Violences contre les élus: près de 70% des maires disent avoir déjà été victimes d'incivilités

Des élus catalyseurs d'une "fatigue républicaine"? Une vaste enquête du Cevipof, parue ce dimanche 19 novembre dans Le Monde, rapporte que les agressions visant les maires devraient encore progresser de 15% en 2023, alors que cette année a été notamment marquée en juillet par la spectaculaire attaque à la voiture-bélier du domicile du maire de L'Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne.

La cinquième enquête du Cevipof réalisée pour l'Association des maires de France (AMF) à deux jours de son congrès a obtenu un taux de réponse "exceptionnellement élevé", selon son auteur le politologue Martial Foucault, avec près de 8.000 répondants.

Un signe selon lui que les élus avaient "des messages à faire passer", alors que les violences urbaines survenues en juin et juillet derniers ont notamment visé les mairies.

Près de 4 maires sur 10 victimes d'injures

Après une hausse de 32% des agressions en 2022, soit 2.265 plaintes et signalements, le ministère de l'Intérieur table sur une nouvelle hausse de 15% en 2023.

Au total, 69% des maires interrogés par le Cevipof déclarent avoir déjà été victimes d'incivilités (+16 points par rapport à 2020), 39% avoir subi injures et insultes (+10 points) et 27% avoir été attaqués sur les réseaux sociaux (+7 points), les violences physiques restant rares.

Autre enseignement, le rythme des démissions de maires a augmenté de 30% par rapport au mandat précédent, avec plus de 1.300 comptabilisées depuis 2020, chiffre révélateur d'une "fatigue républicaine".

Le maire sans étiquette de Nonancourt, dans l'Eure, Jean-Loup Justeau, a été lui-même victime d'une agression parce qu'il est élu. Il estime ce dimanche sur BFMTV que l'augmentation de ces actes est "symptomatique" d'une "dérive de l'autorité" dans la société.

Un "sentiment d'impuissance"

Parmi les facteurs d'explication, Martial Foucault fait état d'un "sentiment d'impuissance" des maires, confrontés à la réalité de plus en plus complexe et chronophage de leur mission.

Le directeur du Cevipof rappelle sur BFMTV ce dimanche que, malgré tout, "le maire reste l'élu en qui les Français ont le plus confiance". "Mais cette proximité produit aussi un certain nombre d'exaspérations de citoyens devenus extrêmement exigeants, avec une immédiateté dans la réponse", estime-t-il.

De fait, les maires sondés invoquent une "trop forte exigence des citoyens" et les difficultés à concilier exercice du mandat et vie personnelle ou professionnelle, parmi les difficultés croissantes inhérentes à leur activité. L'insuffisance des indemnités n'arrive qu'en 7e position.

Interrogés sur ce qu'il faudrait changer, 50% suggèrent pourtant de revoir à la hausse leurs émoluments, à la charge de l'État. "S'ils ne s'engagent pas pour gagner de l'argent, ils ne sont pas prêts à en perdre non plus", note l'auteur.

Les maires demandent aussi l'augmentation du crédit d'heures accordées par leur entreprise pour exercer leur mandat et l'instauration d'un nombre minimum obligatoire d'absences financées par l'entreprise.

Des élus qui "résistent"

L'étude du Cevipof est également l'occasion de dresser un portrait-robot des maires français. Âgés en moyenne de 60 ans, 8 maires sur 10 sont des hommes et 40% sont retraités.

Ils consacrent en moyenne 32 heures par semaine à leur mandat et perçoivent un niveau moyen de rémunération comparable au Smic horaire (10,85 euros brut) dans les plus petites communes, le double pour les plus de 50.000 habitants.

Avec près d'un million de candidats aux municipales, l'engagement local n'est "pas encore menacé" et "les maires résistent à l'accumulation de crises", conclut l'auteur, même s'il y a besoin selon lui de "réviser les conditions d'exercice".

Article original publié sur BFMTV.com