"Un voyage au Gouinistan": avec "La Graine", la France s'offre une comédie burlesque sur la PMA

Après cinq tentatives de PMA, un couple de lesbiennes se rend en Belgique pour un ultime essai. Confrontées sur place à une pénurie de sperme, qu'un chercheur tente d'endiguer en diluant les spermatozoïdes restant dans l'eau, elles se lancent dans une quête folle à travers le plat pays pour trouver le donneur idéal.

Ce n'est pas une blague belge, mais l'histoire de La Graine, une comédie romantique aussi loufoque que touchante, l'une des premières à aborder en France le sujet de la PMA - près de deux ans après son ouverture à toutes les femmes dans l'Hexagone. Disponible sur Prime Video à partir de ce mercredi, ce film réalisé par Eloïse Lang (Connasse, Larguées) met en scène Marie Papillon, Stacy Martin et François Damiens.

"Le film est né d'un récit d’une journaliste du New York Times qui raconte son parcours avec sa compagne pour avoir un enfant", raconte Éloïse Lang. "Elle avait plein d’anecdotes folles."

"C'était tellement absurde, ces obstacles, ce chemin de croix, qu'Éloïse y a vu de la comédie", ajoute Pauline Mauroux, la co-scénariste du film.

"Mélange de vérité et de n'importe quoi"

Ce point de départ leur a offert une galerie de personnages loufoques, propices à une comédie, comme ce chercheur diluant le sperme dans l'eau (évidemment joué par François Damiens) ou ce fils de bonne famille obsédé par sa ligne qui mène une double vie de gourou et donne son sperme à toute la Belgique (Guillermo Guiz).

"Il y a dans le film un mélange d'ultra vérité et d'ultra n'importe quoi", précise Éloïse Lang, qui aborde également la réalité financière de la PMA. "Je me suis inspirée aussi de ces commerciaux qui vont dans les universités pour recruter des donneurs de spermes. Je me suis demandée comment ils pouvaient aborder les clients."

Chaque personnage rencontré par les héroïnes symbolise un obstacle, et une leçon dans leur parcours de vie. "Ce que raconte le film, c'est que face à des systèmes et des complications, on doit toujours trouver des solutions", commente Pauline Mauroux. "Il faut continuer d'avancer."

"Des héroïnes hyper fortes, inarrêtables"

C'est par ailleurs le rythme emprunté par La Graine, qui enchaîne sans temps mort les péripéties.

"L'histoire rebondit toujours, ne s'arrête jamais, parce que le processus de PMA est épuisant", analyse Pauline Mauroux, avant de préciser que "le grand antagoniste" de cette histoire, qui ralentit ses héroïnes, est "le système".

Avec Eloïse Lang, elle a imaginé justement "des héroïnes hyper fortes, inarrêtables", inspirées par des stars de comédies américaines, comme Kate McKinnon, vue dans Saturday Night Live, ou Ilana Glazer et Abbi Jacobson, les stars de la série Broad City. "Elles ont décidé de vivre leur vie comme elles l'entendaient."

La réalisatrice s'est mise "beaucoup de pression" pour trouver "un couple auquel on croit". Elle a eu "un coup de foudre" pour Marie Papillon, dont elle salue "l'énergie" et la "sincérité folle". Stacy Martin l'a séduit avec son humour "très british, très pince-sans-rire". "Aucune ne prend le soleil à l'autre", se réjouit Pauline Mauroux.

"Le film s'est fait assez rapidement"

Malgré son sujet inédit, qui a pu leur fermer "quelques portes", La Graine s'est monté "assez rapidement", confirme Pauline Mauroux. "On a pu avoir des discussions qu'on n'aurait jamais eues si c'était un couple hétérosexuel, ou juste deux sœurs. On a eu les obstacles qu'on a toujours sur des films qui traitent de ces sujets."

Comme un écho de ces difficultés, la miniature choisie pour la bande-annonce officielle, sur la chaîne YouTube de Prime Video, ne montre pas le couple de lesbiennes, mais le personnage de François Damiens, posant devant sa voiture et une Marie Papillon pleine de stupeur.

Voir Pathé, un des studios les plus puissants de France, soutenir ce projet, reste toutefois un symbole fort, surtout l'année d'Astérix et des Mousquetaires. "Pathé prend des risques en proposant un film comme ça", souligne la scénariste. Sans compter que sa disponibilité sur Prime lui permet de "toucher plus de monde", glisse Éloïse Lang.

"Dire que le Gouinistan existe"

Au-delà du voyage de ses héroïnes, La Graine est surtout une véritable comédie romantique queer, comme il existe peu en France, à l'exception notamment d'Embrasse-moi (2017) et Trois nuits par semaine (2022).

"On s'est mis beaucoup de pression", assure Eloïse Lang. "Il y a une pression à représenter des gens qui le sont peu."

La Graine contient ainsi de nombreuses références à la culture lesbienne. Le mot "Gouinistan" y est prononcé - peut-être pour la première fois dans l'histoire du cinéma français? Ce terme, employé par les lesbiennes, et qui sert à désigner leur communauté, a été sciemment placé dans le film.

"Il y a une visibilisation de la culture lesbienne de plus en plus importante. On trouvait important de marquer le coup, de dire que le Gouinistan existe", insiste Pauline Mauroux.

"Avec Pauline, on avait cette volonté de proposer aussi un voyage au Gouinistan. Ça vaut le coup, car c'est un univers génial", s'exclame Éloïse Lang.

"Un endroit où tu peux te sentir bien"

Le film fait aussi référence à la Coupe Bernard Tapine, "un événement annuel sur Paris où des lesbiennes s'affrontent en faisant du foot au five", rappelle Pauline Mauroux. "Évoquer le Gouinistan, ça implique qu'il y a un endroit où tu peux te sentir bien si tu ne te sens pas encore bien dans qui tu es."

Pour autant, La Graine s'adresse au plus grand nombre: "Il fallait que les gens qui n'y connaissent rien ne se sentent pas largués, parce que ce n’est pas le but, et que les gens concernés sentent qu'il y ait des petites pépites rien que pour elles. Ce film, c'est un point de rassemblement, de convergence."

Pour cette raison, La Graine élude complètement la question du coming out, d'ailleurs souvent traitée au cinéma. "Les gens sont prêts", tranche Éloïse Lang. "C'est juste un couple. C'est un film sur l'amour et le couple. J'essaye de faire des films feel good, dans lesquels on se retrouve dans une espèce de bulle, et qui font un peu réfléchir."

Article original publié sur BFMTV.com