"On nous a volé notre chair": les témoignages poignants des proches des victimes de l’Hyper Cacher

Au procès de Charlie Hebdo au tribunal de Paris, le 16 septembre 2020 - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP
Au procès de Charlie Hebdo au tribunal de Paris, le 16 septembre 2020 - Benoit PEYRUCQ © 2019 AFP

"Ma vie s’est écroulée. Je suis morte avec lui." Vive émotion ce mardi matin dans la cour d’assises spéciale du tribunal judiciaire de Paris. À la barre pour cette nouvelle journée du procès des attentats de janvier 2015, les proches des victimes de l’Hyper Cacher. Dans ce magasin de la porte de Vincennes à Paris, le jihadiste Amedy Coulibaly a abattu froidement quatre personnes: Yohan Cohen, Philippe Braham, François-Michel Saada et Yoav Hattab.

Certains membres de leurs familles, parties civiles au procès, ont tenu à témoigner malgré la peine qui les a parfois empêchés d’aller au bout de leurs phrases. Eric Cohen, le père de Yohan Cohen, est le premier à s’être avancé. Entièrement vêtu de noir, l’homme massif, cheveux gris, raconte avoir appris la mort de son fils plusieurs heures après l’assaut du 9 janvier, donné par les forces de l’ordre à 17h00, après quatre heures d’une prise d’otages sous haute tension.

"On ne sait plus où on habite, on ne sait plus comment on s’appelle", raconte-t-il. "C’était indescriptible. Il y a eu des pleurs, des hurlements… Mais il fallait aussi trouver la force pour notre fille" qui a appris la mort de son grand frère par ses parents.

"Je ne suis plus moi-même"

Depuis l’attaque, Eric Cohen dit s’être "effondré". "Professionnellement je suis incapable de faire quoi que ce soit. Je ne suis plus moi-même". D’une voix émue, il poursuit: "On ne tue pas un enfant de 20 ans. Cette facilité qu’il (Amedy Coulibaly, ndlr) a eu à lui enlever la vie, je ne la pardonnerai jamais", tranche le père qui refuse de prononcer le nom du terroriste.

"À chaque anniversaire, à chaque fête... la joie n’est plus jamais à 100%. On n’arrivera plus à vivre normalement. On nous a volé notre chair", partage-t-il, abattu.

Dans le foyer de Valérie Braham, le quotidien a également été bouleversé. Son époux, Philippe Braham, est une autre victime qu’Amedy Coulibaly a achevée avec son fusil d’assaut. Cachée derrière ses longs cheveux noirs, elle ne parvient pas à dissimuler son chagrin. Durant la prise d’otages à l’Hyper Cacher, elle s’est réfugiée chez son beau-frère. Impossible de se rendre Porte de Vincennes, tout était bouclé.

"Les heures les plus longues de ma vie. J’ai suivi l’assaut à la télévision. J’ai essayé de voir Philippe sortir du magasin mais je n’ai rien vu…", se souvient-elle, en pleurs. "J’ai dit à mon beau-frère: ‘Ça y est, il l’a eu?’ Il ne pouvait même pas me regarder. Je ne voulais pas y croire". Ce 9 janvier 2015, Valérie Braham est morte avec son mari, raconte-t-elle noyée dans les sanglots.

"Ils ont du sang sur eux"

Le couple a eu trois enfants que Valérie Braham élève désormais seule. "Mes enfants grandissent sans père. La dernière ne se souvient même plus de (lui). Ils ne comprennent pas pourquoi un méchant a voulu tuer papa, le plus gentil du monde. Je ne leur pardonnerai jamais. Aujourd’hui, je ne vis plus", lâche-t-elle.

Devenue veuve à 29 ans, Valérie Braham a tenu à s’exprimer devant la cour ce mardi pour que "les gens sachent quel homme extraordinaire" était son mari. Elle sait que ce procès "ne le fera pas revenir" mais elle "attend que justice soit faite". En se tournant vers le box des accusés, elle conclut, la mort dans l’âme: "Même si ce n’est pas eux qui ont tué mon mari, ils ont du sang sur eux."

Article original publié sur BFMTV.com