Vladimir Fedorovski : «Gorbatchev appartient à l’Histoire»

Dans «Poutine de A à Z» (éd. Stock, 2017), Vladimir Fedorovski consacrait aussi bien un chapitre à la chute démographique en Russie qu’à Alexandre Douguine, le « Raspoutine » dont la fille vient d’être assassinée, ou à Michaël Gorbatchev. Il revient aujourd’hui sur ce portrait pour y poser la dernière touche.

Il avait disparu des écrans. Le grand âge le maintenait à l’écart. La prudence, aussi. Dans la Russie de 2020, Mikhaïl Gorbachev avait une sorte de muselière personnelle : que le pouvoir lui supprime ses gardes du corps et il n’aurait plus pu mettre un pied dehors. Du matin au soir, des passants auraient pu l’agresser. On n’imagine pas la rancœur des Russes à son endroit. Pour eux, Eltsine était un traître et un ivrogne et lui, un traître et un crétin. Du coup, il se taisait. Tel un personnage shakespearien, il attendait la mort seul, tout seul. Sa fille vivait en Allemagne, ses deux petites-filles aussi. Seuls quelques intimes connaissaient ses sentiments profonds et très critiques envers Vladimir Poutine. Plus à cause de son comportement que de sa politique : Gorbachev qui a vu, pendant quatre ans, Medvedev occuper la présidence par intérim, n’a jamais accepté la comédie du pouvoir. « La Constitution, c’est la Constitution », répétait l’ancien Secrétaire général. Sur la Crimée, en revanche, il avait été moins ferme. Pour lui, elle était russe, point final.

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Si la guerre en Ukraine n’a pas reçu de sa part un tel blanc-seing, c’est peut-être simplement parce qu’il n’était plus en état de s‘exprimer. En privé, on connaissait son attitude : sa mère était d’origine ukrainienne comme sa femme, Raïssa. Cette guerre ne pouvait être qu’un traumatisme. De là à la condamner, il y avait un gouffre qu’il n’a pas franchi. Même banni des médias, des hommages et des mémoires, il demeurait le dernier maître du Soviet Suprem. Mais qu’est-ce qu’un tsar qui ne veut plus, ou ne peut plus, faire trembler le monde ? Glorifié en Occident pour avoir mis(...)


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