat mars sur le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) a perdu 1,37 dollar, soit 2,54%, à 52,64 dollars le baril et le Brent a cédé 1,0 dollar (1,6%) à 61,69 dollars.

A SUIVRE VENDREDI :

La journée de vendredi sur les marchés sera animée entre autres par les résultats publiés jeudi soir par L'Oréal et par la publication du chiffre d'affaires annuel d'Hermès.

(Avec April Joyner et Terence Gabriel à New York et Medha Singh à Bangalore)