Vladimir Poutine face à Tucker Carlson : pourquoi cette interview fait grand bruit avant même sa diffusion

L’interview de Vladimir Poutine (ici le 31 janvier à Moscou) par Tucker Carlson (ici à Palm Beach le 15 juillet) doit être diffusée ce jeudi à minuit (heure de Paris).
NATALIA KOLESNIKOVA, GIORGIO VIERA / AFP L’interview de Vladimir Poutine (ici le 31 janvier à Moscou) par Tucker Carlson (ici à Palm Beach le 15 juillet) doit être diffusée ce jeudi à minuit (heure de Paris).

INTERNATIONAL - La rumeur courait depuis plusieurs jours déjà. L’ancien animateur star de Fox News, Tucker Carlson, a finalement confirmé mercredi avoir rencontré Vladimir Poutine à Moscou pour une interview. Cette dernière doit être diffusée sur son site internet et son compte X (anciennement Twitter) ce jeudi 8 février à minuit (heure de Paris).

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De la Maison blanche au plateau du talk-show de Jimmy Kimmel, en passant par la Commission européenne à Bruxelles, l’annonce est largement commentée, et la séquence ne manquera pas d’être scrutée. Le HuffPost vous explique pourquoi, avant même sa diffusion, cette interview du président russe par un animateur (très) sulfureux fait réagir.

• Parce que la parole de Vladimir Poutine est rare

Il s’agit de la première interview accordée par le président russe à la presse occidentale depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022. Dans la vidéo annonçant cet entretien, Tucker Carlson assure que, contrairement à lui, « pas un seul journaliste occidental n’a pris la peine d’interroger le président de l’autre pays impliqué dans ce conflit : Vladimir Poutine ».

Si, factuellement, cette affirmation est vraie, l’animateur ne s’embarrasse pas d’en expliquer la cause : en réalité, les demandes d’interview faites par la presse occidentale sont régulièrement rejetées par le président russe, comme l’a lui-même expliqué le Kremlin. « M. Carlson se trompe. Nous recevons de nombreuses demandes d’interview avec le président », s’est félicité le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov. Mais les médias occidentaux n’essaient pas « d’avoir au moins l’air objectif, et adoptent une position très partiale », a-t-il justifié.

L’accès privilégié accordé à Tucker Carlson contraste donc avec les restrictions imposées à d’autres journalistes étrangers en Russie, où deux reporters américains, Evan Gershkovich du Wall Street Journal et Alsu Kurmasheva du média RFE/RL, ont été arrêtés l’année dernière et sont toujours détenus.

• Parce que Tucker Carlson est une personnalité controversée

Le porte-parole du Kremlin a expliqué pourquoi Tucker Carlson avait eu droit à cette faveur. Selon lui, ce dernier a une « position qui contraste avec celle des médias traditionnels anglo-saxons » qui, eux, sont qualifiés de « partiaux ».

Proche de Donald Trump, Tucker Carlson est devenu ces dernières années l’une des voix les plus retentissantes de l’Amérique conservatrice. Opposé à l’avortement, grand défenseur du port d’armes, le quinquagénaire a présenté le « Tucker Carlson Tonight » sur Fox News de 2016 à 2023, l’une des émissions les plus regardées du câble. Il y dressait le portrait d’une Amérique assiégée par l’immigration, le mouvement Black Lives Matter ou la bien-pensance.

Depuis son départ de Fox News (que la chaîne n’a jamais expliqué), Tucker Carlson, accusé de populariser des thèses complotistes et racistes, diffuse sa propre émission sur X. Il a notamment interrogé Donald Trump, candidat à la présidentielle de novembre, mais aussi le nouveau président ultralibéral de l’Argentine, Javier Milei, et le Premier ministre hongrois Viktor Orban, seul au sein de l’UE à avoir maintenu des liens étroits avec la Russie.

Critique envers Vladimir Poutine par le passé, Tucker Carlson a, ces dernières années, eu des mots plus favorables envers Moscou. « Pourquoi Vladimir Poutine est-il un méchant ? Il n’est pas Saddam Hussein, il n’est pas Adolf Hitler, il n’est pas un danger pour les États-Unis », avait-il lancé en 2017. En miroir, il n’hésite pas à exprimer toute son hostilité à l’égard de l’Ukraine, un pays qui selon lui n’est « pas une démocratie » : « C’est une colonie avec un gouvernement fantoche, essentiellement contrôlé par le ministère américain des Affaires étrangères ».

• Pour son impact politique

Pour le New York Times, cette interview par un interlocuteur a priori acquis à sa cause sera donc l’occasion pour Vladimir Poutine de gonfler son capital sympathie chez une partie des Américains. Et cela à un moment critique, alors que le Congrès bute sur l’envoi d’une nouvelle aide financière à l’Ukraine. Sous la pression de Donald Trump, qui garde toujours une emprise énorme sur ses troupes au Congrès, la plupart des Républicains ont voté contre cette aide (qui concernait également Israël) – même ceux qui la soutenaient initialement. Face au blocage, le vote a été reporté… à ce jeudi.

En pleine campagne présidentielle, certains élus pro-Trump, comme la représentante républicaine Marjorie Taylor Greene, se frottent déjà les mains avant la diffusion de l’entretien. « Les démocrates et leurs propagandistes convulsent à l’idée que Tucker Carlson interviewe Poutine », a-t-elle ironisé sur X. « Du vrai journalisme », estime aussi le représentant d’extrême droite Matt Gaetz.

CNN voit déjà une victoire pour Vladimir Poutine dans la seule venue de Tucker Carlson à Moscou. Les médias d’État russes relatent en effet depuis plusieurs jours les moindres faits et gestes de l’Américain pendant son voyage, de son escapade au théâtre Bolchoï à son déjeuner dans un restaurant chic, où il a pu bénéficier d’un « wi-fi rapide et gratuit ».

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