Volcan en Islande: que sont ces "digues" anti-lave qui ont protégé la ville de Grindavik?

Freiner la lave du mieux possible. L'état d'urgence a été déclaré en Islande samedi 16 mars, après qu'une quatrième éruption volcanique est venue frapper le pays depuis le mois de décembre 2023. Il s'agit de l'éruption "la plus importante", en termes de décharge de magma parmi la série que connaît le pays ces derniers mois, selon l'Institut météorologique islandais (IMO).

Si la plupart des habitants de la péninsule de Reykjanes ont déjà évacué les lieux lors des précédentes éruptions, des digues sont en place depuis décembre pour tenter de protéger certaines habitations situées à Grindavik, ville portuaire de 4.000 habitants au sud-ouest du pays.

Des monticules de terre et de lave solidifiée

"Le principe est assez simple, avec un bulldozer, on ramasse des rochers, de la terre et d'anciennes coulées de lave solidifiées pour créer des monticules", explique à BFMTV.com le volcanologue Jacques-Marie Bardintzeff de l'université de Paris Saclay.

Ces constructions, qui ne nécessitent donc l'apport d'aucun matériau extérieur, font en général "quelques mètres de hauteur", précise l'expert. Le principe est utilisé de longue date par les Islandais, mais des constructions similaires ont été réalisées près de l'Etna, en Italie, ou encore à Hawaïï.

L'objectif avec ces digues est de rediriger la lave loin des habitations, parfois vers la mer, pour qu'elle n'endommage pas les maisons, les routes et certaines installations, comme la centrale géothermique de Svartsengi qui fournit 30.000 habitants en eau chaude.

"En cas d'interaction entre la lave et l'eau de mer, il y aurait une série de risques volcaniques dus au refroidissement soudain de la lave", prévient cependant l'Institut météorologique islandais dimanche dans un communiqué.

La fissure "toujours en éruption" ce lundi

Ce lundi, un peu moins de deux jours avant le début de l'éruption, la lave continue de couler. Le personnel de la centrale géothermique encore sur place a été évacué ce lundi en raison de la pollution causée par l'éruption, selon le média islandais Ruv. Le Blue Lagoon, très prisé des touristes, reste également fermé.

Selon le média Ruv, qui cite le groupe des volcans du Sud et des risques naturels, "la partie sud de la fissure est toujours en éruption et crache de 10 à 15 jets de lave. L'éruption semble être restée stable ces dernières 24 heures".

"Ça joue en faveur des digues", estime Jacques-Marie Bardintzeff, auteur du livre Les Volcans.

Ralentissement de la lave

Jusqu'à présent, aucune habitation n'a été déclarée comme endommagée par la lave depuis samedi, signe du "savoir-faire de nos amis islandais", estime l'universitaire.

"La vitesse de l'écoulement de la lave ralentit progressivement" désormais, a également salué auprès de Reuters Halldor Geirsson, professeur associé à l'Institut des sciences de la terre de l'université d'Islande.

"La majorité de la lave se dirige vers l'Est de la ville en direction de la mer, donc il semble que les digues fassent le travail qu'on leur avait demandé", estime-t-il notamment.

Des digues pas infranchissables

Si elles s'avèrent régulièrement utiles, ces digues ne sont pas pour autant infranchissables dans le cas d'une éruption importante et de longue de durée. "En 2021, la lave est passée au-dessus", se souvient notamment le volcanologue, qui était présent en Islande, alors que le pays était frappé par une importante éruption.

Serait-il possible d'envisager la construction de barrières plus performantes, alors que le pays compte 33 volcans actifs? Cela ne semble pas à l'ordre du jour.

"Pour l'instant, ratisser ce qui est au sol est à la fois tellement simple, assez efficace et peu coûteux", estime le volcanologue.

L'Islande est frappée depuis 2021 par des éruptions plus fréquentes en raison du réveil d'une faille après 800 ans. Dans ce cadre, une nouvelle éruption pourrait frapper le pays dans les prochaines semaines ou mois. "On ne peut absolument pas exclure que ça dure plusieurs années", estime auprès de BFMTV Patrick Allard, volcanologue à l'Institut de physique du Globe.

Article original publié sur BFMTV.com