Peut-on être testé positif au cannabis en consommant du CBD ?

Photo d'illustration (Denis CHARLET / AFP)
Photo d'illustration (Denis CHARLET / AFP)

MISE À JOUR : le 21 juin 2023, la Cour de cassation a déclaré que la conduite sous l’emprise du CBD, si des traces de THC sont trouvées lors d’un dépistage, constituait une infraction. Jusqu’ici, un flou juridique demeurait autour de cette question.

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Plusieurs automobilistes rapportent avoir été contrôlés positifs au cannabis, alors qu'ils n'avaient consommé que du CBD.

Le CBD a le vent en poupe en France depuis plusieurs années. Selon un rapport parlementaire de 2021, la France représente un marché de l'ordre de 1 million de consommateurs de ce dérivé du cannabis, le cannabidiol, dont la vente est légale.

Si le cannabidiol a le goût et l'odeur du cannabis, et des effets relaxants, la différence est que le CBD est légal, quand le cannabis lui, ne l'est pas. Sauf que la distinction entre les deux est parfois trop fine pour les tests de dépistage salivaires utilisés par les forces de l'ordre lors de contrôles routiers.

Testés positifs au cannabis après avoir consommé du CBD

Plusieurs automobilistes expliquent ainsi avoir été contrôlés positifs au cannabis lors d'un de ces tests salivaires, alors qu'ils assurent ne pas en avoir consommé, ne s'étant contentés que de CBD, dont la consommation est légale en France.

"Depuis deux ans, un dossier de conduite sous stupéfiants sur deux qui arrive dans mon cabinet est en relation avec le CBD. Certains clients sont de bonne foi et me prouvent la consommation avec une analyse ou une facture d’achat, d’autres me le disent sans me le prouver, et ne sont peut être pas de bonne foi", nous explique Maître Antoine Regley, avocat spécialiste du droit routier.

Un faux positif à cause de résidus de THC dans le CBD

En cause, le fonctionnement de ces tests de dépistage : à l'instar des tests de dépistage salivaire du Covid, il s'agit de récolter de la salive dans la bouche du conducteur, puis de l'enclencher dans un appareil qui recherche la présence, pour le cas du cannabis, de tétrahydrocannabinol (THC).

Le THC, classé parmi les stupéfiants dans un grand nombre de pays dont la France, est la molécule responsable des principaux effets psychoactifs du cannabis. Comme l'explique le site drogues info service, un "faux positif" s'explique par la détection de principes actifs également présents dans la composition de certains médicaments.

Jusqu'à 2 ans de prison et 4 500 euros d'amende

Pour le CBD, c'est la présence de résidus de THC qui induit le test en erreur. Par exemple, les fleurs de CBD, dont la vente est légale en France, possèdent en général un taux résiduel de THC. Un taux qui ne doit pas dépasser la limite légale de 0,3%, pour que le produit soit vendu.

"Aujourd’hui rien n’est fait pour dire si le THC détecté dans un test salivaire vient du CBD, qui peut contenir des résidus de THC, ou de l’usage de cannabis", explique l’avocat. Parmi les pistes, le retour aux prises de sang et l'abandon des tests salivaires, mis en place depuis 2016, ou l'élaboration de tests plus performants. Or, en cas de test positif au volant, c'est-à-dire de conduite sous l'emprise de stupéfiants, l'automobiliste risque jusqu'à 2 ans d’emprisonnement, 4 500 euros d’amende et une perte de 6 points sur le permis de conduire.

"Exigez une prise de sang"

"En cas de test salivaire positif, si vous êtes sûr de n'avoir consommé que du CBD, il faut exiger une prise de sang lorsque vous êtes emmené au commissariat. Ne vous laissez pas avoir par le discours des forces de l’ordre qui dit que ça ne sert à rien, que ça coute cher… c’est ce que me remontent mes clients. Le faire à ce moment-là permet de faire tomber la procédure et d’éviter le tribunal", conseille maître Antoine Regley. Une prise de sang permet d'établir si la THC présente est due à des résidus présents dans le CBD ou dû à la consommation de cannabis.

À défaut d'une prise de sang demandée au commissariat, le conseil recommande d'aller le plus vite possible dans un laboratoire faire une prise de sang. Enfin, en solution de dernier recours, un test capillaire, qui reste très onéreux. La solution pourrait venir de nos voisins belges et allemands, où la police est munie d'un dispositif qui permet de récolter une quantité précise de salive, qui permet ensuite aux laboratoires de déterminer la concentration en THC dans l'organisme, afin de dissiper tout malentendu.

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