Vingt-cinq après, l'exode vers l'Ouest des jeunes femmes de l'ex-RDA

par Tina Bellon BERLIN (Reuters) - Vingt-cinq ans après la réunification de l'Allemagne, l'est du pays -- l'ancienne République démocratique allemande -- doit faire face à un problème inquiétant: l'exode vers l'Ouest des jeunes femmes attirées par des emplois et de meilleurs salaires. Dans de nombreuses localités, les femmes ne représentent que 40% de la classe d'âge des 18-29 ans. A Quitzdorf am See, charmant village près de la frontière polonaise, ce taux est seulement de 27%. "Ce n'est pas seulement un problème démographique, c'est aussi et surtout un désastre culturel, économique et social qui bloque le développement de l'est de l'Allemagne", estime le sociologue Raj Kollmorgen. Entre 1991 et 2013, 3,3 millions d'"Ossis", les anciens citoyens de RDA, se sont installés dans l'Ouest. Durant la même période, 2,1 millions d'Allemands de l'Ouest ont fait le trajet inverse, selon l'Office fédéral des statistiques. Ce déficit s'est réduit ces deux dernières années, certaines villes de l'Est, comme Leipzig, enregistrant des gains de population. Mais l'exode des femmes reste toujours aussi préoccupant. Jennifer Walter a 26 ans. Née dans le petit village de Schönfeld, dans le nord-est du pays, elle est partie à Cologne, dans l'Ouest, pour suivre des études commerciales. "J'ai vite compris qu'à la fin de l'université, de toute façon, je ne pourrais pas retourner chez moi, faute d'emplois. Et si par miracle j'avais pu trouver un poste, mon salaire aurait été bien moindre qu'à l'Ouest", explique-t-elle. "On assiste à une émigration sélective, les jeunes les mieux formés, qui sont surtout des femmes, partant pour l'Ouest", dit Raj Kollmorgen. "En moyenne, poursuit le sociologue, les jeunes femmes sont plus diplômées que les garçons, plus ambitieuses et désireuses d'aller tenter leur chance ailleurs." Steffen Kröhnert, de l'Institut pour la population et le développement, dont le siège est à Berlin, souligne que "le déficit de femmes en Allemagne orientale est une chose unique en Europe". "Même dans des régions comme le cercle Arctique, dans le nord de la Suède et de la Finlande, qui souffrent du même problème, on n'atteint pas un tel niveau", dit-il. Le taux de chômage dans l'est de l'Allemagne est en moyenne supérieur de quatre points à celui de l'Ouest. Dans le Land de Saxe-Anhalt, il s'établit à 16,7%, alors que la moyenne nationale était de 6,7% en 2014. Les salaires dans l'ex-RDA sont inférieurs d'un tiers à ceux de l'Ouest. Cela explique que parents et professeurs incitent les jeunes femmes à s'en aller. Et les jeunes hommes qui restent ? "Nous avons une génération sans ambition ni perspective", déplore Ingrid Löben, une assistante sociale du Land de Brandebourg. (Guy Kerivel pour le service français)