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Voix discordantes sur la situation à Alep

Les insurgés syriens affirment que le pouvoir ne parviendra jamais à reprendre Alep, tandis que l'armée gouvernementale estime que l'offensive sur la partie est de la ville se déroule comme prévu. /Photo prise le 14 octobre 2016/REUTERS/Abdalrhman Ismail

par Tom Perry et Ellen Francis BEYROUTH (Reuters) - Les insurgés et les forces armées syriennes qui s'affrontent à Alep ont fait entendre des voix contradictoires vendredi, les premiers affirmant que le pouvoir ne parviendrait jamais à reprendre Alep, tandis que l'armée estime que l'offensive sur la partie est de la ville se déroule comme prévu. La bataille d'Alep est d'autant plus féroce que la diplomatie est impuissante. La Russie, qui soutient le président syrien Bachar al Assad, a dit n'attendre "rien de spécial" de la réunion sur la Syrie qui se tiendra samedi en Suisse au niveau des ministres des Affaires étrangères et ne prévoit pas de faire de nouvelles propositions pour résoudre le conflit. Selon le vice-commandant du groupe rebelle Fastakim pour Alep, Melhem Akidi, les frappes aériennes russes ne s'avèrent pas très efficaces pour appuyer les forces gouvernementales syriennes sur le terrain. Et de souligner que si les bombes pleuvent sur une grande partie de la ville, elles évitent de cibler la ligne de front où les ennemis s'affrontent de près. Il s'agit apparemment pour les avions russes et syriens d'éviter de toucher leur propre camp au sol. D'ailleurs, affirme Melhem Akidi, les rebelles étaient tout à fait préparés au siège d'Alep-Est qui leur est imposé depuis l'été, et les préparatifs d'une contre-attaque sont en cours. "Militairement, il n'y a pas de danger pour la ville d'Alep", affirme-t-il. "Le plus dangereux, ce sont les massacres quotidiens de la part du régime qui visent non seulement la population, mais aussi les fondations de la vie à Alep." A l'opposé, un militaire syrien, ainsi qu'un autre militaire, non syrien mais allié au régime de Bachar al Assad, disent que la grande offensive lancée le 22 septembre sur Alep-Est avec l'appui de l'armée russe et de milices irakiennes, iraniennes et libanaises se déroule comme prévu et réaffirment que les civils ne sont pas visés. "Ce qui est réalisé pour l'instant se déroule conformément au plan et nous travaillons étape par étape", a dit le second. L'assaut sur Alep-Est a fait plusieurs centaines de morts et détruit de nombreux bâtiments. Des hôpitaux ont été touchés, ce qui a fait dire à la France et aux Etats-Unis que la Syrie et la Russie était coupables de crimes de guerre. Moscou et Damas affirment qu'ils ne visent que les insurgés. BRISER LE SIÈGE Selon Mohamed Sandehoun, du conseil municipal d'opposition à Alep, le combustible pour faire tourner les boulangeries pourrait venir à manquer d'ici un mois si le siège persiste. En outre, un moulin a été bombardé mercredi, ajoute-t-il. Pour l'heure, l'avancée la plus notable des forces gouvernementales syriennes et de leurs alliés s'est faite au nord d'Alep, avec notamment la prise du camp de réfugiés palestiniens d'Handarat. L'armée a également fait état d'avancées dans le centre-ville, que les rebelles disent avoir repoussées. De source militaire syrienne, on indique que l'armée a pris le contrôle de plusieurs sites industriels et d'un établissement d'enseignement agricole vendredi dans le nord-est d'Alep. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG basée à Londres qui fait un point quotidien sur la guerre, les avancées revendiquées pour l'instant par le gouvernement ne correspondent pas à l'intensité de la puissance de feu déployée. Le vice-commandant de Fastakim à Alep note aussi la proximité des places fortes tenues par la rébellion à l'ouest d'Alep et dans la province d'Idlib ainsi que la position qu'il qualifie de "fragile" du gouvernement sur un point d'accès important à la périphérie sud d'Alep. "Je n'exclus pas que les révolutionnaire soient capable de briser le siège sous peu", déclare Melhem Akidi. D'après les chiffres publiés jeudi par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'Onu (Ocha), 406 personnes sont mortes et 1.384 ont été blessées dans la partie est d'Alep entre le 23 septembre et le 8 octobre. Dans la partie ouest tenue par le gouvernement, elle aussi visée par les obus des insurgés, 91 personnes, dont 18 enfants, ont été tués dans le même temps. Selon l'Ocha, la situation s'est un peu améliorée après l'accord trouvé lundi par les parties pour préserver les stations d'épuration. Mais, précise Ibrahim Abou al Laith, du service de protection civile, même après la remise en service des stations, l'eau n'a pas pu atteindre les habitants en raison du manque de combustible. Le fuel est vital pour les quartiers est, souligne-t-il. "Le nôtre est en train de s'épuiser", ajoute-t-il. (Danielle Rouquié pour le service français)