"Mes voisins m'ont sauvé la vie": une victime d'une tentative de féminicide témoigne
La difficulté de se faire entendre. Quelques heures après le féminicide de Montpellier, où une septuagénaire a été tuée d'une balle dans la tête par son ex-mari avant un banal rendez-vous devant le juge aux affaires familiales, Laura Rapp, victime de violences conjugales et d'une tentative de féminicide, était invitée de BFMTV ce mardi soir. La jeune femme, qui a écrit l'ouvrage Tweeter ou mourir, revient sur l'épreuve qu'elle doit subir depuis maintenant des années.
Les faits les plus graves remontent à avril 2018, au terme de cinq années de violences conjugales. "Mon ex-compagnon a failli me tuer sous les yeux de notre fille et si je suis vivante, j'ai été sauvée, c'est grâce aux voisins qui m'ont sauvé la vie", débute-t-elle, avant de développer un récit glaçant.
"On était en soirée et je suis rentrée avant lui. J'étais dans la chambre de ma fille, on s’est disputé, je suis retournée dans la chambre de ma fille, je me suis allongée, et là, il m'a sauté dessus. Je me suis écrasé sur la table de chevet, les seuls mots c’était: 'Je vais te tuer'. Il m’a étranglé à plusieurs reprises, j'ai perdu connaissance une première fois", détaille-t-elle.
"Il m'a éclaté la tête à plusieurs reprises sur le mur"
Malgré les violences dont elle a déjà été victime à plusieurs reprises, Laura Rapp souligne que les faits de ce jour-là sont différents. "Je savais qu’il était déterminé, il avait un regard noir et déshumanisé, je savais qu’il fallait que je sorte de cet appartement", se rappelle-t-elle. Or, le compagnon violent avait caché les clés de sa victime afin de l'enfermer et de reprendre les violences.
"Il m’a éclaté la tête à plusieurs reprises sur le mur. Les voisins m’ont sauvé la vie en frappant à la porte, ça a arrêté la strangulation, on avait un double des clés et j’ai rampé. Je me suis écroulée dans le couloir, les voisins ont appelé la police, il s'est enfui devant tout le monde et il a été arrêté une demi-heure après", explique la jeune femme.
En dépit des longs mois de violences avant cette tentative de féminicide, Laura dit n'avoir "jamais déposé plainte contre cet homme" mais qu'à trois reprises déjà, la police avait du intervenir contre lui.
La première fois, "c’était des voisins qui avaient appelé, mais je ne me disais pas que j’étais victime de violences." La deuxième intervention se déroule en présence de la mère de l'ex-compagnon; "il était violent et alcoolisé, elle n'a rien fait, même pas dit d'arrêter."
La troisième venue des policiers a fait l'effet d'un déclic. "Il m'a menacé de mort et lancé une bouteille sur ma fille, j'ai appelé mes parents qui ont appelé la police. Ils m'ont dit que je pouvais déposer plainte mais qu'il ne se passerait pas grand-chose. Je savais que si je portais plainte et que je n'étais pas protégée, j'étais morte."
Inversion de la situation
Après les faits d'avril 2018, son ex-compagnon est condamné à huit ans de prison mais est ressorti au bout de cinq ans seulement derrière les barreaux.
"Je vis un enfer. Depuis que j’ai déposé plainte c'est deuxième cauchemar, il a été libéré avant le procès, j’ai dû me battre pour qu’il soit déchu de ses droits parentaux, j’ai dû déposer plainte pour cyberharcèlement. J’ai déménagé, mais depuis sa prison il a retrouvé mon adresse, sa mère a porté plainte pour retrouver des droits sur ma fille, si c’est pas eux qui nous tuent ils vous tuent via le système judiciaire", dénonce Laura Rapp.
La victime l'assure, il y a désormais une inversion des rôles dans cette affaire. "Il me fait ce que Jonathann Daval fait à la famille de sa femme. Il a déposé plainte contre moi, contre la maison d’édition pour diffamation, on ne s’imagine pas l’horreur que je peux vivre, c’est un enfer."
"Depuis leur prison, ils ont tous les droits, j'ai été mise en examen, renvoyée devant un tribunal correctionnel, dépensé plus de 10.000 euros de frais d’avocat, je me suis retrouvée prévenue à cause d'un homme qui m'a fait vivre des années de violences", se scandalise-t-elle.
De manière générale, Laura Rapp en veut énormément à l'administration pour la situation dans laquelle elle se trouve aujourd'hui.
"Il n'y a aucun suivi, on est dans une condamnation criminelle, c’est moi qui suis obligée de déménager, mas on est où? Je n’ai même pas été prévenue de sa libération conditionnelle", termine-t-elle.
En moyenne, un féminicide survient tous les trois jours en France. Éric Dupond-Moretti a récemment avancé le chiffre de 94 féminicides en 2023, contre 118 en 2022, une baisse accueillie avec scepticisme par les associations féministes. Selon les collectifs de défense des femmes, au 20 février, 22 féminicides ont déjà été relevés depuis le début de l'année en France.