Violences conjugales: inquiétudes autour de l'avenir du numéro d'écoute 3919
La ligne téléphonique 3919 pour les femmes victimes de violences va-t-elle disparaître? Dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, la militante féministe Caroline de Haas, membre du collectif NousToutes, affirme que le numéro va être "purement et simplement" supprimé. Une information que dément le ministère chargé de l'Égalité femmes/hommes.
Dans cette vidéo partagée sur le compte de l'association, Caroline de Haas affirme que "le gouvernement a confirmé qu’il avait décidé purement et simplement de supprimer ce numéro de téléphone, de le faire disparaître."
Une évolution "inévitable"
La militante fait référence à la plateforme d'appel, 3919, qui a vu le jour en 1992 et est actuellement gérée la Fédération nationale Solidarités femmes (FNSF). Le gouvernement a lancé une procédure de marché public, afin d'aboutir à un nouveau cadre juridique pour le 3919 d'ici juin ou juillet.
Ce changement doit aller de pair avec l'élargissement des horaires de la ligne d'écoute, annoncé lors du "Grenelle" contre les violences conjugales. Pour tenir compte du décalage horaire avec les départements et territoires d'outre-mer, le service doit fonctionner 24h/24, alors qu'il ferme actuellement à 22h en semaine et 18h le week-end. La ligne doit également devenir accessible aux personnes sourdes ou ayant des troubles du langage.
Le lancement d'une telle procédure, avait expliqué en novembre à l'AFP l'entourage de la ministre déléguée chargée de l'Égalité femmes/hommes, Elisabeth Moreno, était connu depuis les annonces du "Grenelle", il y a un an, et est "inévitable" pour des raisons juridiques.
Sauf que cette évolution pourrait se faire sans le maintien du même numéro, selon les documents diffusés sur le compte Twitter de NousToutes. Le cahier des clauses techniques particulières du marché public évoque "un numéro d'accès fourni par l'État." Or le gouvernement n'est pas propriétaire de l'actuelle ligne, le 3919, détenu par la FNSF.
Il est également indiqué que "la marque associée à ce service d'écoute [est] en cours de définition et de conception". Sous-entendant qu'il s'agit bien de la création d'un nouveau numéro, et non de la pérennisation de l'actuel.
Des milliers de femmes "en danger"
"Le 3919 est un numéro qui commence à être connu et reconnu partout en France", soutient Caroline De Haas.
Si un nouveau numéro est créé et que la subvention publique pour financer l'actuelle ligne n'est pas maintenue, demain "des femmes continueront à appeler le 3919 et n’auront plus personne au bout du fil (...) Cette décision va mettre en danger des milliers de femmes victimes de violences”.
La FNSF, mais aussi la Ligue des droits de l'homme, le Planning familial ou l'Union nationale des familles de féminicide avaient également publié en novembre un communiqué commun dans lequel elles demandaient "au gouvernement de renoncer" à cette procédure de marché public. Les associations expliquaient que la procédure risquait de "fragiliser" le service rendu aux femmes en danger.
"La lutte contre la violence et la protection des femmes est une cause d'intérêt général et non une activité marchande à laquelle on peut appliquer les lois du marché", affirmaient les signataires.
Un risque de contestation juridique
"On fait de cette ligne un véritable service public: on en définit les objectifs et les modalités, et on la finance à 100%", avait alors rétorqué le cabinet d'Elisabeth Moreno. La plateforme téléphonique va ainsi devenir "publique, et pour ainsi dire nationalisée", et en conséquence "le recours à la commande publique s'impose". Sans une telle procédure, le risque de contestation juridique serait "avéré", ce qui pourrait "retarder la mise en service" de la plateforme remaniée, voire la "mettre en danger".
La ministre a par ailleurs assuré que la FNSF avait "parfaitement la légitimité pour répondre à ce marché". "Son dossier est de qualité, puisqu'elle gère déjà la ligne depuis des décennies, qu'elle a un savoir-faire, une expérience, et des écoutants formés", a observé son cabinet.
Cette semaine, son entourage a assuré à plusieurs médias dont Mediapart, que le numéro n'allait pas disparaître, sans toutefois expliquer comment celui-ci pourrait perdurer en plus de celui créé par l'appel d'offre.
Chaque semaine, l'association FNSF prend en charge 2000 femmes victimes de violences. Ce nombre était monté à 7000 lors du premier confinement.