Vote décisif après le désaveu sur la révision constitutionnelle

PARIS (Reuters) - L'adoption de justesse de l'extension de la déchéance de nationalité mardi soir par des députés de gauche et de droite très divisés menace la révision constitutionnelle voulue par François Hollande et sonne comme un désaveu pour le chef de l'Etat et son Premier ministre. Le président a réaffirmé mercredi en conseil des ministres son souhait de voir la réforme votée à l'Assemblée en soulignant que ce texte contesté avait pour vocation de "protéger les Français" et d'"assurer le rassemblement et l'unité nationale", a rapporté le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll. L'article 2 qui prévoit la déchéance a été adopté avec une marge de seulement 14 voix (162 voix contre 148) malgré les mises en garde répétées de Manuel Valls à son camp sur le risque de fragilisation du président.‎ Ce vote et le rejet par 145 voix contre 108 députés, dont 87 députés socialistes, d'un amendement d'Olivier Faure (PS) qui transformait la déchéance de nationalité en une déchéance nationale ont mis en lumière une opposition dans les rangs socialistes plus large qu'escompté et une division des Républicains plus profonde qu'il n'y paraissait, alors que leur président, Nicolas Sarkozy, avait appelé à voter le texte‎. Ainsi, en ce qui concerne le vote sur l'article 2, 119 députés socialistes ont voté pour, 92 ont voté contre et dix se sont abstenus; 32 députés "Les Républicains" ont voté pour et 30 ont voté contre tandis que six se sont abstenus. Le groupe UDI a majoritairement voté pour alors que celui des écologistes a massivement voté contre, tout comme celui du Front de gauche. Celui des radicaux de gauche s'est divisé en votes pour, contre et abstention. L'"INCONFORT PHILOSOPHIQUE" DE MACRON L'issue du vote solennel du texte de révision constitutionnelle, prévu à 16h15 ce mercredi à l'Assemblée, dira si le chef de l'Etat peut tabler sur une majorité des trois cinquièmes de l'ensemble des parlementaires réunis en Congrès, une fois vérifiée l'hypothèse d'une adoption du texte par le Sénat dans les mêmes termes. Pour la frondeuse socialiste Aurélie Filippetti, qui a voté contre, le vote de mardi soir sonne le glas des espérances de l'exécutif et marque une "fracture très grave au sein du vote socialiste". "Ça veut dire que ce projet d'inscrire la déchéance de nationalité dans la Constitution ne sera pas voté en Congrès à Versailles", a dit la députée sur France Info. Aurélie Filipetti a souligné que le ministre de l'Economie Emmanuel Macron avait critiqué mardi soir la déchéance de nationalité lors d'une conférence organisée par la Fondation France-Israël. "On a prêté trop d'importance à ce débat", a jugé l'un des ministres les plus populaires du gouvernement, selon les propos rapportés par Le Figaro.fr. "J'ai, à titre personnel, un inconfort philosophique avec la place que ce débat a prise. (...) On ne traite pas le mal en l'expulsant de la communauté nationale", a-t-il ajouté. Ces propos, qui ont ajouté à l'ire de Manuel Valls, selon des sources parlementaires, ont galvanisé les frondeurs. Mais l'entourage d'Emmanuel Macron avance que les propos du ministre ont été mal interprétés, précisant qu'il ne s'était pas exprimé "contre la mesure qui a été votée" mais contre ce qu'est devenu le débat. "Il est gêné par le débat qui est devenu un débat sur l'identité, il dit qu'il faut remettre le débat à sa place, qui est un débat sur le terrorisme", a-t-on expliqué. "LE CONGRÈS EST MORT-NÉ" Emmanuel Macron avait déjà marqué sa différence avec la ligne du Premier ministre sur le terrorisme le 18 novembre dernier, cinq jours après les attentats de Paris, jugeant que la société française, en "fermant la porte", avait "une part de responsabilité" dans le "terreau" de prospérité du terrorisme. L'ancien président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer (Les Républicains) a jugé mercredi que le Congrès voulu par François Hollande était "mort-né", la majorité des 3/5e des parlementaires étant "inatteignable". "Je pense que le gouvernement ne fera pas convoquer le Congrès, encore une fois il n'y a pas de possibilité qu'il soit adopté à la majorité exigée par la Constitution", a-t-il dit sur RFI. Le président du groupe socialiste Bruno Le Roux a dit "espérer" au contraire que l'Assemblée "sera mobilisée largement" mercredi pour renverser le courant. "Aujourd'hui nous allons voter sur le texte global, un texte de protection de la Nation, il porte bien son nom, et je pense que l'Assemblée nationale sera mobilisée très largement, je l'espère bien au-delà des 3/5e, pour l'adopter", a-t-il dit sur France 2. (Jean-Baptiste Vey et Gérard Bon, avec Elizabeth Pineau, Emile Picy et Michel Rose, édité par Sophie Louet)